Samedi 10 octobre 2020 à 20h – Salle Frantz Fanon
Congo Jazz band s’ouvre par le retour d’un voyage mouvementé à Kinshasa d’une troupe de musiciens. À leur retour, les musiciens doivent raconter, à un de leur collègue qui n’avait pu être du voyage, leur séjour mais aussi l’histoire du Congo qu’ils viennent de découvrir. Tout en évoquant l’histoire tragique du pays depuis son acquisition par le roi des Belges jusqu’à l’assassinat de Lumumba, les musiciens font voyager en même temps dans la mémoire musicale du pays.
Au Congo, la musique est aussi importante que le football au Brésil. Les chansons de Kabasele, auteur du mythique Cha Cha Cha l’indépendance, de Franco ou de Papa Wemba font partie de ce voyage.
Les évocations de l’histoire sont entrecoupées par des retours permanents au présent du Congo et de l’Afrique, cherchant toujours à voir quelles sont les incidences de ce passé tragique sur le quotidien dramatique des congolais et des africains aujourd’hui.
Congo Jazz band ne vise pas à être un cours d’histoire, au contraire, la pièce est une traversée en musique, un conte contemporain, tragique et drôle aussi, qui permet au public d’embarquer pour le Congo, et de découvrir sur place, c’est dire, au théâtre, comment et pourquoi ce pays si béni par les dieux est tombé à ce point aux mains des diables.
Note d’intention de Hassane Kassi Kouyaté
Après avoir mis en scène une quarantaine de spectacles aussi bien de textes classiques que contemporains, je me suis de plus en plus intéressé à la mise en scène de romans adaptés qui
racontent un pan de l’histoire de l’humanité.
Quand j’ai lu Congo, une histoire de David Van Reybrouk, ma curiosité s’est aiguisée davantage sur les mécanismes de la colonisation africaine. Il m’est devenu urgent de questionner ces mécanismes par le biais que je connais le plus, le théâtre.
J’ai demandé à Mohamed Kacimi de m’accompagner sur ce projet afin de mettre à profit son talent d’auteur et son savoir faire en matière d’écriture.
Je souhaite que ce spectacle soit un outil qui suscite la curiosité pour l’histoire de l’Afrique mais surtout un grand moment de théâtre.
Congo Jazz Band
Auteur(s) : Mohamed Kacimi Metteur(s) en scène : Hassane Kassi Kouyaté Acteur(s) : Alvie Bitemo, Abdon Fortuné, Kumbja Kaf, Dominique Larose, Marcel Mankita, Miss Nath, Criss Niangouna Intervenant(s) : Mohamed Kacimi, Hassane Kassi Kouyaté
Texte(s) : Congo Jazz Band
L’histoire déboulonnée du Congo
Congo Jazz Band de Mohamed Kacimi, dans la mise en scène d’Hassane Kassi Kouyaté, créée au Festival Les Zébrures d’Automne à Limoges, sonne comme une réponse éclatante à toutes les interrogations qui ressurgissent à l’occasion du débat sur l’histoire coloniale.
Dès les premières minutes, on est plongé au cœur Congo et ses des airs de rumba. “Le Congo, c’est hallucinant, vivant, tragique, comique” clament les six comédien.e.s-musicien.e.s qui pendant deux heures racontent l’histoire de leur pays dans une ambiance de cabaret, sur une scène ouverte de concert, dans une sorte de décor de show télévisé avec six praticables éclatés sur toute la largeur du plateau. En avancée, un large espace, permet de se focaliser sur les moments historiques magnifiquement décrits par la plume de Mohamed Kacimi.
Léopold II, le roi des belges veut “une colonie d’urgence”. Il mandate Henry Morton Stanley, journaliste et explorateur britannique pour faire le sale boulot. Pendant cinq ans, il est le représentant officiel de Léopold II au Congo. Son action permet au roi de devenir propriétaire du pays et de ses 2,5 millions de kilomètres carrés. Il réquisitionne les terres, pille les sols. Les militaires belges violent les femmes. “J’ai trop rêvé d’être le pharaon du Nil” dit Criss Niangouna qui endosse le personnage de Léopold II. Puis vient le temps de l’indépendance, et des cicatrices non refermées. Patrice Lumumba devient le premier Premier ministre de la République démocratique du Congo, il est assassiné, et le Congo sombre dans les années de dictature du régime Mobutu.
Il y a de la tragédie shakespearienne dans le texte de Mohamed Kacimi quand il décrit le couple Léopold II et sa femme Marie-Henriette de Habsbourg-Lorraine (même si elle est l’anti Lady Macbeth, consciente de la folie destructice et colonisatrice de son mari). Les deux artistes regardent l’histoire en face, sans préjugés, sans monter les uns contre les autres. L’écriture tout en finesse de Mohamed Kacimi dit les choses, frontalement. “Je rêve de créer un Etat nègre dirigé par les blancs” fait-il dire à Léopold II. Hassane Kassi Kouyaté répond à cela dans sa mise en scène par la musique orchestrée par les trois comédiennes-musiciennes, Alvi Bitemo, Dominique Larose et Miss Nath qui enflamment le plateau. Marcel Mankita, Criss Niangouna et Abdon Fortuné Koumbha racontent l’histoire de leur pays dans la tradition des griots, et s’emparent de ce drame avec une justesse de jeu incroyable. Hassane Kassi Kouyaté frappe un grand coup avec cette pièce qui n’épargne ni les européens, ni les dictateurs africains.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr