— Par Frédéric Lecloux —
La coupe du monde de football organisée au Qatar pourrait générer 6 millions de tonnes équivalent Co2. on est loin des 3,6 millions de tonnes annoncées. Et encore, depuis 2010, le bond des émissions carbone du pays, avec la construction des nouvelles infrastructures, est six fois plus important ! Un bilan écologique et humain désastreux !
Alors que les organisateurs vantent un événement « neutre en carbone », la Coupe du monde de football, qui se déroulera jusqu’au 18 décembre au Qatar, aura surtout contribué à faire exploser les émissions de CO2 (+50 % depuis l’attribution, en 2010, du Mondial) de ce petit pays richissime, mais parmi les moins vertueux de la planète en matière de gaz à effet de serre, de gaspillage d’eau…
Pour valider leur prétendue neutralité carbone, la Fédération internationale de football (Fifa) et les Qataris ont publié un rapport prévisionnel des émissions de GES. Résultat : 3,6 millions de tonnes équivalent CO2 (MtCO2e). En soi, un record pour une Coupe du monde de football. Les précédentes en Russie, au Brésil ou en Afrique du Sud, pourtant déjà bien polluantes, n’avaient pas dépassé la barre des 3 millions. Mais pas de comparaison possible, selon ce même rapport. « L’inventaire des émissions de chaque événement » possède « des limites qui lui sont propres », argumente-t-il. Et c’est bien le problème.
Les émissions de CO2 du pays ont augmenté de 50 % en 10 ans, depuis l’attribution de la Coupe du monde de football au Qatar.
Une vaste sous-estimation des données du bilan carbone de l’événement au Qatar
Le rapport de la Fifa a été épinglé par l’association experte Carbon Market Watch, qui dénonce une sous-estimation de 1,4 MtCO2e au minimum des émissions relatives à la construction des nouveaux stades. Ce qui nous amène déjà à un total de plus de 5 MtCO2e. Quant à l’impact du fonctionnement de ces structures, il n’a été pris en compte que sur la durée de la compétition, alors que ces équipements à l’avenir « incertain » existent pour des dizaines d’années.
De même, le nombre de visiteurs arrivant en avion (occulté dans le rapport) est inférieur à celui largement annoncé (1,2 million). Or, l’afflux attendu a nécessité la réouverture d’un ancien aéroport et la réduction des vols « hors Coupe du monde », de manière que la capacité d’accueil puisse dépasser 200 000 voyageurs par jour (chiffre annoncé par le PDG de Qatar Airways).
Egalement ignorées, les navettes aériennes quotidiennes entre le Qatar et les nations voisines où certains fans sont logés. Un hébergement qui a, lui aussi, un impact supplémentaire mais qui n’est pas comptabilisé. En cumulant le tout, on arrive peu ou prou à 6 MtCO2e.
37 TONNES DE CO2 PAR HABITANT
Ce sont les émissions par habitant du Qatar en 2020, soit la première place mondiale dans le classement de Global Carbon Project, organisation experte de ce genre de calcul. C’est neuf fois plus qu’en France (4,2 t), trois fois plus qu’aux Etats-Unis (14 t). Mais 37 t, ce n’est qu’une moyenne : les Qataris représentent environ 10 % des 2,9 millions d’habitants que compte le pays, quand la majorité est composée d’ouvriers immigrés au faible niveau de vie. En valeur absolue, les émissions de CO2 du Qatar sont estimées à 107 millions de t en 2020, soit une hausse de 50 % en dix ans.
De nouvelles infrastructures non intégrées au bilan carbone de la Coupe du monde
Autres émissions passées sous le radar, celles liées à la quasi-totalité des 300 milliards de dollars (estimation Bloomberg Intelligence) investis dans les nouvelles infrastructures souvent somptueuses en vue du Mondial (métro, tramway, agrandissement d’un aéroport, autoroutes, hôtels…), soit des millions de tonnes de CO2e.
Ces infrastructures font partie du Qatar National Vision 2030, qui vise à faire de ce pays « une société avancée capable de soutenir son développement et d’offrir un niveau de vie élevé à sa population », avec également un tourisme « haut de gamme ». Le tout « durablement ». Mais pas pour la planète..
Avion : 1,6 million de tonnes de CO2 mais pour combien de voyageurs ?
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Un texte de Frédéric Lecloux à retrouver dans son ouvrage Au désert. Migrations Népal-Qatar, paru en novembre et coédité avec Amnesty France et Le Bec en l’air. Les photos publiées dans cet article sont extraites du livre.