— Par Jean-Pierre Porry —
Le nom de la société que je dirige ayant été cité à de nombreuses reprises dans ce dossier, maintenant que nos pseudo-écologistes et autres polémistes semblent à court d’arguments, j’ai pensé qu’il était utile de rectifier certaines des nombreuses contre-vérités entendues sur ce sujet que je connais bien, ayant été impliqué dans cette affaire depuis son début.
Tout d’abord, le Cosette a bien été dépollué: tout son carburant, toutes les peintures, batteries, huiles (y compris huiles contenues dans les carters des différents moteurs et génératrices, grue, etc…), tous les déchets présents à bord ont bien été enlevés du navire. Ceci a été effectué par la société Somara à la demande des services de la DDE, laquelle était en charge du Port à l’époque. Ce travail de dépollution a fait l’objet de contrôles de la part des services de l’Etat (la Capitainerie du Port), le tout contrôlé ultérieurement par un expert indépendant désigné par le Port, afin de préparer le navire à un remorquage éventuel en cas d’urgence; une « toilette de mer » telle que définie par l’OMI (Organisation Maritime Internationale) consistant, hormis la dépollution, à la préparation d’une patte d’oie et pantoire de remorque adaptée au navire, au blocage du gouvernail à zéro, etc.
Ceci se passait … en 2011, voici donc 3 ans.
Aussi les allégations de ceux qui n’ont jamais mis les pieds sur ce navire et ne s’y sont pas intéressés pendant les 4 années durant lesquelles il était à quai et qui ne se manifestent qu’après coup, ne peuvent qu’être rejetées.
Par ailleurs, on dit que le navire a transporté des fûts toxiques en 2008, alors qu’il naviguait sous un autre nom : ET ALORS ?
A ces manifestants anxieux, on fera observer que c’est tous les jours que des produits toxiques destinés à l’industrie ou l’agriculture sont transportés, dans le monde entier. Pour ce qui est de la Martinique, ces produits dits toxiques arrivent par conteneurs, les mêmes conteneurs (ce qui était systématiquement le cas pour les conteneurs de type Conair), repartant ensuite vers la Métropole avec par exemple notre banane.
Il faudrait que ces experts maritimes improvisés qui s’agitent autour du cas du Cosette (on notera que sont les mêmes visages qu’on retrouve dans d’autres combats, politiques ou syndicaux) apprennent qu’on ne détruit pas les navires et les conteneurs dès lors qu’ils ont transporté des produits classés dans la nomenclature des produits à risque.
Dans le cas du Cosette, s’agissant des soi-disant résidus de produits toxiques, il convient de noter tout d’abord qu’il s’est écoulé 6 années depuis ce fameux transport de fûts. Ensuite, ce navire a fréquenté de nombreux ports et donc transporté bien d’autres marchandises entre 2008 et sa venue en Martinique, en 2010, dont à maintes reprises des Ports américains, réputés pour leur vigilance en matière de règlementation.
Enfin, les équipes de Somara et de toutes les autres entreprises, les fonctionnaires et experts qui sont intervenus sur ce navire à Fort de France, n’ont jamais souffert à ma connaissance de quelconques problèmes après avoir, sans être averti du passé de ce navire, travaillé à nettoyer les cales non ventilées, et ce durant plusieurs semaines.
La décision d’immerger ce navire a été prise par le Préfet en étant guidée par le principe du choix entre le mal et le pire.
Le pire aurait été effectivement de ne rien faire, à savoir de laisser le navire couler dans notre Port, occasionnant un préjudice économique très lourd, dont par exemple l’empêchement pour les navires de croisières d’accoster au Quai des Tourelles, récemment rénové à grand frais afin d’accompagner la timide reprise d’intérêt pour notre destination.
Pour ceux qui prennent des positions sans se renseigner:
ce navire était sous perfusion, pompé en permanence depuis plusieurs semaines à grand frais, risquant de sombrer dès que les pompes s’arrêteraient de fonctionner, par décision de l’euthanasier …. ou plus simplement du fait d’une panne d’une des rares pompes disponibles en Martinique.
Il était impossible de le remorquer en haute mer, ceci du fait de l’état de sa structure, sans parler des fuites déjà repérées ; l’argumentation consistant à dire que puisqu’il a pu être remorqué au large est la preuve qu’il pouvait subir un remorquage hauturier ne tenant pas car ceci a été réalisé à très faible allure, par « calmi siré ».
il était impossible de le faire rentrer au Bassin de Radoub sans aggraver les risques déjà importants : cette hypothèse a fait l’objet d’une étude poussée, suite à l’insistance de la Préfecture pour tenter cette manœuvre vu l’état du navire, mais a été écartée par tous les professionnels praticiens consultés (pilotes, commandants des remorqueurs, expert maritime, Marine Nationale, Capitainerie du Port), qui ont tenté au cours d’une longue réunion organisée par le GPMM de trouver des moyens pour ce faire.
Toujours à l’attention de ceux qui se sont découverts experts maritimes à l’occasion de cette affaire, il faut leur rappeler un axiome de base: lorsqu’un navire est sur le point de couler, le choix doit être fait par son commandant soit de le couler au large, afin qu’il ne soit pas un danger à la navigation, soit de l’échouer volontairement en zone très proche, pour l’empêcher de sombrer (exemple du Costa Concordia).
Au cas où la décision d’échouage aurait été prise, on peut imaginer les conséquences pour notre environnement : la zone très proche ne pouvant être que celle de la baie de Fort de France, le Cosette serait aujourd’hui une épave, de plus visible pour les passagers des avions, rejoignant les carcasses du Lady Grace échoué à la Pointe des Carrières depuis la tempête Marylin et du Calypso II, échoué à l’anse Colas depuis des dizaines d’années.
La création d’une filière de démantèlement sur place des navires à partir de ce navire était particulièrement intéressante ; cependant cette option s’est heurtée au fait qu’il n’y a pas de lieu désigné en Martinique pour ce faire autre que le Bassin de Radoub, les entreprises y travaillant (peinture, sablage, travaux mécaniques maritimes) et ayant développé une réputation de savoir-faire et une clientèle internationale désormais régulière, ne voulant perdre leur seul outil de travail. Ne faut-il pas peut-être commencer par les petites unités qui jonchent nos côtes dont le fameux Lady Grace, afin de roder le système et s’attaquer à un navire de la taille du Cosette ?
Oui, le navire contenait de l’amiante : là encore je suis tenté de répondre « ET ALORS ! ». Chacun sait que l’amiante n’est dangereux que lorsqu’il est inhalé, en suspension dans l’air. Par ailleurs, une rapide recherche sur internet permet de lire (site ceds.iisc) que « les fibres d’amiante sont insolubles en milieu aquatique ». N’est-ce pas mieux de savoir cet amiante que l’on sait non soluble, immergé à 3000 mètres de fond plutôt que de le savoir à l’air frais dans notre baie comme celui du « Lady Grace » ?
Il eût été dommage alors de consacrer le maigre budget de l’AEM (Action de l’État en Mer) à le renflouer. Ne vaut-t-il pas mieux conserver ce budget pour les vraies dépollutions à venir sur les prochains Cosette ?
Notre Port sera bien entendu à nouveau confronté dans le futur à d’autres situations similaires (saisies de navires par des créanciers, pour trafics illicites, navires en avaries, échouements, etc…), et pour lesquelles nous ne pouvons rien faire; c’est le lot de tous les ports que de lutter contre des navires ventouses.
Le problème du Cosette a tout simplement été dû à la lenteur, incroyable, de la justice. Les délais pris ont pénalisé tout le monde, à commencer par les créanciers, dont l’équipage pour ses salaires impayés. Cette lenteur a conduit à la détérioration du navire, ce dernier ayant entretemps été littéralement dévalisé et vandalisé par nos compatriotes, perdant toute valeur, ne permettant pas ainsi sa revente à la barre du Tribunal et le conduisant à passer au rang d’épave flottante.
Sé mésié, réfléchi avan zot palé, souplé,!
Jean Pierre PORRY- Société de Remorquage et d’Assistances Maritimes SAS.