— Par Jean-Marie Nol —
Le rebond actuel de la pandémie de Covid-19 et la poursuite de la guerre en Ukraine vont bientôt faire chuter la croissance de la France et gonfler la dette. A la veille de l’élection présidentielle, la situation financière actuelle de la France est en trompe l’oeil car la forte croissance de 7% enregistrée en 2021 est intervenue, dans un contexte particulier : le PIB avait, en effet, chuté de près de 7,9 % en 2020 à cause de la crise économique déclenchée par la pandémie de Covid-19 – Cette croissance de 7 % constitue donc, la contrepartie mécanique de la chute de 2020 mais également la conséquence de la politique du « quoiqu’il en coûte » qui d’après le ministre des Comptes publics aurait coûté entre 170 et 200 milliards d’euros à l’État. De fait, l’endettement de la France a connu une forte accélération. Ainsi quand la dette publique franchit le seuil de 90 % du PIB, la croissance ralentit de manière significative – la médiane des taux de croissance médians chute de 1 % et la moyenne tombe encore davantage. Cette problématique couplée à la persistante de l’inflation sera probablement l’un des facteurs qui incitera le prochain président de la République à revoir de fond en comble la gouvernance de la France. En effet, la situation actuelle dégradée des finances publiques n’est plus tenable, car le niveau d’endettement de la France excède largement ce que son potentiel fiscal peut absorber.
Cette nouvelle donne économique et financière devrait à terme accentuer ainsi le fardeau des épargnants et des investisseurs.
Pour l’instant, le sujet de la dépense publique et des déficits voire de la dette n’est quasiment pas entré dans les thèmes de campagne pour l’élection présidentielle. Les affrontements se sont essentiellement déroulés autour des problèmes d’immigration, de frontières, de sécurité et de guerre en Ukraine. La plupart des candidats déclarés semblent s’en moquer comme d’une guigne (et donc ils préfèrent ignorer ce sujet). Entre la surenchère de promesses électorales des candidats et la flambée de l’inflation qui amène le gouvernement à dépenser des milliards pour soutenir le pouvoir d’achat, on l’aurait presque oublié. Et pourtant. La dette publique va atteindre presque 120 % du produit intérieur brut (PIB) en 2022, a annoncé l’Insee, soit à environ 2830 milliards d’euros.
Pour l’instant, on promet de dépenser toujours plus en prévision de l’élection. Mais après, une fois terminé les flonflons de la campagne présidentielle, il faudra bien finir par faire les comptes. Faute de savoir attaquer la mutation de l’Etat, certains esprits lâchent prise face aux chantiers de la dépense publique et mettent désormais en avant l’idée que l’inflation serait, finalement, une affaire opportune pour diminuer le montant de la dette. S’il est encore trop tôt pour savoir la tournure ultérieure que prendront les événements, l’on peut déjà supputer que les premières conséquences économiques de cet endettement excessif se feront d’ores et déjà ressentir après les élections présidentielles. Quelles sont-elles ? À quoi faut-il s’attendre pour les mois à venir ? Quelles seraient les conséquences pour la Guadeloupe ?
Pour le moment, force est de constater que la plupart des candidats aggraveraient très sensiblement les déficits de la France.
La question du rétablissement des comptes n’est pas un sujet central de cette campagne présidentielle. Pourtant, à 6,5 % du PIB, le déficit public s’établit aujourd’hui à 160,9 milliards d’euros.
Est-il vraiment urgent à redresser les finances publiques alors que la stagflation s’installe déjà en France. Pour s’en convaincre nous avons consulté la dernière étude de la fondation IFRAP qui a passé au peigne fin les programmes des candidats à la prochaine présidentielle. C’est littéralement un festival de dépenses nouvelles. On atteindrait donc des niveaux de déficit astronomiques. Et pour cause, le doute réside au niveau du chiffrage des dépenses, mais également des recettes.
Les promesses non financées des candidats font pourtant craindre un dérapage des dépenses publiques susceptible de déboucher sur un tête-à-tête inconfortable avec les créanciers du pays.. Prôner le sérieux budgétaire n’a jamais été très audible en France. Le problème n’est pas de savoir si on va pouvoir rembourser ou non, c’est de savoir si on va pouvoir continuer à réemprunter pour financer le modèle social français. Le coût global du modèle social français c’est 1200 milliards d’euros d’impôts, taxes et cotisations sociales qui sont prélevés chaque année en France. Ils servent de plus en plus à couvrir les Français contre les aléas de la vie : vieillesse, maladie, charge de famille ou inactivité forcée, mais aussi à réduire les inégalités et limiter la pauvreté.
Nul contribuable ne l’ignore, la France finance son modèle social avec des prélèvements aussi variés qu’élevés. Au point qu’elle est désormais la championne du monde des taxes et impôts. Et l’un des aspects est que depuis plusieurs années, on réduit l’impôt sur le revenu et on essaie de réduire les prélèvements obligatoires. Cela exerce une pression sur les capacités du secteur public à assurer les prestations habituelles que l’on associe au modèle social, c’est-à-dire à la fois les services publics et la protection sociale.Le sentiment de remise en cause de ce système, exprimé notamment par l’importance de la dette publique, va contraindre le prochain président de la République à repenser ce modèle social, voire à tenter, non sans difficulté, de le réformer en profondeur. La maîtrise de la dépense reste pourtant le seul moyen à la main du politique pour contrôler les finances d’un pays. Des finances publiques qui seront beaucoup sollicitées dans les années à venir pour faire face aux grandes transitions – climatique, énergétique, numérique, industrielle, militaire … – ce qui rend d’autant plus urgent leur redressement.
Pour l’heure, la perfusion du quoi qu’il en coûte fait encore effet. Mais, alors que les taux d’intérêt comme l’inflation remontent, et avec eux le coût de la dette, le réveil risque d’être douloureux.
C’est là dans ce futur contexte délétère de tension budgétaire et financière qu’un prochain plan de rigueur devrait s’avérer dans les années qui viennent incontournable en France.
En ce sens, la crise n’est pas effacée et laissera des stigmates non négligeables.
Le problème n’est pas de savoir si on sera capable de résorber les déficits et rembourser ou non la dette, c’est de savoir si on va pouvoir continuer à réemprunter, et il y a fort à parier que les générations qui viennent, elles écriront sûrement le mot impôt avec leurs futures larmes de sueur et de sang comme l’avait en son temps déjà dit Winston Churchill.
Pa konet mové, Pli ta pli tris !
Jean Marie Nol économiste