— Communiqué du CNCP —
Le 19 décembre 2022, les Pays-Bas, ont officiellement présenté leurs excuses pour leur passé esclavagiste. En France, avec la loi du 21 mai 2001, l’Assemblée Nationale a reconnu la traite et l’esclavage comme crime contre l’humanité. Une loi, dite «mémorielle», qui ferme la porte à toute juste réparation. Et c’est ainsi qu’en faisant quelques actes de contrition hypocrites, les puissances colonialistes croient pouvoir s’absoudre des crimes qu’elles ont commis, tout en continuant à jouir des fruits de leurs pillages passés et présents et en perpétuant leurs exactions.
En matière de cruauté et d’abomination, les crimes contre l’humanité commis par les puissances coloniales n’ont rien à envier à ceux des nazis.
La « grandeur » de l’Europe ruisselle du sang des massacres commis lors de leurs conquêtes coloniales et du génocide des peuples autochtones en Afrique, en Asie, en Amérique et en Océanie. Ses « valeurs » se sont construites sur la traite, la déportation, des plus de 100 millions d’Africains dont ils ont piétiné l’humanité, sur la pratique, pendant des siècles, d’un esclavage et d’un « indigénat » barbares, sur le vol de centaines de milliers d’enfants, arrachés à leur familles pour être réduits en esclavage, déculturés, jetés dans des charniers de certaines de leurs institutions religieuses.
Le droit que s’octroient les « démocraties » occidentales à régenter le monde s’appuie sur la dictature militaire qu’elles imposent sur tous les continents.
Ainsi, les USA, guides suprêmes du soi-disant « monde libre », incontestables chefs d’orchestre des subversions, des coups d’état, du soutien aux dictatures partout dans le monde, sont ceux qui jugent de la légitimité des chefs d’état dans les pays qu’ils ne peuvent pas contrôler.
« Première puissance mondiale » parce que massivement militarisée, c’est avec une cruauté et un cynisme écœurants qu’ils ont imposé leur hégémonie : 210.000 être humains sacrifiés parce qu’ils voulaient tester deux bombes nucléaires à Hiroshima et Nagasaki. Des millions de civils assassinés par épandage du « Gaz orange » au Vietnam, au Cambodge et au Laos, parce que des peuples défiaient leur domination impérialiste.
Aujourd’hui, le Royaume-Uni, les Pays-bas, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et la France, dont la puissance s’est construite sur le pillage des colonies et l’exploitation brutale des peuples dominés, sont devenus des vassaux des USA. Ensemble, ils constituent un véritable « syndicat du crime », autoproclamé « communauté internationale », qui prétend dicter le droit à tous les autres pays (lois extra-territoriales, guerres préventives, ingérences soi-disant humanitaire, sanctions unilatérales, etc.).
Les législations et les contrats imposées au reste du monde par les impérialistes ont pour effet que les terres volées restent leur propriété, que le pillage des ressources perdure dans les néo-colonies, que leurs institutions financières et leurs monnaies – le fameux CFA est emblématique à ce sujet – confisquent la souveraineté de tous les états néo-colonisés et, enfin, que leurs bases militaires, plateformes pour la subversion et les agressions directes, restent implantées sur tous les continents.
Ensemble, ils perpétuent la barbarie.
Les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles et leurs auteurs doivent être contraints à réparation.
C’est parce que les mensonges historiques sont de plus en plus dévoilés et que les Peuples exigent Justice, que certains Gouvernements de pays impérialistes se résignent à présenter des excuses verbales accompagnées de l’octroi de quelques subsides prétendant solder leur compte. A aucun moment, ils n’envisagent de ne plus jouir des fruits de leurs pillages passés et présents et de mettre fin aux exactions qu’ils commettent aujourd’hui. Au contraire, leurs législations multiplient les obstacles pour empêcher aux peuples victimes d’obtenir Justice et Réparations.
L’exemple des biens volés lors des guerres coloniales est tout à fait significatif : au nom des lois régissant les musées du pays colonisateur, les pillards n’en peuvent restituer la totalité. Tout au plus ils en remettent quelques pièces pour prouver…… « leur bonne volonté ». Exécrable mépris suprémaciste !
Mais, de toute façon, il ne saurait être question qu’il revienne aux criminels le droit de décider des conditions du jugement et de la sentence. Il s’agit plutôt de les dénoncer, d’investiguer sur leurs forfaits, de les contraindre à restituer les biens qu’ils ont pillés et, surtout, de mettre définitivement fin à leur capacité de nuisance.
Les « excuses » hypocrites présentées par quelques dirigeants occidentaux sont noyées dans les déclarations arrogantes de la majorité de l’intelligentzia et de la classe politique occidentales : « Pas question d’une quelconque repentance ! C’est la faute des Africains s’ils ne sont pas entrés dans l’histoire ! Nous leur avons porté la … civilisation ! ». Quand certains sont contraints de reconnaître les crimes du passé, ils s’empressent de s’en dédouaner : «Nous ne pouvons être responsables de crimes commis par nos aïeux ! Nous ne sommes pas coupables donc nous n’avons rien à réparer ! » Tout juste les suprémacistes de « gauche », au nom de « la grandeur de la France » dont ils sont fiers, appellent-ils au condescendant devoir « d’aider les peuples en souffrance ».
Une telle ligne de défense est complètement fallacieuse dans la mesure où le système mis en place pour organiser les pillages et perpétrer les crimes perdure ; il n’autorise aucune remise en cause de sa suprématie.
Cette réalité s’illustre parfaitement avec la situation qui prévaut dans notre pays : La caste des descendants des maîtres esclavagistes y exerce une domination incontestable. Leurs ascendants ont reçu de l’état français d’importants « dédommagements » financiers pour compenser la perte de ceux qu’ils esclavagisaient dans des conditions barbares. Au lendemain de l’insurrection de Mai 1848 qui a imposé l’abolition, le pseudo-libérateur Victor Schoelcher a patronné l’organisation d’une campagne dans tout le pays pour signifier aux « nouveaux citoyens » que leurs cases et jardins restaient propriété des maîtres. Aujourd’hui encore, les occupants légitimes des anciennes terres d’habitation ne peuvent prétendre à l’obtention d’un titre de propriété et des jeunes loups « héritiers » s’activent pour les en expulser. De nombreuses affaires révèlent la collusion entre la caste et certains notaires visant à déposséder des familles de leurs propriétés. Sur le plan économique, persistent des pratiques maffieuses pour briser les reins de ceux qui s’attaquent à ses monopoles. Quant à la collusion avec le pouvoir colonial, elle ne s’est jamais démentie : A l’appel de la caste, les forces armées françaises ont régulièrement assassinés des travailleurs qui revendiquaient l’augmentation de leurs maigres salaires et les magistrats coloniaux ont impitoyablement réprimés tous ceux qui osaient réclamer leurs droits. La complicité entre l’état, ses forces de répressions et son appareil judiciaire, d’une part et la caste des importateurs- vendeurs- grands planteurs utilisateurs des pesticides qui ont empoisonné notre peuple, d’autre part, atteste sans aucune contestation possible de la continuité entre les crimes contre l’humanité du passé et ceux d’aujourd’hui.
Les victimes d’aujourd’hui sont donc tout à fait dans leur bon droit en exigeant Justice et Réparations de la part de ceux qui tirent profit du crime et qui le perpétuent !
Cela n’a absolument rien à voir avec un soi-disant « racisme anti-béké »*1 De même que les héritiers des victimes des crimes nazis sont unanimement soutenus quand ils exigent aujourd’hui la restitution des biens volés à leurs famille – ce qui est juste, légitime, et qui ne leur vaut pas d’être traités de racistes – notre peuple né de la traite, de l’esclavagisation, de la colonisation, toujours soumis au joug du pouvoir colonial, attend de tous les humanistes un soutien sans ambiguïté dans sa lutte pour obtenir condamnation des criminels et Réparation
Obtenir la condamnation des coupables et la réparation des crimes ! Oui, mais comment ?
Nous l’avons compris : dans les pays impérialistes occidentaux les classes dominantes et leur État, sont juges et partis ; ils n’ont aucune intention ni de faire amende honorable, ni de réparer leurs crimes. Cependant les législations qui y ont cours permettent, malgré tout, d’obtenir réparation pour certains préjudices. Il n’est donc pas inutile de mener de mener la lutte sur le front juridique. Par exemple, face au scandaleux non-lieu prononcé dans l’affaire de l’empoisonnement au chlordécone, plusieurs procédures restent possible et il convient de constituer de nouveaux dossiers pour acculer les empoisonneurs. Il existe, d’autre part, une juridiction et des jurisprudences internationales sur lesquelles les peuples victimes peuvent s’appuyer pour obtenir Justice et Réparation.
Mais en tout état de cause, c’est l’éradication du système de domination impérialiste qui reste déterminante dans la résolution de la problématique en question. Autrement dit il y aura véritablement justice et Réparation quand les Peuples dominés auront conquis leur souveraineté. Là, les nouvelles législations sanctionnant les crimes pourront s’imposer. Là, les pays impérialistes ne pourront intriguer dans les institutions internationales pour faire obstacle aux revendications des victimes*2. Tous les espoirs sont permis à cet égard : Grâce à la lutte des peuples et des gouvernements du Tiers-monde, la question des Réparations s’impose avec de plus en plus de force dans l’agenda international, pendant que l’hégémonie des puissances impérialistes occidentales est sérieusement bousculée.
L’importance de « l’auto réparation »
Ceci dit, les dégâts causés par les crimes d’hier et d’aujourd’hui sont très prégnants : la grande majorité des peuples victimes est maintenue dans l’impossibilité de bénéficier de conditions de vie dignes. L’inégalité dans les possibilités d’accès au logement, à l’emploi, à la « sollicitude » de l’ État est indéniable. La domination idéologique que continuent à imposer les impérialistes, la destruction du tissu social entraînée par leurs politiques, le piétinement de notre culture, ont pour conséquence de nourrir les aliénations, le mal-être, les violences et les déviances.
C’est à nous-même qu’il appartient de réparer tous ces dégâts-là ! C’est ce que nous signifions en parlant « d’auto-réparation ».
Les conditions de vie de notre peuple ne seront valablement améliorées qu’à condition que nous dynamisions les activités économiques et les réseaux alternatifs, fruits de son génie créatif, en en faisant des bases d’appui dans la lutte contre le système dominant. C’est à nous qu’il appartient de remettre notre pays sur les rails d’un vrai développement profitable à tous, respectueux du vivant, de l’environnement et de l’intérêt des générations futures.*3
Nous pourrons, aussi, recoudre le tissu social, lutter contre les errances psychiques et les violences circulaires mises en lumière par Frantz FANON, en intensifiant la résistance sur le front culturel, notamment par la réappropriation de la glorieuse histoire de notre Peuple.
Fondamentalement, notre combat pour le châtiment des criminels et pour les Réparations, n’est qu’une facette de la lutte visant à libérer l’humanité d’un système barbare qui la détruit. En ce sens, il est absolument indissociable de notre lutte pour la souveraineté et l’émancipation.
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*1 Pour décrédibiliser le juste combat pour les Réparations, les profiteurs du système associent les revendication de Réparation à une haine aveugle contre l’ethnie Béké. Cela relève évidemment de la démagogie. Les colonialistes et les esclavagistes ne sont jamais parvenus à tuer en nous notre humanité. Nous ne sommes pas aliénés par la notion de « race » qu’ils ont inventée pour légitimer leur barbarie suprémaciste. Les criminels de qui nous exigeons réparations sont parfaitement identifiés : le pouvoir colonial et les profiteurs des classes dominantes. Il ne s’agit pas de priver qui que ce soit des biens qu’il a légitimement acquis par son travail, quelle que soit sa nationalité ou sa couleur de peau.
*2. Les manœuvres faites par les gouvernements occidentaux pour torpiller les conférences de Durban sur le racisme sont révélatrices de leurs vraies intentions.
*3 La nécessité s’impose alors de contrer les élites aliénées qui, idéalisant encore la civilisation des prédateurs occidentaux, propagent l’illusion que le « développement» passe par le « copier – coller » des modèles institutionnels et économiques prônés par les colonisateurs.