— Le n° 366 de « Révolution Socialiste », journal du G.R.S. —
Lorsqu’une fraction du peuple engage une lutte légitime, le premier devoir est de se mettre de son côté. Nous reviendrons plus tard sur ce qui a rendu, et qui rend toujours, ce réflexe difficile pour certains, impossible pour d’autres.
Aujourd’hui, la jonction entre le RPPRAC et les organisations de luttes plus anciennes n’est pas parfaite, mais des actions parallèles, voire communes, rendent le débat plus aisé.
Au stade où nous sommes des négociations entre le RPPRAC et les autorités, deux sujets étroitement liés méritent d’être évoqués : la transparence et le contrôle.
Comment parler des « marges » de la grande distribution, des grossistes, des transporteurs, etc., sans avoir accès à leurs livres de compte ? Interpellée sur cette question par notre camarade Philippe Pierre-Charles lors d’un débat à Martinique la première, la patronne du Medef a répondu : secret des affaires.
Un secret si coriace que le dépôt de ces comptes au tribunal de commerce, pourtant obligatoire, n’est pas respecté chez nous ! Et cela n’a l’air d’émouvoir, ni le Préfet présent dans la table ronde, ni la très médiatique procureure de la république. Sans cette transparence, tout débat sur les marges, donc sur les prix et les salaires, relève de la farce. A fortiori, aucun contrôle d’aucun accord ne sera possible pour la population. Au moins en 2009, le Collectif du 5 février négociait le choix de 2500 produits, le niveau de la baisse, et se chargeait, avec ses propres brigades, de vérifier le respect de l’accord. (rien à voir avec l’observatoire des prix, inventé par l’État contre les accords de 2009, pour que la société civile donne un avis sur les accords entre l’État et la grande distribution.
La revendication du RPRAC de l’alignement des prix de tous les produits alimentaires sur les prix de France, laisse de côté (pour le moment, dit le RPPRAC) tous les produits non alimentaires, et ne fait pas de distinction entre ce qui relève de la « première nécessité », et le moins indispensable aussi bien dans l’alimentaire que dans le reste.
On relève la même lacune dans la question de l’octroi de mer. Refuser le principe de la péréquation (suppression de cette taxe pour les produits de première nécessité, augmentation pour les produits de luxe), c’est refuser de favoriser les moins fortuné·e·s au détriment des mieux loti·e·s. Il est d’ailleurs curieux qu’autour de la table, personne ne propose d’engager la lutte pour que l’État paye la dotation globale de fonctionnement qu’il doit aux collectivités, comme si c’était aux pauvres (car c’est sur elles et eux, que la charge de la consommation courante pèse le plus) de financer les besoins élémentaires des communes. Les taxes sur la consommation des biens indispensables constituent l’impôt le plus injuste, puisqu’il n’est pas proportionnel aux revenus et aux patrimoines. On sait que la TVA (Tout Va Augmenter) permet à l’État de prendre sur les ménages les cadeaux qu’il fait au grand capital. Si l’octroi de mer doit être défendu, c’est pour favoriser la production locale qui ne luttera jamais à armes égales avec les marchandises des multinationales. En bonne logique d’ailleurs, les sommes de l’octroi de mer devraient être consacrées prioritairement à la création d’emplois, au développement de l’agriculture paysanne, à la transition écologique.
L’argumentation la plus entendue pour faire payer l’État, est celle de la « continuité territoriale ». Pour Philippe Jock de la CCIM, mais aussi pour la grande distribution, voire même pour certains nationalistes, c’est la « voix royale » contre la vie chère et la misère. En réalité cet argument dont le relent assimilationniste est clair, revient à faire payer par le contribuable (des colonies et de France) ce qu’on n’ose faire payer aux multinationales privées du transport maritime et aérien. Les milliards de la CMA CGM, de Air France, de la grande distribution, sont bien au chaud. L’État paiera !
Ces exemples concrets nous montrent que pour résoudre les problèmes du plus grand nombre, il faut oser faire des brèches dans les règles du capitalisme, que certains considèrent intangibles.
Mais au nom de quoi les besoins sociaux, les intérêts collectifs, tout ce qui résulte du travail de toute la société, devraient dépendre des intérêts privés d’une petite poignée ? L’insolence de leurs profits face à la gêne générale, choque et provoque des réactions de détestation. Mais au lieu de détruire les symboles et les instruments de leurs fortunes, au lieu de mettre le feu à leurs parcs de véhicules ou à la fois au mobilier urbain et aux équipements collectifs qui servent à tout le monde, pourquoi ne pas exiger la réquisition de « leurs » entreprises qui ne sont ce qu’elles sont que grâce au travail des générations actuelles ou passées de leurs salarié-e-s ?
Au lieu de rêver de la fin de leurs monopoles (qui en système capitaliste se reconstitueront ou se transformeront en oligopoles (ententes entre larrons), pourquoi ne pas oser se battre pour le monopole du peuple ? Pourquoi ne pas commencer par la création d’une centrale publique d’achat mettant fin à leur droit absolu de définir ce que nous consommons et à quel prix ?
Beaucoup de beaux discours ont surgi à la faveur du mouvement, sur la nécessité de « repenser le modèle économique » sans suggérer le moindre commencement d’une démarche. Des mesures peuvent être prises, si l’on ose dire au peuple qu’il y a autre chose à faire que de se prosterner devant le dieu argent.
Comme en 59, DRS déwo !
Comme lors des trois nuits d’émeutes de Décembre 59, des détonations sourdes ont ponctué les nuits des 9, 10, et 11 octobre 2024. Cette fois, ce n’est pas seulement Fort–de–France qui s’embrase. Comme en 59, trois lettres sont sur toutes les lèvres : C R S.
Les provocations sont de même nature, mais la compréhension de leur caractère colonial est devenue une évidence largement partagée, dans un système à bout de souffle que le pouvoir colonial ne peut, ni ne veut comprendre.
Les forces progressistes, dans une situation qui impose à la population d’aller d’échaufourées en échauffourées, de recevoir gaz lacrymogènes ou pluie de flash–balls, et des confrontations majeures où le tribut le plus lourd est payé par le peuple, doivent prendre les choses en main.
La double urgence est d’arrêter le bras répressif du pouvoir en expulsant pour la deuxieme fois de notre l’histoire les CRS honnis, et d’imposer une vraie négociation sur la lutte contre la vie chère.