— Par Jean-Marie Nol —
Quid de l’histoire méconnue de la plus grande civilisation de tous les temps qui était noire , et qui ait jamais existé sur terre ?
Disons le sans détour, il s’agit à l’attention des profanes du royaume nubien des pharaons noirs d’Abyssinie. Selon les récits de Platon, le berceau de la civilisation pourrait ne pas être la Grèce, mais plutôt l’abyssinie .
L’abyssinie serait une très ancienne civilisation perdue qui se situait au-delà des frontières actuelles de l’Égypte , du Soudan , et surtout de l’ Éthiopie .
Dans les anciennes écritures, on décrit les habitants de l’abyssinie comme étant des grands savants qui avaient énormément de connaissances et de compétences technologiques.
On raconte que les pharaons noirs qui régnaient à leur époque sur l’abyssinie maîtrisèrent la nature à un degré jamais atteint par l’homme. Selon certains archéologues, ces mystérieux pharaons noirs maîtrisèrent l’énergie infinie , et seraient à l’origine des sources du judaisme et du christianisme avec notamment les juifs noirs ( les fallachas) qui n’étaient autres que la première des 13 tribus d’Israël . L’on raconte même que la reine de Saba qui était noire et qui dirigeait le royaume nubien de l’abyssinie aurait épousé le roi des juifs David avec lequel elle aurait eu un enfant.La reine de Saba est le nom d’une souveraine d’une très grande beauté et d’une très grande sagesse, évoquée dans la Bible (Premier livre des Rois, chapitre 10) qui serait venue rendre visite au roi Salomon, fils de David. Cette rencontre biblique eut un impact incommensurable sur l’imaginaire populaire. Elle véhicula des messages de beauté, de richesse, de pouvoir, d’exotisme, d’intrigue, de magie et d’amour. La reine inspira l’élaboration de miniatures turques et perses, la création de tableaux et de musiques européennes ou encore la production du peplum hollywoodien de 1959, Salomon et la Reine de Saba. Elle régnait sur Saba, que la tradition situe en Éthiopie qui faisait à l’époque partie intégrante du puissant royaume nubien d’Abyssinie.
Comme vous vous en doutez sans doute, l’existence de l’abyssinie n’est pas unanime au sein de la communauté scientifique , car les recherches archéologiques sur le sujet en sont encore aux balbutiements .
Après tout, le moins qu’on puisse dire c’est qu’à mesure que le temps passe, les faits et les histoires trop épiques se transforment toujours en mythes et légendes. Il serait souhaitable que nos concitoyens puissent s’approprier cette histoire ancienne des pharaons noirs d’Abyssinie qui sont de façon incontestable les ancêtres directs de toute les dynasties de pharaons qui se sont succédés sur l’Égypte ancienne, parce qu’elle est tout simplement géniale, indispensable pour comprendre notre temps, mais aussi pour savoir d’où l’on vient et où on va. Personne n’a jamais raconté la mémoire du peuple noir de cette façon-là, comme un récit plein de sens, une histoire dont le fil conducteur est la question cruciale : Qu’est-ce qui a provoqué l’effacement dans l’histoire de la grandeur de l’homme noir et précipité la chute de la civilisation noire . Avec les pharaons noirs d’Abyssinie , c’était tout bonnement la première grande civilisation jamais inégalée depuis, et c’était la vie en harmonie avec l’ordre cosmique, pour nous, c’est plutôt une vie en harmonie avec l’humanité, ce qui suppose un tout autre type de sagesse. La crise que nous vivons aujourd’hui est un bouleversement majeur qui va changer nos vies, et bouleverser nos certitudes.
C’est peu dire qu’en cette fin d’année 2022 , le pays Guadeloupe broie du noir. Les raisons objectives ne manquent pas : la guerre en Ukraine, la crise énergétique, la présence de l’inflation, les conflits sociaux, le ralentissement de la croissance donnent le sentiment d’un monde qui s’écroule pour certains des Guadeloupéens parmi encore les plus conscients. Le délabrement des services publics (mairie en déficit , école, hôpital, eau, transition énergétique , déchets, transports), qui faisaient naguère la réputation du modèle français en Guadeloupe, ajoute au trouble. Ce qui est moins normal est le rôle joué par la configuration politique du moment : loin de soulager le pessimisme ambiant, elle y participe pleinement sans que personne en puisse modifier le cours des choses .Or d’après le grand penseur Antoine Gramsci ,on dit que la chronologie est l’ossature de l’Histoire.
Mais il faut admettre aussi qu’il y a quatre ou cinq dates fondamentales que toute personne bien instruite de l’histoire de la Guadeloupe conserve fichée dans un coin de son cerveau et qui ont joué de vilains tours à l’Histoire. Elles aussi sont des nouvelles périodes totalement méconnues de nos contemporains . Certains connaissent le pan de l’Histoire romaine, ou du Moyen Âge, ou de l’Époque moderne. Et elles sont devenues tellement envahissantes et fossilisantes que nous nous surprenons nous-mêmes à penser quelquefois que l’histoire en Guadeloupe a commencé en 1802 , et 1848 . Ces dates sont certes connues dans l’histoire de l’esclavage des afro-guadeloupeens , mais qu’en est-il de l’histoire des premiers esclaves blancs de la Guadeloupe d’origine irlandaise déportés en Guadeloupe au milieu du 16ème et 17ème siècle siècle , et ce juste avant la traite négriere.
Lorsque les Français, les Anglais et les Hollandais se lancent dans la traite, refusant le monopole ibérique, les Espagnols et les Portugais ont déjà quelques décennies de pratique derrière eux. Et c’est en 1625 que les Français et les Anglais prennent possession de la petite île de Saint-Christophe, à l’est des Grandes Antilles, un siècle et demi après la découverte de l’Amérique. Jusqu’alors, le petit arc caraïbe n’avait pas fait l’objet d’installations durables. C’est à partir de Saint-Christophe que va progresser l’établissement colonial nord-européen, avec la prise de possession de la Guadeloupe et de la Martinique en 1635, puis de l’ensemble des Petites Antilles entre 1639 et 1660. C’est le début de l’ére des premiers esclaves blancs aux Antilles.Les Hollandais participent rapidement et fortement à ce commerce, par le biais de leur Compagnie des Indes Occidentales. Entre 1621 et 1665, celle-ci fournira aux colons anglais et français la grande majorité de leurs esclaves blancs des Antilles en provenance de l’Irlande , en contrepartie du tabac, qui fut la première production des Petites Antilles. Un peu plus tard, les Danois et les suédois se lancent également. Cependant, pour que le commerce des Îles n’échappe pas aux métropoles, les Anglais et les Français organiseront à leur tour des compagnies de traite dans les années 1660.
Ces esclaves blancs ,qu’ on appellait les Irois ou bien encore les habenois, ont été les grands oubliés de l’histoire de la Guadeloupe, et pourtant on trouve encore aujourd’hui des descendants des irois notamment dans le sud Basse-Terre où était concentré les premières exploitations coloniales du tabac et coton , surtout dans la région de vieux habitants et bouillante . Il faut savoir que Vieux habitants est une commune qui tient son nom des esclaves blancs nommés irois, et appelés encore les hibernois, d’où la déformation du nom des habitants de vieux habitants en habissois.
Un historien irlandais a publié en 2001 un article où il est mentionné que pas moins de 70 000 Irlandais aurait été déportés en Guadeloupe entre 1652 et 1680 et vendus comme esclaves. Capturés en Irlande, ils coûtaient selon l’auteur moins cher que les esclaves africains de l’époque de la traite orientale, d’où des traitements encore plus durs.
Le commerce d’esclaves irlandais commença quand James II vendit 30 000 prisonniers irlandais comme esclaves au Nouveau Monde. Sa proclamation de 1625 ordonnait que les prisonniers politiques irlandais fussent envoyés outre-mer et vendus à des colons anglais des Caraïbes. Au milieu du XVIe siècle, les Irlandais étaient les principaux esclaves vendus à Antigua , Saint Christophe, et à Montserrat. À cette époque, 70 % de la population totale de Montserrat était composée d’esclaves irlandais.
Esclavage irlandais en Amérique, Sean Callaghan (éd. Mainstream Publishing _ The White Slave, Richard Hildreth éd. Adamant Media Corporation
L’Irlande devint rapidement la plus grande source de bétail humain pour les marchands anglais et hollandais . La majorité des premiers esclaves du Nouveau Monde étaient en réalité des Blancs , car les amérindiens à quelques exceptions ayant toujours refusé de se soumettre au joug de l’esclavage. L’absence de témoignages des chroniqueurs sur cette période des esclaves blancs irois s’explique par la destruction des archives de l’île de Saint Christophe et delaGuadeloupe ,mais il existe des recoupements avec l’histoire de Haïti anciennement l’île d’Ispagnola , où une commune aujourd’hui s’appelle les irois. Mais nous y reviendrons plus tard un peu plus en détail. A suivre d’autres révélations sur l’histoire des derniers caraïbes de l’île de marie galante massacrés par les esclaves nouvellement affranchis pour leur voler leurs terres ancestrales . Cet épisode tragique de l’histoire falsifiée de la Guadeloupe est connu par la rumeur populaire sous le nom de l’affaire de la mare au punch.
A suivre…..
Jean Marie Nol
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Pour information et lecture cet article qui valide ma thèse sur les pharaons noirs et développée dans mon dernier text
La Civilisation Nubienne est-elle à l’origine de la civilisations Egyptienne ?
L’historien grec Diodore de Sicile (vers 90-20 av. J.C.) écrit :
« Les Ethiopiens disent que les Egyptiens sont une de leurs colonies qui fut menée en Egypte par Osiris. Ils prétendent même que ce pays n’était au commencement du monde qu’une mer, mais que le Nil entraînant dans ses crues beaucoup de limon d’Ethiopie, l’avait enfin comblé et en avait fait une partie du continent. Ils ajoutent que les Egyptiens tiennent d’eux, comme de leurs auteurs et de leurs ancêtres, la plus grande partie de leurs lois ; c’est d’eux qu’ils ont appris à honorer les rois comme des dieux et à ensevelir leurs morts avec tant de pompe ; la sculpture et l’écriture ont pris naissance chez les Ethiopiens
Citons maintenant Cheikh Anta Diop :
« Nous avions écrit dans Nations nègres et Culture et dans nos publications ultérieures que, d’après le témoignage quasi unanime des Anciens, la civilisation nubienne est antérieure à celle de l’Egypte et lui aurait même donné naissance. Cela est tout à fait logique si l’on se place dans la perspective d’un peuplement de la Vallée du Nil par une descente progressive de peuples noirs depuis la région des Grands Lacs, berceau de l’Homo sapiens sapiens. Mais les faits archéologiques probants manquaient pour démontrer cette hypothèse. La lacune, semble-t-il, vient d’être comblée, grâce aux fouilles de Keith Seele, de l’Université de Chicago, faites au cimetière de Qostul en Nubie » En effet, l’archéologue américain Bruce Williams qui a étudié les objets provenant de ces fouilles effectuées dans les années soixante (le rapport a été publié en 1986) écrit dans le Courrier de l’UNESCO :
« Grâce au témoignage fourni par le cimetière L, la période qui précède juste la première dynastie devient, pour la première fois, une époque historique… Un fait étonnant se dégage, absolument contraire à toutes les idées antérieures sur la question : pendant neuf générations au moins, de 3500-3400 à 3200-3100 avant J.C., la Nubie du groupe A fut un Etat unifié, possédant tous les attributs d’une civilisation : un gouvernement, un pharaon, des fonctionnaires, une religion officielle, une écriture et des monuments, un Etat assez fort pour unir des peuples qui n’étaient pas de même origine. C’est ainsi que les habitants du Ta-Seti, « Le Pays de l’Arc », nom par lequel les anciens Egyptiens désignaient la Nubie, participèrent pleinement et sur un plan d’égalité que personne n’avait jamais soupçonné, à l’irrésistible essor de la civilisation des rives du Nil ».
L’ouvrage collectif Egypt and Africa, Nubia from Prehistory to Islam est très riche en résultats de diverses recherches archéologiques entreprises au Soudan. En introduction, Jean Vercoutter dresse un tableau de l’investigation archéologique au Soudan depuis le 18ème siècle, avec les descriptions des ruines de Nubie faites en 1738 par le voyageur danois Frederik Norden. Dans la dernière section de son texte, l’auteur procède à une brève analyse prospective de « l’archéologie nubio-soudanaise » dans laquelle il écrit :
« Les récents travaux au Ouadi Kubanieh et dans les « Playas » du désert occidental comme ceux entre Ve et VIe Cataractes : de Kadero, Saggai, Kadada, el-Ghaba, devraient être étendus aux déserts ouest et est, si l’on veut discerner l’une des composantes essentielles de la civilisation pharaonique naissante, celle qui est venue du Sud ».
Le matériel mis au jour, en particulier celui relatif aux pratiques funéraires, permet à Bruce Williams de caractériser les cultures anciennes de la Nubie et d’apprécier leurs relations avec celles de l’Egypte dans un article intitulé « A Prospectus For Exploring The Historical Essence of Ancient Nubia », initialement publié dans l’ouvrage collectif Egypt and Africa, Nubia from Prehistory to Islam et reproduit, dans la revue ANKH.
D’autres auteurs révèlent aussi l’histoire de la Nubie et son importance dans l’Afrique ancienne comme Aminata Sakho-Autissier dans son article « Soudan Royaumes du Nil ». L’ouvrage collectif Soudan, Royaumes sur le Nil, recèle également de nombreuses pièces archéologiques concrétisant différents aspects des cultures de la vallée du Nil (art, architecture, artisanat, écriture, spiritualité, etc.) et leur évolution sur plusieurs milliers d’années. L’ouvrage de Babacar Sall, Racines éthiopiennes de l’Egypte ancienne, restitue le rôle capital joué par la Nubie dans l’émergence des civilisations nilotiques. Théophile Obenga, dans la préface, souligne trois aspects majeurs développés par l’auteur :
« – L’éclaircissement des relations diverses qui ont existé entre l’Ethiopie, l’Egypte et la Libye, c’est-à-dire entre la Nubie (ancien Soudan), la Vallée égyptienne du Nil et le plateau Nord de l’Afrique avant la période dynastique pharaonique, c’est-à-dire avant 4000 ans avant notre ère ;
– l’unité géographique, ethnique et culturelle des pays nilotiques ou des contrées du Nil que sont l’Abyssinie, le Soudan et l’Egypte, Ð ce qu’affirmaient déjà les auteurs grecs, notamment Diodore de Sicile et Strabon, après Hérodote, sur la base de la tradition orale pharaonique et des faits de civilisation examinés sur place ;
– l’influence fondatrice de l’Ethiopie (Nubie-Soudan) sur l’Egypte et le monde saharo-maghrebin : ce point capital est la « thèse » même du professeur Babacar Sall qui démolit, pièce par pièce, les spéculations, franchement gratuites, sur l’origine sumérienne ou proche-
orientale de la civilisation pharaonique. » Babacar Sall, écrit dans sa conclusion :
« La monarchie pharaonique a dé se constituer à partir d’un stimulus éthiopien. D’abord parce que l’encensoir de Qostul datant d’avant Narmer porte en décor maints attributs de la monarchie d’Egypte. Parce que Narmer a appartenu à un clan de métallurgistes, en décidant du site de Memphis, il y consacrait un temple au dieu Ptah connu à l’époque dynastique comme dieu des forges et des métiers. La métallurgie du cuivre a été introduite en Egypte par le type stéatopyge puisque leurs tombes contenaient des épingles de cuivre. Ce caractère primordial de Ptah explique qu’il débute la liste des pharaons. Il a gardé ce statut jusqu’à la basse époque puisque les dodécarques avaient fait de son culte le fondement de leur co-régence. Le lien entre Ptah et Narmer permet de concevoir la monarchie de Hiéraconpolis comme une monarchie technologique d’émanation éthiopienne. On comprend alors que les auteurs de cette institution aient connu Pount très tôt.
« On comprend alors la préséance du Sud en tant « qu’en soi », que dans les tombes de Abadiyeh qui contenaient la poterie de la classe B, le mort ait la tête orientée vers le Sud. Cette direction correspondait au Début. Au Nouvel Empire, dans la phraséaologie triomphaliste du pharaon idéal, on écrit que l’empire s’étendait de la « corne de la terre » au Sud jusqu’aux « marais d’Horus » au Nord. Tel est l’ancrage de l’Egypte dans l’Ethiopie qu’il fallait circonscrire. L’approche comparatiste qui découle de cette donnée fait que des auteurs jettent un regard vers l’univers Dogon. Mais cette perspective doit être comprise comme englobant à la fois la dimension du caractère Néo-pharaonique de l’Afrique noire post-pharaonique et celle d’un retour d’une forme raffinée, épanouie à partir d’un substrat pan-africain ».
Se trouve donc pleinement confirmée l’existence de ce lien ombilical entre la Nubie et l’Egypte ancienne. L’ensemble de ces travaux ont pour conséquence salutaire, entre autres pour la recherche historique, de supprimer cette frontière factice et stérilisante traditionnellement érigée entre l’Egypte ancienne et le reste de l’Afrique noire.
Source : ANKH Revue d’Egyptologie et des Civilisations africaines