Identifier, sauver, valoriser le patrimoine en danger, telles sont les tâches auxquelles se consacrent la « Fondation du Patrimoine » et la « Mission Bern ». Coup d’envoi est donné à la troisième saison du Loto du Patrimoine, afin de secourir les monuments en péril. La liste des 18 principaux sites retenus cette année pour en bénéficier vient d’être dévoilée par Stéphane Bern, lors d’une conférence de presse au ministère de la Culture, ce mardi 30 juin.
Les 18 sites retenus cette année figureront sur les tickets de jeux à gratter « Mission Patrimoine » qui seront mis en vente le 31 août par la Française des jeux. Ils vont bénéficier d’un financement prioritaire. Et ce qui frappe pour cette édition, c’est le nombre d’édifices religieux : neuf. Il y a ainsi quatre églises, deux cathédrales, un temple protestant, une abbaye et un couvent. Peut-être faut-il y voir la volonté d’un rééquilibrage en faveur du petit patrimoine religieux après la mobilisation sans précédent en faveur de Notre-Dame. Mobilisation qui avait fait grincer quelques dents alors que beaucoup d’églises ou de chapelles tombent en ruines. Cependant, églises mais aussi phare, séchoir à tabac, habitation guadeloupéenne… : l’éventail des monuments est varié, et réparti sur tout le territoire.
Sur ces dix-huit sites emblématiques concernés, cinq se trouvent en Outre-Mer, signalés sur la carte ci-contre.
Martinique : Église du Sacré-Cœur de Balata
Du néo-byzantin dans la forêt tropicale : le Sacré-Cœur de Balata constitue, à échelle réduite, une reproduction de l’édifice de Montmartre, même si la décoration de l’intérieur est bien plus sobre. En 1902, l’éruption de la montagne Pelée pousse de nombreux habitants à quitter le Nord de l’’île … La Chapelle de Balata ne suffit plus… Mais il faudra attendre encore une vingtaine d’années pour que l’édifice religieux actuel soit inauguré.
Intérêt patrimonial
Sa position centrale et dominante face à la Baie de Fort-de-France, fait de l’église du Sacré-Cœur de Balata un arrêt touristique incontournable en Martinique. Chaque année, plus de 200 000 personnes viennent la visiter.
L’église, appelée plus communément « le Montmartre Martiniquais », a été construite entre 1923 et 1925 sur les hauteurs de Fort de France. Elle est l’œuvre de deux architectes parisiens, Charles Wulfflef et Aloïs Verrey, qui ont choisi de mêler le béton armé à l’andésite locale. Inspiré du Sacré-Cœur parisien, cet édifice propose une interprétation tropicalisée de son style romano-byzantin, tout en en conservant certains aspects comme la grande coupole. Il est doté d’une riche documentation, constituée notamment du journal paroissial édité pendant toute la construction.
Attention : en ce qui concerne le Projet de valorisation, une erreur sur le site Mission Bern attribue à Balata la présentation concernant l’église Saint-Étienne de Mêlas, au Teil, en France.
L’église est dans un état de péril avancé. En effet, la construction n’est pas adaptée au climat local et l’édifice subit de graves infiltrations d’eau.
Nature des travaux
– Tranche 1 : restauration des clos et couvert, travaux de mise hors d’eau, restauration des bétons et confortement, sécurisation des niveaux hauts du clocher;
– Tranche 2 : travaux de confortement et de mise aux normes avec restauration des intérieurs (sols carrelés, art campanaire, peinture) ;
– Tranche 3 : travaux d’achèvement de la restauration générale avec la restauration du mobilier liturgique.
Guadeloupe : Habitation Zévallos au Moule
Intérêt patrimonial
Le site de Zévallos est unique parce qu’il rassemble l’une des premières sucreries industrielles de la Caraïbe et une maison de style louisiannais, construite vers 1850. C’est l’une des seules architecture de briques et de fer de la Guadeloupe. Le site s’étend sur presque 2 ha et a une place dans les traditions orales. Il témoigne de l’évolution économique de la Guadeloupe et de l’histoire de son peuplement à partir du XVIIe siècle. Son histoire est traversée par celle des premiers colons puis des esclaves pour finir par l’arrivée de la main-d’œuvre d’origine indienne.
Projet de valorisation
L’Habitation Zévallos est au cœur du projet de développement économique et culturel du Nord Grande-Terre porté par la Région, la communauté d’agglomération et la Ville du Moule. Sa réhabilitation permettra de créer :
– un chantier vivant revalorisant les savoir-faire ancestraux (tailleur de pierre, forgeron, etc.), ouvert au grand public et à des publics en réinsertion professionnelle ;
– un projet culturel et un travail de scénographie pour accueillir un public plus large dans le cadre de visites (touristes et population locale) ;
– un spectacle de son et lumière (vidéo-mapping) pour créer une animation nocturne dans le Nord Grande-Terre ;
– un projet économique viable autour d’une brasserie artisanale.
État de péril
La demeure requiert une intervention urgente car c’est tout l’édifice qui risque de s’effondrer. Sa structure est particulièrement fragilisée par une corrosion avancée. Des infiltrations d’eau dans les éléments structurels et dans les éléments en brique conduisent à des fissures importantes et des perforations sur les poteaux. Ces détériorations sont accentuées par les évènements climatiques et sismologiques.
La demeure sera restaurée à son état d’origine grâce à la démolition des ouvrages tardifs.
La Réunion : Pont suspendu de la rivière de l’Est entre Sainte-Rose et Saint-Benoît
Intérêt patrimonial
Le pont est construit en 1893 par les ingénieurs et industriels Ferdinand Arnodin et Pierre-Joseph Bonnin, spécialistes des ponts à câbles et considérés comme les inventeurs des ponts transbordeurs.
Il a été construit pour relier la région Est à celle du Nord, mais surtout pour développer l’industrie sucrière par le transport des cannes sur un pont et non plus par un passage à gué de la rivière, très risqué et incertain. Le pont est en son temps une innovation majeure pour la Réunion. Il est implanté à 3 500 m du rivage, à 42 m au-dessus de la rivière et mesure 149,5 m de portée. Il était le plus long pont du monde lors de sa livraison.
Projet de valorisation
Le pont est fermé à la circulation routière depuis 1979, ne répondant plus aux normes de sécurité. Site touristique majeur de l’île de La Réunion, l’objectif de sa restauration est sa réouverture aux piétons et l’implantation d’espaces de ventes et de médiation à ses extrémités sur des aires d’accueil du public.
Ainsi, un projet de pôle d’attractivité touristique et économique sera associé à la restauration du pont avec à l’une des entrées la création d’un espace d’échoppes de commerce d’artisanat et de produits locaux. Une activité de saut à l’élastique et un centre d’interprétation du Pont relatant son histoire seront également installés. Le contenu scientifique sera confié au Service Régional de l’Inventaire.
L’état sanitaire de l’édifice est très mauvais. Il a fait l’objet d’un arrêté de péril et est fermé au public depuis 2016.
Guyane : Église Saint-Joseph d’Iracoubo
Intérêt patrimonial
La construction de l’église Saint-Joseph résulte d’un long travail qu’a su mener à bien le Père Raffray avec l’ensemble des habitants d’Iracoubo. Jusqu’en 1888, les offices religieux sont célébrés dans un ancien hangar à coton prêté par la veuve d’un colon du nom de Jacquet. Ce local est fort incommode : trop chaud, mal ventilé et pas équipé. A son arrivée, en 1886, le Père Raffray entreprend la construction d’une nouvelle église : les travaux débutent en 1887 et durent 6 ans. Les fonds alloués par la clergé se révélant insuffisants, les habitants se mobilisent en offrant des dons de toutes sortes : matériaux, main d’œuvre et argent. Le Père Raffray offre lui-même 5 000 francs.
Une fois l’édifice réalisé, le Père Raffray a voulu faire de cette église un joyau unique en y apportant une décoration intérieure de qualité. Il fit recouvrir la totalité de la surface intérieure par un décor peint réalisé par le bagnard Pierre Huguet, entre 1892 et 1898, dont le style se rattache à l’art naïf. Les thèmes iconographiques utilisés proviennent de l’imagerie populaire.
Projet de valorisation
Cet édifice est ouvert au culte. Il est emblématique de la Guyane, de par notamment ses décors intérieurs peints, par ce bagnard qui y a consacré six années de sa vie !
État de péril
Positionné sur le premier cordon sablonneux parallèle au littoral, l’édifice est entièrement construit en brique, sur un soubassement de 80 cm de hauteur. Les pathologies observées concernent principalement les extérieurs et sont dues à l’humidité persistante. Les soubassements, les enduits et les menuiseries présentent des manques et des éléments cassés. La clôture en bois est également en mauvais état. A l’intérieur, les sols présentent des marques blanches, témoins de remontées de sels, à mettre en rapport avec le mauvais drainage des eaux pluviales.
Saint-Pierre-et-Miquelon : La cathédrale de Saint-Pierre
La cathédrale de Saint-Pierre a fait l’objet de plusieurs transformations au cours de son histoire. Édifiée en bois en 1846 sur le lieu de la première église de Saint-Pierre, établie en 1690, elle est endommagée dès 1846 suite à une explosion puis détruite lors d’un incendie en 1902. Reconstruite entre 1905 et 1907, son architecture intérieure est caractéristique des églises basques avec un étage de tribunes supérieures équipées de gradins en bois.
Plusieurs autres éléments la distinguent comme le volume de sa nef et ses vitraux signés du peintre-verrier Louis Balmet. Le clocher de la cathédrale, construit en béton en 1907 et devenu dangereux, fut reconstruit en 1975 avec des pierres d’Alsace et de la rhyolite de la « montagne » de Saint-Pierre, selon un projet de l’architecte alsacien Joseph Muller.
La Commission nationale du patrimoine et de l’architecture du 12 juin 2019 a proposé son classement au titre des monuments historiques, qui devrait prendre effet avant la fin du mois de février 2020.
Fort-de-France, le 30 juin 2020