— Texte : Joséphine Lebard · Illustration : Stéphane Oiry,—
L’Éducation nationale aurait perdu le contact avec 5 à 8 % des élèves depuis le début du confinement. Dans les quartiers populaires, des adultes se démènent pour que les enfants ne décrochent pas. Enseignante, directrice, parent d’élève : La Croix L’Hebdo vous propose trois récits de combat de ces héros ordinaires. Pour que pas un élève ne manque.
L’Éducation nationale aurait perdu le contact avec 5 à 8 % des élèves depuis le début du confinement. Dans les quartiers populaires, des adultes se démènent pour que les enfants ne décrochent pas. Enseignante, directrice, parent d’élève : La Croix L’Hebdo vous propose trois récits de combat de ces héros ordinaires. Pour que pas un élève ne manque.
Anna, une prof au bout du fil
La sonnerie du portable retentit. Tout en décrochant, Anna (les prénoms ont été modifiés) jette un coup d’œil à l’heure : minuit et demi.
« Madame ? »
La voix au bout du fil n’a pas plus de 12 ans…
« Madame, c’est Djibril. Je voulais vous demander si je pouvais vous expliquer la photosynthèse… Voir si j’avais bien compris…
– Djibril ? Tu as vu l’heure ? Tu devrais être couché, là… Je te propose qu’on prenne rendez-vous demain pour en parler. Ça te va ?
– Ah oui… Pardon Madame… À demain alors ! »
Heureusement qu’Anna a un bon forfait téléphonique. Depuis le début du confinement, son portable est en surchauffe. Professeure principale d’une classe de cinquième dans un collège de Seine-Saint-Denis classé REP + (réseau d’éducation prioritaire), c’est par le téléphone que le lien s’est maintenu avec ses élèves.
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Le vendredi 13 mars, lendemain de l’annonce par Emmanuel Macron de la fermeture des établissements scolaires, elle n’a pas cours. Elle prend rapidement contact avec sa collègue professeure de français : « Tu laisses les élèves prendre les livres qu’ils veulent dans ma salle. » Depuis quelque temps, autant pour désengorger ses étagères que pour en faire profiter ses élèves, elle a en effet délocalisé une partie de sa bibliothèque personnelle au collège. Elle se doute bien que les médiathèques vont elles aussi bientôt fermer leurs portes, il est donc important que les enfants repartent avec des livres chez eux.
En REP +, elle a affaire à des élèves en grande difficulté sociale : des familles dans lesquelles le chômage fait des ravages, où il n’y a pas de travail, pas d’argent, où de grandes fratries se partagent de petits espaces. Persepolis, une monographie de Marc Chagall, un ouvrage sur les monstres… Les enfants emportent une petite dose d’évasion dans leur sac à dos.
Calmer l’angoisse des enfants
Dès le lundi, Anna se félicite d’avoir mis en place des groupes WhatsApp avec sa classe : il y en a un entre elles et ses élèves et un autre qui inclut les parents. En ce début de semaine, c’est déjà l’affolement. Les professeurs, pressés d’envoyer du travail, ont fait parvenir aux élèves des quantités colossales de devoirs. Avec en plus BFMTV qui tourne en boucle sur la télévision dans de nombreuses familles, l’anxiété est palpable au bout du fil. D’autant que certains ne sont pas équipés pour recevoir les devoirs envoyés par e-mail.
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