— Par Jean-Marie No, économiste spécialiste de la gestion des collectivités locales —
Améliorer le dispositif de désendettement pour les collectivités locales de Martinique tout en redonnant du pouvoir d’achat pour les citoyens en entreprenant un processus vertueux de baisse des impôts locaux est un objectif qui devrait réunir l’ensemble des élus Martiniquais de tout bord politique.Les contribuables en veulent toujours plus. Ils ont des possibilités de comparaison tout à fait différentes. Et les attentes émises par l’univers des hommes politiques commencent à se transposer dans celui des entreprises. On ne peut pas du tout appréhender la dimension des conséquences d’une telle mutation.
Ce n’est pas le seul problème. Le rôle des chefs d’entreprises Martiniquais est certes important, mais il n’est pas aussi important que celui des hommes politiques. Prenons en bonne note !
En effet, autrefois, il fallait transmettre des connaissances doctrinales au peuple Martiniquais qui étaient essentielles, car le contexte était celui d’une société coloniale et qui plus est de nature profondément inégalitaire. C’était le rôle des intellectuels comme Aimée Césaire et d’autres. Aujourd’hui, il est impossible de tout savoir et comprendre, car la mutation du monde est en marche, et celle de la société française aura des répercussions très importantes sur la société Martiniquaise. En outre, on trouve tout sur Internet, avec à la clé un potentiel de destruction massive de l’économie traditionnelle. C’est pourquoi il convient davantage de transmettre aujourd’hui au peuple Martiniquais les outils d’une pédagogie d’un type novateur de développement économique et social et les pratiques adaptées à des nouveaux concepts introduits par la mondialisation et la formidable émergence des nouvelles technologies. En conséquence, la Martinique, de concert avec la Guadeloupe (l’ île plus que jamais sœur), doit être au diapason des développements réels dans le monde des entreprises et dans celui des collectivités locales. Pour nous c’est une lapalissade que de le répéter à nouveau, et ce à défaut d’être aujourd’hui entendu !
La bataille du développement durable ne peut être imaginée sans le concours des entreprises qui seules devraient normalement être à l’origine de la création des emplois en Martinique. Nous réitérons notre précédent avertissement : il faut à terme casser l’esprit d’assistanat en Martinique comme en Guadeloupe. Mais nous devons toujours garder à l’esprit que ce sont les politiques publiques qui sont responsables de la création d’un environnement favorable à la création de richesse et à l’accouchement d’un autre modèle de développement économique et social.
Cela étant dit, cessons alors la bataille picrocholine autour d’une idéologie politique passéiste et encore toujours mal comprise des uns et des autres, et qui est de nature à susciter divisions et discordes.
Tout ce contexte délétère actuel engendre de l’immobilisme et des retards à l’allumage pour la mise en place des politiques publiques.
Le pays Martinique doit cesser de s’abandonner à l’un de ses travers: celui de toujours reporter à plus tard les efforts à fournir pour tendre vers l’émergence d’un autre modèle économique et social, en somme un nouveau cycle économique et social.
Et si nous chamboulions un peu tout de notre conformisme intellectuel par trop réducteur du fait des schèmes du passé ? Si nous remettions en question de fausses évidences qui semblent cadenasser nos vies et notre société créole ? Si nous pensions sans œillères et surtout sans résignation ? Coincés entre un discours politicien qui présente comme des réformes nécessaires ce qui souvent ne sont que des reculs et une rhétorique nationaliste -populiste qui carbure pourtant à la peur d’une remise en question du modèle actuel de société, à la dissension et au repli identitaire, il nous faut imaginer sans tarder des nouvelles solutions plus pratiques à même de rendre notre société plus vivable, plus durable, plus solidaire. Des solutions qui passent par l’intervention de l’État, par l’adoption de lois et de politiques publiques, mais aussi, bien sûr, par l’action des hommes politiques locaux et de chacun d’entre nous, au plus près de son quotidien et de son territoire. Pour lancer le mouvement, certains Martiniquais, qu’ils soient intellectuels ou non, doivent nous présenter des propositions novatrices, défendues devant le peuple . De manière concrète, à portée de main pour peu que nous nous mobilisions, de changer nos existences, et d’abord celle des plus fragiles et des plus défavorisés parmi nous. Je pense notamment aux jeunes. Une façon en somme de retrouver ensemble une plus grande confiance en l’avenir en réduisant autant que faire se peut nos retards de développement !
Ce devrait être l’objectif du Plan de convergence et de transformation (PCT) que les élus de l’Assemblée de Martinique ont adoptés au cours d’une séance plénière extraordinaire, ce mercredi 3 juillet 2019 .
Ce plan de convergence et de transformation , se veut selon nous très ambitieux. Tous les acteurs socio-économiques et politiques sont unanimes : la Martinique semble à la traîne, elle cumule un nombre important de retards à tous les niveaux vis-à-vis du reste du territoire national. A l’heure où les dotations de l’État sont de moins en moins au rendez-vous, ce plan sans être la panacée visera peut-être à résorber les écarts de niveau de vie et à inverser le processus de mal développement.
Ainsi nous prenons date pour l’avenir car la majorité de la CTM a validé un projet de transformation de la Martinique d’ici à 2033. Il faut toutefois noter que ce plan de convergence et de transformation de la Martinique pour la période 2019 – 2033, a été voté au terme d’une convocation d’urgence. Ce retard pris peut être potentiellement dommageable pour la suite. Mais bon,
les élus se sont quand même largement exprimés sur le plan et le contrat de convergence et de transformation. Si le plan de convergence fixe les grandes lignes de la politique à mener pour les 14 années à venir, le contrat, lui, établi les priorités pour la période 2019 / 2022. « 842 Millions d’euros seront mobilisés pour mettre en forme les actions de ce contrat ». C’est pas rien, et ce plan est plus important qu’il n’y paraît de prime abord car répétons le, il vise entre autres, à réduire les écarts de développement et de niveau de vie entre la Martinique et la France. Pour ce faire, il faudra nécessairement replacer les élus locaux au cœur de la démocratie locale. Ces derniers ont eu trop souvent en Martinique un sentiment de dépossession de leurs responsabilités . En cause : des décisions brutales lors des quinquennats précédents, qui ont déstabilisé l’environnement dans lequel ils exerçaient leur mandat. Je pense, par exemple, à la création des grandes intercommunalités et de la fusion du conseil régional et du département mal ficelé à notre humble avis , à la baisse autoritaire de la dotation globale de fonctionnement, ou à l’hésitation sur la gouvernance locale . C’est pour cela qu’il nous faut maintenant rendre aux élus locaux Martiniquais la dignité de leurs fonctions . Refaisons-leur confiance et donnons-leurs les moyens de faire évoluer les choses dans la transparence et la résilience.
Jean-Marie Nol,économiste spécialiste de la gestion des collectivités locales.