— Par Ellen Salvi —
En plaçant les territoires ultramarins sous la tutelle du ministère de l’intérieur et en chargeant des personnalités clivantes de s’en occuper, le président de la République a consterné bon nombre d’élus et de hauts fonctionnaires. Des Antilles à la Nouvelle-Calédonie, la situation est aujourd’hui critique. Et la rupture bientôt consommée.
Quelques mots, une poignée de promesses et de grandes généralités. Le passage de la déclaration de politique générale d’Élisabeth Borne consacré aux outre-mer n’aura pas suffi à rassurer les ultramarins, dont le niveau de défiance à l’égard du pouvoir exécutif et de la politique d’Emmanuel Macron est désormais abyssal. « Pour le moment, on reste sur notre faim », résume auprès de Mediapart Justin Daniel, professeur de sciences politiques de l’université des Antilles (UA).
Dans son discours du mercredi 6 juillet, la cheffe du gouvernement a rappelé les « doutes », les « craintes » et les « colères » qui se sont exprimées ces derniers mois dans le bassin océanique, mais aussi à la Réunion et à Mayotte, où Marine Le Pen a tutoyé les nuages des suffrages exprimés au second tour de l’élection présidentielle. « Je demande à tout mon gouvernement la plus grande attention pour les territoires ultramarins », a insisté la première ministre devant la représentation nationale.
Cette déclaration d’intention n’a pas convaincu les député·es des territoires concernés, déjà refroidis par la nouvelle architecture gouvernementale proposée deux jours plus tôt. « C’était un discours assez écologique parce qu’à l’image des éoliennes, ça a brassé beaucoup d’air, a ironisé le député réunionnais de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) Frédéric Maillot, regrettant, à l’instar de plusieurs de ses collègues, « le manque de considération » de l’exécutif pour les outre-mer.
En rattachant ces derniers au ministère de l’intérieur, comme l’avaient fait Nicolas Sarkozy et d’autres avant lui, Emmanuel Macron a suscité de vive critiques parmi les élu·es ultramarin·es. « Retour en arrière historique pour les outre-mer : plus de ministère de plein exercice mais sous la houlette du ministre de l’intérieur… quel message envoie-t-on aux ultramarins ? Prière de ne pas déranger ? Le mépris continue… », a réagi Karine Lebon, elle aussi députée Nupes de la Réunion.
Le sénateur socialiste de Guadeloupe Victorin Lurel, ancien ministre des outre-mer (2012-2014) sous le quinquennat de François Hollande, a également dénoncé « un recul évident », qu’il apparente à « une punition électorale ». « Depuis Nicolas Sarkozy, on n’avait plus fait ça. Ainsi, on revient au statu quo ante, avec probablement une sorte de mépris affiché. Je le dis très clairement, c’est un mauvais signal qui nous est envoyé », a-t-il indiqué dans les colonnes de France Info.
Un attelage gouvernemental incohérent
Deux mois après avoir conforté un ministère de plein exercice – rapidement abandonné par Yaël Braun-Pivet pour le perchoir de l’Assemblée nationale –, le président de la République a donc choisi de revenir dix ans en arrière, en confiant ce portefeuille clé à Gérald Darmanin. Celui-ci est aujourd’hui épaulé par deux ministres délégués – Jean-François Carenco (outre-mer) et Caroline Cayeux (collectivités territoriales) – et une secrétaire d’État – Sonia Backès (citoyenneté)…
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