— Par Yves-Léopold Monthieux —
La récente intervention de la police nationale pour dégager les locaux de la CTM occupés par des grévistes vient illustrer une réflexion que j’avais soumise aux lecteurs martiniquais en 2 ou 3 tribunes. Celles-ci m’avaient été inspirées par 2 déclarations de chefs de partis indépendantistes, le PALIMA et le MIM.
Alors que, autour de l’année 2000, les partis indépendantistes se ralliaient sans le dire à l’idée d’autonomie, Francis Carole déclarait qu’il n‘était pas possible d’envisager l’autonomie sans les pouvoirs de police et de justice. Ces propos avaient paru incohérents à certains. On pouvait également penser, de la part d’un indépendantiste, à une note de réserve destinée à atténuer son rétropédalage idéologique. Pour ma part, j’avais trouvé de la pertinence dans cette déclaration qui, par ailleurs, à l’aune de l’exemple de la région autonome de Catalogne, pouvait parfaitement se concevoir. En effet, la province autonome d’Espagne a sa propre police et sa propre justice.
La seconde déclaration, qui conforte la précédente, fut celle du président de la région Alfred Marie-Jeanne qui, alors que s’enlisait une grève sur le port, déclara à la télévision qu’il ne serait pas celui qui demanderait au préfet de donner de la troupe. En réalité, il ne pouvait pas mieux indiquer au représentant de l’Etat que l’heure de l’intervention policière était venue et que son accord lui était acquis. Mais c’était inévitablement reculer pour mieux sauter. Car quelques années plus tard, le président de la CTM fait appel à la police nationale pour évacuer l’hôtel de Plateau-Roy qui est le siège de la collectivité. Il en résulte un partage de la décision régalienne où le préfet se retrouve finalement le bras armé du vrai décisionnaire, le conseil exécutif et son chef.
Se pose alors la question de savoir si peut longtemps prospérer un système politique où l’autorité politique qui déclenche des désordres par une décision contestée n’en est pas responsable des conséquences et n’est pas celle qui doit rétablir l’ordre. On ne peut nier que si cette évolution devait se poursuivre, les accusations de colonialisme ne manqueraient pas de s’accentuer contre l’Etat et le préfet, ramenés à leur fonction régalienne de maintien de l’ordre « colonial ». Cependant, même s’il ne peut pas dans les faits donner de la troupe qu’avec l’accord du « président de Martinique », sa casquette régalienne de bouc-émissaire est précieuse pour le pouvoir local.
De sorte que la tendance du moment est de faire appel au préfet pour le moindre souci domestique, les uns oubliant que lors de la dernière réforme statutaire, ils avaient demandé à grands cris sa disparition. Soucieux de ne pas se faire piéger, le représentant de l’Etat ne peut pas ignorer que ceux qui réclament son aide sont parfois les mêmes qui alimentent les désordres, en sous-main ou ouvertement.
Fort-de-France, le 02 décembre 2017
Yves-Léopold Monthieux