— Par M’A —
Introduction
La situation financière du Syndicat Martiniquais de Traitement et de Valorisation des Déchets (SMTVD) s’aggrave, selon le dernier avis budgétaire de la Chambre Régionale des Comptes (CRC) publié le 29 décembre 2023. Avec un déficit dépassant les 4 millions d’euros sur son compte administratif 2022, le SMTVD fait face à une crise persistante qui révèle des problèmes structurels et de gouvernance. Cette crise financière n’est pas nouvelle, mais elle souligne l’urgence d’une action immédiate pour redresser la trajectoire du syndicat.
I. Historique des Déficits et Avertissements de la CRC
Le SMTVD, créé en 2014 pour gérer l’ensemble des déchets ménagers et assimilés de la Martinique, accumule les déficits année après année. En 2020, le déficit était de 1,8 million d’euros, et il a désormais atteint plus de 4 millions d’euros en 2022, selon le dernier rapport budgétaire de la CRC.
En 2022, la CRC avait déjà émis des avertissements sévères quant aux « graves dysfonctionnements de la gouvernance du SMTVD ». La juridiction soulignait alors le risque que ces problèmes posaient pour la capacité du syndicat à traiter efficacement les déchets, pointant du doigt un recours excessif à l’enfouissement plutôt qu’à la valorisation.
II. Déficit et déséquilibre budgétaire
Le déficit de plus de 4 millions d’euros, révélé dans l’avis budgétaire de décembre 2023, place le SMTVD dans une situation financière précaire. De plus, la CRC constate que le budget voté pour 2023 n’est pas en équilibre réel, confirmant ainsi les inquiétudes sur la gestion budgétaire du syndicat.
La CRC émet des recommandations urgentes, appelant à la mise en œuvre immédiate du plan de redressement, à l’augmentation des contributions conformément à la trajectoire prévue, à la réduction des charges de personnel et exceptionnelles, tout en soulignant l’importance de garantir la fiabilité des restes à recouvrer et de leur recouvrement.
III. Charges de personnel en hausse et risques financiers
Le rapport de la CRC met en lumière une augmentation alarmante des charges de personnel, avec une hausse de 14 % entre 2022 et 2023. Ces dépenses accrues, combinées à un montant important et ancien de restes à recouvrer estimé à environ 10 millions d’euros, exposent le SMTVD à des risques financiers significatifs. La CRC souligne que le recouvrement de ces créances est incertain, ce qui accentue la fragilité financière du syndicat.
Face à cette situation, la CRC a proposé au préfet de la Martinique de régler le budget principal de 2023 en apportant des modifications spécifiques pour remédier à la crise immédiate.
IV. Antécédents de crises et engagements de redressement
Le SMTVD n’en est pas à sa première crise financière. En 2021, la Chambre régionale des comptes avait déjà annoncé un déficit important dans le compte administratif de cette année-là. En juin dernier, le président du SMTVD, Belfort Birota, confirmait la complexité de la situation financière tout en soulignant les avancées réalisées dans la conduite du redressement. Cependant, les résultats actuels démontrent que ces efforts n’ont pas été suffisants pour stabiliser la situation.
V. Rapport d’observations définitives et problèmes structurels
En octobre 2023, la Chambre régionale des comptes a rendu public un rapport d’observations définitives sur le SMTVD, couvrant les exercices 2014 à 2020. Ce rapport détaillé de 81 pages soulève des préoccupations majeures, dont des recrutements non-conformes, des objectifs environnementaux non atteints, une dépendance financière des Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI), et des lacunes dans la comptabilité.
Le SMTVD est critiqué pour des recrutements d’agents ayant des liens familiaux avec les dirigeants du syndicat, ainsi que pour une sous-effectif en cadres compétents, entravant le bon fonctionnement des services. De plus, les objectifs environnementaux fixés par le plan de prévention et de gestion des déchets de la Martinique ne sont pas atteints, mettant en lumière une gestion inefficace des ressources.
VI. Gestion financière dépendante des EPCI et coûts élevés
Le rapport souligne la dépendance financière du SMTVD vis-à-vis des Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI), qui contribuent à 84 % des recettes du syndicat. Les charges de prestations de service aux clients autres que les EPCI ont chuté de 36 % en 2020 en raison du dysfonctionnement des régies et de l’impact de la pandémie de Covid-19.
Les coûts de traitement des déchets sont également élevés, dépassant de 30 % la moyenne nationale, avec des contrats de location jugés onéreux. La stratégie d’externalisation de nombreuses prestations à un petit nombre de sociétés est qualifiée d' »échec » par la CRC, réduisant la durée prévisible d’exploitation des installations.
VII. Urgence d’une restructuration immédiate
La crise financière du SMTVD exige une action immédiate et une restructuration profonde. Les recommandations de la CRC, centrées sur la mise en œuvre du plan de redressement, la réduction des charges, et l’augmentation des contributions, doivent être suivies de mesures concrètes. Le SMTVD doit également s’engager dans une gestion plus transparente, des recrutements conformes et une révision complète de ses objectifs environnementaux.
Conclusion
La crise financière du Syndicat Martiniquais de Traitement et de Valorisation des Déchets reflète des années de gestion défaillante et souligne la nécessité d’une réforme structurelle. La gouvernance du syndicat doit être revue, les recommandations de la CRC implémentées de manière rigoureuse, et des mesures immédiates prises pour éviter une détérioration continue de la situation financière. Le SMTVD est à un point de rupture, et seul un engagement fort en faveur du redressement financier et environnemental permettra de garantir un avenir durable pour la gestion des déchets en Martinique.