Ensemble
Chers collègues,
Notre communauté hospitalière vient de traverser une crise terrifiante. Quelles qu’aient été les tensions, nous, médecins, tenons à remercier les plus jeunes d’entre nous, nos internes mais aussi tous les autres soignants, brancardiers, ASH, AS, IDE, IBODE, IADE, kinésithérapeutes, sages-femmes, puéricultrices, diététiciennes, psychologues, manipulateurs radio, cadres et bien d’autres encore, bref tous ceux qui ont été au chevet de nos patients. Sans vous rien n’aurait été possible. Nous avons aussi une pensée pour ceux qui dans l’ombre, dans les secrétariats, les laboratoires, à la pharmacie, en santé publique et hygiène, au service de santé au travail, dans les services techniques, logistiques, dans l’équipe de direction autour de son Directeur Général, bref pour tous ceux qui, dans ces 2èmes lignes du front, font que les guerres se gagnent.
Malgré cette solidarité, nous partageons tous un sentiment de tristesse. Ce deuil, nous devons le transformer en détermination, celle de tout faire pour que ce que nous avons vécu ne se reproduise jamais. Dans un monde où les fake news distordent la réalité, les martiniquais restent hésitants.
Nous, qui avons été au combat, devons nous déterminer sur ce que nous avons vécu.
Le constat statistique est froid, presque cynique. Notre hôpital a été totalement débordé. Un patient hospitalisé du COVID sur 5 est décédé durant son hospitalisation. Parmi les près de 500 morts à l’hôpital, moins de 5 avaient un schéma vaccinal complet.
Nul doute, le variant Delta est contagieux et violent, beaucoup plus que les précédents et doit dicter la hauteur de notre réponse.
Nous devons tout faire pour éviter une 5ème vague. Notre communauté pourra-t-elle supporter encore tous les drames auxquels nous avons assistés mais aussi tous ceux que nous n’avons pas vus, pour tous ces autres patients ignorés ?
Expliquons, expliquons encore, à tous nos proches, nos amis et alliés, que même s’il ne fait pas tout, le vaccin est, et de loin, la meilleure arme pour nous défendre.
La loi fait de la vaccination des soignants une exigence. N’exige-t-elle pas simplement que nous appliquions à nous-mêmes le rempart le plus incontestable aux formes graves et mortelles de la maladie ? Comment pourrions-nous expliquer à nos proches qu’il faut se vacciner tout en refusant l’obligation qui nous en serait faite, nous soignants ? Collègues, porteur ou porteuse de comorbidité et vulnérable (nous sommes nombreux à l’être), peut-on accepter d’accroitre le risque que nous courons en allant au travail ?
Nos patients fragiles qui ont besoin de nos soins, pouvons-nous leur offrir ce soin dans un hôpital qui s’accommode de la non vaccination ?
Qui nous protégerait alors devant un juge, d’avoir accepté de faire ce soin, responsable de la contamination, alors que notre hôpital ne serait pas conforme à la loi ? Ne devons-nous pas conseiller au patient de se faire soigner dans un autre établissement ?
Si un nouveau débordement hospitalier survient dans quelques semaines, pourra-t-on exiger de nos collègues de l’hexagone de quitter un hôpital où les soignants sont vaccinés pour rejoindre un autre en difficulté où les soignants ne le sont pas ?
Pour toutes ces raisons, nous, communauté médicale du CHU pensons qu’avec ou sans la loi, parce que c’est un acte d’exemplarité, de solidarité entre nous, de lutte contre le virus, nous nous devons d’offrir un hôpital vacciné.
Bien sûr cette question pourrait nous diviser. Mais notre conviction n’exclut pas d’écouter, voire de soutenir certaines des actions proposées par nos collègues des organisations syndicales. Il n’y aura pas de victoire contre ce fléau sans écoute, sans tolérance, sans humilité, sans chemin commun.
Oui nous pensons comme eux que le virus n’est pas que dans l’hôpital. Oui, nous pensons aussi qu’il faut tout faire pour consacrer les gestes barrières, repenser l’isolement, déclencher le confinement à temps, se battre pour l’hygiène de vie, l’activité physique, pour une meilleure immunité. Oui, il faut optimiser le soin apporté dès le moindre symptôme dans une action coordonnée avec nos collègues de la ville qui ont un rôle essentiel. Oui, nous soutenons les organisations syndicales dans ce type de démarche vis-à-vis de l’ARS et de la Préfecture. Nous y adhérons en association indispensable à la stratégie vaccinale mais non en alternative. Et à la condition que l’on cesse d’exiger de nous de fermer les yeux : aucun de nos confrères médecins, de l’hôpital comme de la ville, ne devrait au 21 septembre 2021 conseiller encore à ses patients de ne pas se faire vacciner.
Nous avons décidé d’avoir un ton grave car les circonstances l’exigent. Pour autant nous pensons que nous allons tous ensemble relever le défi. Le taux de vaccination a bougé et nous pouvons nous rapprocher d’un seuil où notre hôpital ne serait plus débordé. Notre objectif principal dans les semaines à venir serait de mobiliser les quelques Martiniquais restant à convaincre pour y arriver. Peut-être alors l’espoir donnera-t-il suite au deuil et la Martinique pourra chanter Noël comme elle est la seule au monde à savoir le faire.
Amitié solidaire,
La communauté médicale du CHU de Martinique