Communiqué commun. Eclore, Gisti, Ligue des droits de l’Homme, Maison pour un développement solidaire, Open Society Justice Initiative, Pazapas, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature
L’Etat entend contester cinq arrêts de la cour d’Appel de Paris le condamnant pour « faute lourde ».
Le Premier ministre a décidé de contester les décisions de la Cour d’appel de Paris, condamnant l’Etat pour discrimination à l’encontre de cinq jeunes hommes contrôlés par la police sur la base de leur origine. Le pourvoi en cassation introduit par l’Etat reflète le choix inacceptable du gouvernement de laisser perdurer les contrôles dits « au faciès », au rebours des engagements du candidat Hollande.
Dans cette procédure en justice, où treize jeunes hommes se plaignaient de contrôles au faciès, l’Etat n’a reculé devant rien, allant jusqu’à prétendre que les règles d’égalité et de la non-discrimination ne s’appliquaient pas aux forces de l’ordre.
La cour n’a heureusement pas suivi cette défense absurde et a rappelé l’évidence : les actions policières doivent être menées dans le respect des principes de non discrimination. Dans cinq cas, la Cour a constaté l’existence d’un contrôle discriminatoire : ces décisions sont historiques.
Pour la première fois, l’Etat a été condamné par la justice pour des contrôles d’identité au faciès. La Cour a rappelé que l’État est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les discriminations, obligation qu’il n’a pas respectée. Elle a également considéré que l’absence de remise d’un récépissé après un contrôle d’identité empêche les victimes d’avoir un recours efficace en cas de discrimination ou d’abus et que le rôle de la police est d’exercer ses missions sur des bases objectives et non selon des critères ethniques ou physiques.
Cette position est également celle du Défenseur des droits qui a en effet affirmé, dans un avis de février 2015 et en soutien aux plaignants à la procédure, qu’il est nécessaire d’encadrer davantage les pratiques de contrôles, de sorte que tout contrôle soit basé sur des critères objectifs, et non sur le « ressenti » ou l’ « instinct » des agents trop souvent invoqués pour masquer des stéréotypes discriminatoires.
Plutôt que de contester des décisions qui le mettent en cause, le gouvernement devrait tirer les conséquences de ces décisions en introduisant un système de récépissé des contrôles et en modifiant le cadre législatif qui permet les contrôles (l’article 78-2 du Code de procédure pénale) afin d’autoriser uniquement des contrôles fondés sur des critères objectifs.
L’option prise par le gouvernement est d’autant plus choquante que la lutte contre le racisme est la grande cause nationale de 2015. Le Président de la République a ainsi rappelé dans son discours au camp des Milles (Bouches-du-Rhône) que « la République ne connaît pas de races ni de couleurs de peau […] Elle ne connaît pas de communautés. Elle ne connait que des citoyens libres et égaux en droit. Ce principe n’est pas négociable et ne le sera jamais ». Ce beau discours cache mal le cynisme d’un Etat qui reste dans le déni des contrôles au faciès en France.
Au-delà de leur impact dévastateur sur les personnes contrôlées, les contrôles au faciès contribuent à nourrir et renforcer les stéréotypes et les préjugés qu’une partie de la société peut avoir à l’égard de ceux qui en sont la cible. Comment combattre le racisme et les discriminations lorsque ce sont les représentants de l’Etat qui agissent sous l’influence de stéréotypes ?
Selon un de leurs avocats, maître Slim Ben Achour, « Les personnes à l’origine des dossiers judiciaires avaient donc raison : bien que personne n’ait rien à leur reprocher, elles sont bien considérées comme des citoyens de seconde zone ».
Les organisations signataires déplorent la décision de l’Etat de se pourvoir en cassation. Elles demandent au gouvernement de revoir sa position, et appellent les plus hautes autorités à mettre enfin un terme au scandale des contrôles au faciès.
Vendredi, 16 Octobre, 2015
Humanite.fr