— Par Pierre Alex Marie-Anne —
Les autorités, Préfet compris, prétendent que la pénurie d’eau qui frappe, avec la dureté que l’on sait la population martiniquaise, serait essentiellement due à des conditions climatiques exceptionnelles de sécheresse ; cette explication qui se voudrait lapidaire est à l‘examen fort peu satisfaisante. Si comme le proclame une célèbre maxime :« gouverner, c’est prévoir»! Le moins que l’on puisse dire, c’est que les donneurs d’ordres que sont la CTM et les EPCI et leurs opérateurs techniques, les fermiers, n’ont rien vu venir; la raison en est évidente : l’absence totale d’anticipation qui caractérise leur gestion de ce précieux liquide. Aucun plan pluriannuel ne vise ni à accroître la ressource disponible en fonction des besoins prévisibles ni à en sécuriser la distribution. En particulier, l’état déplorable des canalisations qui laisse fuir dans la nature plus de 40% de l’eau provenant des captages ne fait l’objet d’aucun programme opérationnel de grande ampleur visant à y remédier. C’est d’autant plus inadmissible que d’une part les usagers paient régulièrement sur leur facture une taxe destinée précisément à l’entretien des réseaux, d’autre part des fonds importants actuellement disponibles restent inutilisés, lesquels en outre pourraient être significativement abondés par les fonds européens.
Le constat qu’il convient de dresser en l’occurrence, est celui d’une véritable incurie de la part de nos dirigeants, focalisés sur la création de gadgets en tout genre (hymne,drapeau,officialisation du créole …) pendant que la population tire la langue et subit les affres insupportables du manque d’eau potable. Quant aux malheureux agriculteurs à qui on fait miroiter la perspective de “la souveraineté alimentaire” rien de nouveau et de décisif n’a été entrepris, depuis la réalisation par l’ex-Conseil Général du barrage de la Manzo,pour leur permettre de passer sans dommage la période sèche du carême. En définitive le fond du problème, c’est l’absence totale de volonté politique pour prendre à bras le corps la résolution des problèmes auxquels la Martinique est confrontée ; outre celui de l’eau dont le caractère vital n’est pas à démontrer, il convient de citer le transport public, inorganisé et défaillant au grand dam de la population laborieuse qui l’utilise quotidiennement, le traitement des déchets et des épaves automobiles, sans parler des sargasses, qui submergent notre environnement et lui font perdre la réputation qui était la sienne “d’île aux fleurs”, vantée des touristes, le niveau en chute libre, dans la quasi indifférence de notre représentation politique, de nos services publics d’éducation et de santé dont l’excellence, autrefois une référence dans la Caraïbe, faisait notre fierté, la transition énergétique et numérique en panne alors que se profile à l’horizon la révolution de l’intelligence artificielle, qui qu’on le veuille ou non, rebattra toutes les cartes.
Toutes ces questions, parmi bien d’autres tout aussi essentielles comme l’effondrement démographique et l’explosion du vieillissement qui lui est associé, devraient être au cœur des préoccupations et la priorité des priorités de l’action d’élus, réellement tournés résolument vers l’avenir. Au lieu de cela, à quoi assistons nous ? À l’évocation permanente de l’esclavage et de la colonisation qui revient comme une litanie psalmodiée à l’infini par des grands prêtres « esclaves de l’esclavage», pour parodier Frantz FANON, alors qu’elle appartient à un passé irrémédiablement révolu. Foin de l’Avenir !, seul le passé mérite à leurs yeux considération, pour le reste la formule est toute prête :« Pour s’occuper du quotidien des martiniquais, il faut changer les textes! », traduire : je ne peux rien faire, tant pis pour ceux qui se laissent abuser par des promesses fallacieuses ; bel aveu en tout cas d’impuissance et d’incapacité de l’intéressé ! Mais dans le présent cas de figure, la pilule a du mal à passer : non seulement la ressource en eau est abondante,pour peu qu’on veuille bien la capter et sécuriser sa distribution, mais de plus les élus disposent dans ce domaine d’une compétence pleine
et entière et de fonds à leur disposition qu’ils n’arrivent même pas à consommer. Cherchez l’erreur! Ce qui manque cruellement en définitive, c’est la volonté politique totalement absente ou plus exactement accaparée, depuis le début de cette nouvelle mandature de la CTM ( bientôt à mi-mandat !), par la multiplication de congrès sur l’évolution institutionnelle dont rien de concret ne ressort si ce n’est qu’il faut en faire un nouveau, élargi cette fois à l’ensemble du peuple, pour commencer enfin à bâtir un projet. On ne saurait mieux exprimer ce faisant, la vacuité de ces interminables palabres. Il appartient aux citoyens en colère, qui chaque matin exhalent sur RCI leur ras-le-bol des répercussions désastreuses de la gestion chaotique de l’eau sur leur condition de vie, indigne du XXI° siècle, d’en tirer les conséquences : “ la meilleure façon de changer les choses est de changer les hommes ”, surtout lorsqu’ils ont amplement fait la démonstration de leur incompétence.
Pierre Alex MARIE-ANNE