— Par Josiane Capron, présidente AMPI —
Après cet épisode sans précédent de crise sanitaire, il apparaît important de prendre le recul nécessaire afin de tirer les leçons de cette expérience et de témoigner en participant à la construction d’une mémoire collective.
Le 16 mars 2020, le président de la République déclare lors de son allocution télévisée l’état d’urgence sanitaire, dépeint comme une véritable guerre. Oui c’en est une, et pas n’importe laquelle, marquée (à son paroxysme) par de très fortes instabilités surtout les mois de mars, avril et mai. Inédite en son genre. Les industriels n’y sont pas préparés tout comme l’ensemble des entreprises. Et pourtant comme c’est le cas en temps de guerre, beaucoup décident de rejoindre le combat, et de défendre leur territoire. L’ennemi est invisible mais connu, la Covid-19. Nulle hésitation, les industriels s’arment de courage et s’engouffrent dans la bataille. Leur stratégie : adapter, maintenir ou augmenter le rythme de production, approvisionner la population en produits locaux et de protection en participant à la sécurité alimentaire et sanitaire, maintenir le paiement des salaires, sauver les emplois, protéger les collaborateurs, payer les fournisseurs et prestataires afin de soutenir l’économie locale et faire preuve de solidarité en donnant en grande quantité. Il est primordial de répondre aux besoins de la population confinée. Les expériences sont multiples, riches mais démontrent toutes qu’il est plus que jamais fondamental de stabiliser notre tissu industriel en local et d’œuvrer en ce sens.
Une industrie locale fortement impactée
L’industrie a fait preuve d’une hyperactivité malgré les nombreuses difficultés auxquelles elle a dû faire face. Saluons cet exemple de bravoure et de patriotisme au service de la Martinique. Compte tenu des circonstances exceptionnelles de cette crise notamment liées aux restrictions des déplacements, l’industrie a dû rester mobilisée et maintenir le cap. Presque tous les secteurs résistent : énergie, environnement, travail des métaux, chimie, parachimie, ameublement, agencement, imprimerie, papier, carton, agroalimentaire et accessoires auto. Malgré une chute drastique de la consommation des ménages et une affluence restreinte, car beaucoup ont été contraints de respecter les dispositions réglementaires* prévoyant la fermeture des lieux recevant du public à compter du 17 mars 2020. Le résultat est alarmant : chute de presque 50 % de la valeur ajoutée du secteur industriel (1).
Et pourtant malgré tous ces obstacles, l’industrie a su respecter ses engagements en assurant l’approvisionnement quotidien des points de vente et en répondant à la demande. Ses employés en première ligne se sont engagés à contribuer à ce sur-effort afin de maintenir les chaînes d’approvisionnement locales et répondre aux besoins de la population les plus importants.
Tout comme lors des événements sociaux et sociétaux déstabilisants, la production locale a su rester forte et présente alors que certains produits importés manquaient. Malgré tout l’INSEE enregistre une hausse des importations des denrées alimentaires de +35% (2). L’idéal est d’atteindre des objectifs de vente pour la production locale dans les mêmes proportions……. C’est notre rêve, mais pour l’atteindre il nous faut le partager ! Face à la menace de la COVID-19 et la mise en place de gestes et mesures barrières, les industriels ont dû repenser leur organisation du travail, en faisant preuve d’empathie, d’habileté, et de lucidité. Dans certaines situations, cela a fait naître certaines tensions, il a fallu mettre en place un dialogue spécifique pour rassurer le personnel méritant. D’autres ont fait preuve de créativité en utilisant les réseaux sociaux afin de maintenir, créer ou renforcer les liens au sein de leurs équipes. Majoritairement ils ont adapté leur management en veillant à conforter le personnel au travers d’un dialogue actif, en achetant des équipements de protection individuelle et en mettant tout en oeuvre afin de garder un bon climat sur site.
Des défis d’adaptation
Durant cette période de crise sanitaire, la gestion managériale (avec des effectifs allant jusqu’à 200 salariés) a été un challenge de taille. Assurément cette expérience servira d’exemple, même si elle reste très douloureuse avec une facture sociale encore méconnue et une facture économique très lourde.
Malgré les difficultés qui s’emboîtent, les industriels ont fait le choix du local ; un seul mot d’ordre : payer tous les fournisseurs et prestataires afin d’éviter les défauts de paiement en cascade. L’objectif ultime, soutenir l’économie ! Tel fut le credo adopté par l’ensemble des industriels du secteur représentés au sein de l’AMPI. Outre cet engagement valeureux, une vraie dynamique solidaire a vu le jour au travers d’adaptation de l’outil industriel (solution/gel hydroalcoolique, parois en plexiglass ou verre, marquage au sol, signalédémunis.
tique, visières…). Et au travers de dons de toutes natures: masques, blouses, solution/gel hydroalcoolique, distribution de produits alimentaires aux associations caritatives, de boissons aux CCAS, de bons carburant, visières, glaces, repas aux plus Nous n’oublierons « jamais, jamais, jamais ». Certaines industries qui ont voulu contribuer à l’effort ont pris des risques en investissant dans la fabrication de masques. Elles ont fait aussi la démonstration de l’entraide : citons l’exemple de partenariat entre l’entreprise FABRICOM STORES et l’association FIDL et le GAM (Groupement des Artisans d’Art) pour faciliter l’insertion durable des publics fragiles ou encore l’entreprise ABADIE. Et après… Remettre notre industrie au coeur de notre territoire : lancement du programme Territoire d’industrie.
Afin de relancer l’économie par le soutien de ses filières, l’État a décidé de mettre en place un dispositif spécial : Territoires d’industries, programme officialisé lors du Conseil National de l’Industrie en novembre 2018.
Une industrie résiliente, solidaire et durable
La Martinique participe à cette dynamique avec la labellisation des territoires CACEM et CAP NORD. La collectivité territoriale de Martinique est le pilote de ce programme. Le chef de projet Territoire d’industrie dédié à ce programme travaillera de concert avec l’ensemble des acteurs. Par ailleurs les autorités nationales ont souhaité appuyer ce dispositif avec le lancement du « pack rebond ». L’enjeu est de taille, il faut relancer l’économie coûte que coûte.
Lors de leur allocution officielle le 20 juillet dernier, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les Collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, et Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie, ont rappelé l’importance de l’industrie, au coeur de la stratégie nationale qui sera déclinée dans les territoires. A cet effet le préfet de Martinique a réuni le comité territorial de suivi du Plan « France Relance pour le rebond de la Martinique », le 9 septembre dernier.
Les politiques, les collectivités, les industriels locaux et la population martiniquaise devront s’engager et être unis dans cette démarche collective afin de tout mettre en oeuvre pour sauver l’économie. C’est notre engagement, c’est notre devoir ! Et maintenant, que nous reste-t-il à faire ? La réponse est simple… Consommons local, achetons local. C’est l’acte le plus impactant, le plus fort et le plus engagé que nous pouvons faire tous ensemble. C’est la plus belle preuve de solidarité.
Cet acte contribue au maintien des emplois, à la relance et au dynamisme de l’économie locale, à son attractivité, à la promotion du savoir-faire local, à l’innovation, à la préservation de notre patrimoine immatériel, à l’affirmation de notre identité. En consommant local, j’ai la garantie de la fraîcheur des produits, de leur authenticité, de leur adaptation en fonction de mes besoins ou des spécificités du territoire.
J’achète un produit fabriqué à la Martinique, correspondant à nos caractéristiques climatiques et géologiques (matériaux de construction, tôles, armatures, peintures…). Je consomme un produit qui valorise notre agriculture, notre pêche, notre artisanat, notre faune et notre flore, notre industrie.
Je contribue à la réduction de l’empreinte carbone. Soyons solidaires ! En consommant local, je contribue à la relance de mon île. Sé douvan nou lé alé.
Josiane Capron, présidente AMPI
(1) Étude INSEE Martinique n°137, juin 2020.
(2) Étude CEROM n°30, juin 2020.