— Par Yves-Léopold Monthieux —
Je m’apprête à publier une tribune qui montrera que, tout en s’opposant à l’assimilation, le Parti communiste martiniquais (PCM) a, par son action sociale en faveur de la classe ouvrière, participé à l’installation du département. Cependant, des circonstances nouvelles me conduisent à publier d’abord une réflexion totalement imprévue qui montre un autre aspect de ce parti, bien moins glorieux. Après les récentes déclarations de deux dignitaires du PCM, les conditions de l’envoi en mission au Chili du militant Dolor Banidol, en 1969, ainsi que le silence abyssal observé depuis sa mort rappellent les heures sombres du stalinisme.
Voilà un secrétaire général du PCM qui révèle à la télévision de la façon la plus claire et intelligible qui soit, gestes à l’appui, les circonstances de la disparition de son camarade de bureau. Il avait été lui-même désigné, dit-il, pour représenter son parti à un congrès au Chili, mais y avait renoncé à la suite d’une confidence relative à un possible accident de l’avion qui devait le ramener. Fort de cette « prémonition », Armand Nicolas s’était fait remplacer par un autre membre du bureau qui avait été visiblement tenu dans l’ignorance du risque encouru.
Le secrétaire général du Parti communiste de Guadeloupe (PCG) ayant péri en même temps que Dolor Banidol, on peut craindre qu’il n’ait pas été mis au parfum. En revanche, on sait que le représentant du parti communiste français avait cru devoir changer d’avion. A-t-on mené des investigations sur la cause de cette salutaire précaution ? Endeuillés dans cette affaire, les 2 partis communistes, le PCM et le PCG, s’en étaient-ils inquiétés auprès du PCF ? Ont-ils retenu le nom du missionnaire du PCF qui avait échappé à la mort, et le PCM, celui de l’auteur de la confidence ? On sent bien que le parti communiste français avait pu être au courant de quelque chose. Mais l’omerta fut totale et aucun vent de solidarité n’avait soufflé sur les consciences des camarades communistes.
Et voilà que ce samedi, veille du 14 juillet, au cours d’une conférence du Groupe Révolution socialiste (GRS) à l’hôtel l’Impératrice, l’actuel secrétaire général du PCM est venu dire devant un auditoire médusé que lors de sa confession télévisée, qui venait d’être projetée, Armand Nicolas était inaudible. En raison de son grand âge et d’une blessure à la mâchoire (sic), il connaîtrait des difficultés d’élocution et n’aurait pas dit ce que tout le monde venait d’entendre ou de ré-entendre. Dès lors, il ne faudrait pas, ajoute-t-il, faire une interprétation hâtive et inamicale de sa bafouille télévisée. Toujours selon Georges Erichot, il ne faudrait surtout pas relancer cette affaire dans la précipitation. Bref, après un demi-siècle de silence du PCM, il serait urgent pour son secrétaire général d’attendre encore, et peut-être envisager le moment venu une rallonge du « secret-défense ».
Ainsi donc, dans la foulée de l’enquête engagée en Guadeloupe avec quelques résultats positifs, si faibles soient-ils, le GRS a décidé de s’associer aux recherches en vue d’aider à faire la lumière sur ce crash. Les premiers indices paraissent devoir corroborer les « subodorations » de l’ancien secrétaire général. Toutefois, il convient de veiller à ce que la recherche des commanditaires éventuels du crash n’apparaisse pas comme un voile jeté sur l’affaire locale, « l’affaire dans l’affaire », celle qui concerne Dolor Banidol et sa famille.
Une famille composée d’une veuve malade et de 11 enfants en bas âge, laissés seuls face à l’adversité. Un Dolor Banidol qui avait juste eu le temps de désobéir à la consigne du parti en faisant l’acquisition d’une parcelle de terre agricole dans le cadre de la réforme foncière qui avait été dénoncée par le PCM. Le seul bien laissé par le défunt à ses enfants.
Fort-de-France, le 15 juillet 2019
Yves-Léopold Monthieux