Les professionnels de santé d’outre-mer alertent sur le fait qu’en cas d’aggravation, ils ne pourront pas transférer les malades vers d’autres départements.
L’épidémie de Covid-19 n’en est qu’à ses débuts en outre-mer, mais déjà les professionnels de santé et les politiques alertent sur une possible catastrophe sanitaire dans ces territoires qui ne pourront pas transférer leurs malades vers d’autres départements.
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L’inquiétude est forte à La Réunion et à Mayotte, passées au stade 2 de l’épidémie mardi ; les autres territoires ultramarins en sont encore au stade 1 et la métropole déjà au stade 3.La Réunion comptait 111 cas mercredi 25 mars, le plus souvent « importés » de métropole. Le territoire le plus peuplé d’outre-mer, avec près de 860 000 habitants, compte 112 lits de réanimation.
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Cette île de l’océan Indien est « loin de tout, avec une telle pauvreté, précarité, promiscuité et avec des comorbidités si nombreuses, une population si souvent cruellement démunie, que nous pouvons nous attendre à des taux de mortalité plus élevés que ceux en métropole », explique le docteur Kathia Cadinouche, généraliste et régulatrice au SAMU, s’exprimant au nom d’« un collectif informel de professionnels de terrain ».
« Nous sommes sur une île, loin de la métropole : quand nos moyens de prise en charge des cas sévères seront saturés, il n’y aura aucune possibilité de prise en charge alternative », ajoute le conseil départemental de l’ordre des médecins.
Face au système hospitalier défaillant des îles voisines, Madagascar, les Comores et même Mayotte, la seule évacuation sanitaire possible devra se faire vers l’Hexagone, à dix heures d’avion.
De plus, des masques FFP2, provenant du « stock régional » et livrés mardi par l’Agence régionale de santé (ARS) aux pharmaciens, se sont avérés moisis. L’ARS a recommandé mercredi leur destruction, et « 50 % d’entre eux seront remplacés dans les deux jours qui viennent ». « Chaque unité manquante de FFP2 sera compensée, au moment de la nouvelle distribution, par une unité de masque chirurgical, de façon à ce que chaque professionnel reçoive bien l’intégralité de sa dotation pour deux semaines d’usage », a précisé L’ARS.
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« En temps normal, on n’est pas assez »
Avec 35 cas, mercredi, Mayotte aussi s’attend au pire. « Ce n’est pas une vague qu’on attend, c’est un tsunami », alerte le député Les Républicains (LR) Mansour Kamardine, qui réclame un avion-cargo et le porte-hélicoptères Le Mistral avec ses 69 lits médicalisés. « Trois fois moins bien équipée que La Réunion par habitant, (…) Mayotte n’est pourvue que de 16 lits de réanimation » pour 256 000 habitants, déplore-t-il, alors que des soignants sont déjà infectés par le virus.
« Je crains de m’exposer et d’exposer mes patients », avoue Saïndou Allaoui, président du Syndicat national des infirmiers libéraux. « Tout le monde a peur, on n’est pas équipés, on n’a pas les moyens nécessaires. » Ousseni Balahachi, secrétaire général de l’UI-CFDT Mayotte et infirmier à l’hôpital de Mamoudzou, appelle à un « droit de retrait » du personnel hospitalier. « En temps normal, on n’est pas assez, on n’arrive pas à s’occuper de la population. Si tout le monde est contaminé, l’hôpital va fonctionner comment ? », demande-t-il, regrettant que « le matériel arrive au compte-gouttes ».
Un couvre-feu a été mis en place sur l’ensemble du territoire.
Couvre-feu jusqu’au 5 avril en Guyane
La Martinique et La Guadeloupe, aux populations majoritairement âgées, déplorent chacune leur premier mort du Covid-19.
La Guadeloupe compte, pour l’heure, 76 cas avérés, dont 7 en réanimation, et dispose d’une grosse cinquantaine de lits de réanimation. « On attend une vague, c’est sûr, mais on ne sait pas de quelle hauteur », explique à l’Agence France-Presse le professeur Michel Carles, chef de service de réanimation du CHU de Guadeloupe, lui-même testé positif, tout comme le directeur général de l’établissement. Pour Delphine Roux, infirmière libérale à Sainte-Anne, « l’anxiété monte (…). Nous n’avons plus de masque FFP2, plus de surblouse ».
En Martinique, où 66 cas sont enregistrés, « la situation sanitaire était déjà tendue avant l’arrivée du Covid-19, ce qui la rend d’autant plus démunie face à la prise en charge des cas graves », car « le nombre de lits en soin de réanimation est bien inférieur à la moyenne nationale », affirme un collectif du personnel hospitalier. Plusieurs médecins réclament la venue de médecins cubains.
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La Guyane, qui compte actuellement 27 cas, dispose, elle, de 11 à 13 lits de réanimation à l’hôpital de Cayenne, selon le syndicat UTG-Santé, le double, selon des sources hospitalières, pour 290 000 habitants. De plus, il y a « une pénurie chronique de professionnels de santé », témoigne une soignante, sous anonymat. « De nombreux médecins spécialistes exercent sur le territoire par un système de vacations. Insuffisants en temps normal, nous déplorons leur désistement pour les semaines à venir. »
Le préfet de Guyane a décidé de mettre l’ensemble du territoire sous couvre-feu de 21 heures à 5 heures du matin jusqu’au 15 avril, pour lutter contre la propagation du SARS-CoV-2.
source : LeMonde.fr avec AFP