Conte 5
La grande sœur de Yasama était mariée depuis plus de huit ans dans un autre village.
Alors un jour, Yasama dit à ses parents qu’elle va rendre visite à sa grande soeur, car depuis qu’elle s’est mariée elle n’est plus revenue au village de ses parents pour leur rendre visite.
Alors Yasama a préparé le nécessaire comme le couscous de mil, le bouillon de pâte d’arachide etc.. pour elle et pour sa fille qui a l’âge de trois ans.
Tôt le matin Yasama et sa fille prennent la route pour se rendre chez la grande sœur.
Elles ont marché deux jours sur les chemins de brousse avant d’arriver chez la grande soeur, mais à l’entrée du village, Yasama vit qu’elle était très sale après deux jours de voyage .
Donc elle a décidé de se laver dans un marigot qui se trouvait à l’entrée du village de sa grande soeur. Yasama se déshabille, entre dans l’eau, commence à se laver et à laver sa fille qui est restée à ses côtés. Mais, contre toute attente l’eau engloutit Yasama et sa fille regarde impuissante sa maman disparaître . Alors elle se met à pleurer jusqu’à perdre sa voix.
Alors que fais-tu maintenant pour la petite fille?
Heureusement un chasseur passant par là voit la fillette au bord du marigot. Le chasseur n’est autre que le mari de la grande soeur de Yasama.
Il décide d’amener la fillette avec lui à la maison comme sa femme n’a pas eu d’enfant depuis qu’ils sont mariés.
Alors arrivé à la maison, il explique à sa femme comment il a trouvé la fillette au bord du marigot.
La grande soeur succède à Yasama en tant que maman de la petite fille.
Mais est-elle vraiment une maman ? Quand elle prépare le repas, elle met le repas de la petite fille dans la même écuelle que celle du gros chien noir.
Alors si la fille veut manger, le chien aboie, la petite doit se contenter de peu durant toute son enfance. Mais en grandissant elle prend conscience que la personne avec qui elle vit n’est personne d’autre que la grande soeur de sa mère.
Un jour elle commence à chanter:
Maman et moi avons marché, marché
Pour aller chez sa grande sœur
Au marigot l’eau a emporté Maman
Et le mari de grande sœur m’a trouvée
Au bord du marigot
A la maison de Grande Soeur
Je mange avec le chien
Et quand le chien aboie
Je retire ma main.
Chaque jour, elle chante ainsi. Et une vieille femme du village a bien écouté la chanson. Elle se décide à aller prévenir la mère adoptive et lui demande d’écouter la chanson de l’enfant. Donc la femme du chasseur va se cacher pour écouter la chanson de l’enfant et elle découvre alors que l’enfant qu’elle maltraite est la fille de sa propre sœur, noyée dans le marigot.
Alors elle court vers l’enfant pour la prendre dans ses bras mais celle-ci a refusé ses caresses.
Elle recherche les vieilles personnes pour se faire pardonner. Elles transmettent l’ancienne sagesse : « Il ne faut jamais maltraiter une personne, que tu la connaisses ou pas » . Dans nos coutumes, si tu peux aider quelqu’un , il faut l’aider. Si tu ne peux pas, ce n’est pas grave, mais il ne faut jamais souhaiter le mal .
Commentaire : C’est un conte tragique, très poignant quand est évoquée la souffrance de l’enfant : « Je mange avec le chien, et quand le chien aboie, je retire ma main » J’ai le sentiment que cette phrase n’a pas été inventée, qu’elle a été entendue. Combien d’enfants ont vécu la condition d’orphelins ? Il est frappant que deux contes évoquent ici cette problématique, un indice que cela a été ou est encore une condition fréquente. Voir le même thème chez les Frères Grimm !
Il y a assez souvent dans les contes un passage chanté : c’est le moment d’une émotion forte comme ici, ou d’une révélation ( dans « Les filles du village ») ou encore de l’expression d’un trait de caractère profond ( la ruse du lapin dans « L’hippopotame, l’éléphant et le lapin » )
Lire :« Contes Dogon », recueillis par Malick Guindo à Endé (Pays Dogon) Mali