— Par Roland Sabra—
Le théâtre amateur en Martinique est bien vivace. Michèle Césaire vient de proposer au Théâtre de Foyal les Premières rencontres du Théâtre Amateur, en mai 2008, suivie par la ville de Trinité qui propose elle aussi des rencontres pendant la première semaine de juin. Jandira Bauer de Jesus l’an dernier dans « Madame Marguerite« , la jeune Daniely Francisque le 22 mai de cette année, avec « Neg Pa Ka Mo« , nous ont offert dans des registres très différents, des spectacles porteurs de promesses d’avenir. Il est grand temps, non pas de ressusciter le Centre Dramatique Régional (C.D.R.) mais de mettre en place une structure qui fédère les énergies investies par de nombreux amoureux du plus bel art qui soit, en tout cas le plus complet. Début 2008, une rencontre à l’Atrium de gens du spectacle, pour dire vite, avait réuni une soixantaine de personnes amateurs dans leur immense majorité. On avait découvert ce soir là des pratiques multiples, isolées, solitaires, sans véritable réseau, à la recherche d’espaces, de lieux de répétition, de production. Des artistes travaillent à l’écart des circuits officiels en développant des thématiques qui ne correspondent pas toujours aux canons de la doxa ou bien qui traitent ces thèmes à travers un incessant dialogue entre la Caraîbe et les cultures d’outre-Atlantique, voire même de la vieille Russie. Le Bugaku, le Nô, le Kyogen, le Bunkaru, le Manzai, le Kabuki du Japon d’avant l’ère Meiji ont sûrement à nous apprendre sur nous-mêmes. José Chalons et Yna Boulangé, avec Tête grainée nous ont montré, il y a déjà quelques temps, ce qu’il pouvait y avoir d’enrichissant à pousser jusqu’au Butô moderniste du pays du soleil levant en passant par l’Afrique ancestrale. A égale et grande distance d’un antillano-centrisme étriqué (Agoulouland) et d’un mimétisme occidental aliénant (Phèdre) ces troupes, ces compagnies explorent, sans aucun moyen, dans un manque matériel extrême, la diversité du monde pour mieux restituer la mosaïque caribéenne. Ce dénuement, qui explique en grande partie les évidentes imperfections de leurs travaux, n’est que le symptôme d’une crise plus générale de la culture en Martinique. Il serait grand temps, sans attendre « le » grand soir « institutionnel », que nos politiques s’en préoccupent.
R.S.