— Par Selim Lander —
C’est un programme plutôt hétéroclite qui nous était proposé ce vendredi 28 novembre pour l’un des derniers spectacles de l’Atrium, avant sa fusion avec le CMAC dans une entité nouvelle. Hétéroclite mais sympathique et l’on est sorti avec une impression favorable, le professionnalisme et la qualité de la deuxième partie ayant fait oublier le côté quelque peu amateur de la première. Deux morceaux donc, animés par une quinzaine de danseuses et danseurs chorégraphiés par Josiane Antourel. Aucun rapport possible entre ces Rituels vagabonds qui viennent en premier et se closent sur une évocation de la vie quotidienne aux Antilles antan lontan après avoir présenté sur un mode humoristique les tribulations des voyageurs aériens – et la Rhapsodie nègre qui suit, illustrant quelques étapes de l’histoire de l’esclavage depuis le rapt en Afrique jusqu’à l’abolition en passant par la traversée de l’Atlantique et l’existence des esclaves aux îles.
On peut passer sans s’arrêter sur les séquences « transport aérien » qui ne laisseront pas un souvenir impérissable. Le spectacle devient plus séduisant dans la séquence intitulée « An lakoua », en particulier la danse des tabourets, tout à fait charmante. Néanmoins, dans toute cette première partie, la chorégraphie demeure très élémentaire, tirant davantage vers le folklore que le contemporain, sans doute parce que la troupe au complet compte quelques danseurs insuffisamment aguerris. Pour une danse plus savante il faut attendre que commence Rhapsodie nègre, avec un effectif réduit de six danseurs maîtres de leur technique, menés par une Yna Boulangé au mieux de sa forme. Six plus un ou plutôt une car la comédienne Daniely Francisque, presque toujours en scène, bien sûr confinée à une gestuelle moins acrobatique, apporte à la pièce un contrepoint des plus gracieux (constat surprenant : elle semble de plus en plus ravissante au fil des années).
Manuel Césaire a écrit la musique de la Rhapsodie nègre, que l’on ne confondra pas avec la Rapsodie nègre (sans h) de Francis Poulenc (1917). La musique de M. Césaire, ample, lyrique et rythmée à la fois, fait penser à quelques-unes des meilleures comédies musicales ou à certains accompagnements de films américains. L’orchestre symphonique de la Martinique, qui a enregistré ce morceau sous la baguette du compositeur, s’avère sans reproche. La chorégraphie de Josiane Antourel est une traduction fidèle de la musique sans être servile. Les costumes de Sandra Saint-Louis ajoutent, dans la deuxième partie, une note entre réalisme et esthétique. Enfin, la projection sur un écran en fond de scène d’images floutées dans les tons sépia de trois Martiniquaises d’aujourd’hui, portant déjà le poids des ans, loin d’apparaître comme une concession à la mode renforcent la gravité de cette Rhapsodie nègre qu’on espère avoir l’occasion de revoir bientôt ici ou ailleurs.
À l’Atrium de Fort-de-France le 27 novembre 2014.