— Par Roland Tell —
Dans le fameux passage du Songe d’Athalie dans Racine, l’irréparable outrage de la vieillesse venait du mal privatif de la beauté, dont ne jouissait plus Jézabel, la mère d’Athalie. En fait, il s’agit de toutes ces bagatelles, dont on se peint, et s’orne le visage, afin de cacher son âge.
Selon l’Esprit Divin, au Livre de la Sagesse (4,12), « la fascination du superficiel et de la vanité obscurcissent les vrais biens. » Pourquoi me séduis-tu vainement ? » déclare Salomon dans l’Ecclésiaste (Qo2,2). « N’est-il pas meilleur d’aller à une maison de deuil, celle qui nous rappelle la fin de tous les hommes ? »
Cependant, Nathalie reste troublée par ce songe, où elle a vu sa mère, « comme au jour de sa mort, joyeusement parée. » Son cœur aveuglé l’empêche d’examiner et de juger son rêve, d’en considérer le dommage ou le profit, qu’elle peut en tirer. Elle a tranché, nous dit Racine : « C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit ! »
C’est donc vanité, inutilité, de s’attacher à tout ce qui fait la servitude des idoles, par exemple les voyages à Cuba, pour se plonger dans la jouissance des toxines botuliques, afin de rester jeune plus longtemps. Certes, la vanité prend de l’embonpoint, l’intelligence politique s’obscurcit des grimages, et autres maquillages, si fréquents en communication de masse. N’est-ce pas la phase où l’on semble s’éloigner, par illusion, des préoccupations populaires, suite à l’inclination, et à l’attachement au profit personnel ? Ne finit-on pas par se prendre au sérieux ?
N’ayant rien à projeter, ni rien à donner, comment faire pour ne pas dispenser autour de soi le désintérêt, la misère, le chômage, plaçant ainsi dans le seul mandat exécutif, sonnant et trébuchant, tous les soucis importants de la bonne gestion ? En ce cas, l’argent est devenu le dieu ! Ce type de communication de masse, du fait même de l’influence des médias, où les mots-clés sont opinion, productivité, porte-feuille, président, conseiller, s’oriente de lui-même vers la quantification sécurisante de soi, de son pouvoir, de son avenir, pour séduire toujours plus !
Tout le rôle du président-chef militant, et de ses acolytes, est de faire vivre à la politique un changement d’échelle, une communication de masse, en arguant d’une prétendue théorie du complot – interprétation quantitative et mécaniste, en vue d’aliénations citoyennes collectives, contre-révolutionnaires, pour ainsi passer du groupe des gouvernants, trop exposés, à la masse anonyme des gouvernés, consommateurs privilégiés des faits et méfaits de gouvernance. C’est traiter la Collectivité martiniquaise, comme une machine à intégrer, au mieux, les causes de l’échec de la gestion politique, par référence constante au passé. Selon eux, le désengagement, le détachement, des gestions antérieures, dont ils furent plus avant dans l’autre-fois, donne, selon eux, des sujets abordés, une connaissance plus claire, plus aboutie. L’exécutif, ainsi forcément « détaché » se veut à l’abri des préoccupations du moment, croyant ainsi recueillir une riche moisson électorale. Il ne souhaite surtout pas se retirer de la chaîne des responsabilités politiques, au point même de s’en faire prisonnier ! Ne le voit-on pas dans le conflit du TCSP, où le pouvoir actuel cherche à se dégager, s’en faisant presque l’esclave de la « profitation », bien évidemment sans esprit de propriété. La gouvernance actuelle, détachée de tout, notamment par l’alliance-alibi, qui diverge de tout, même de l’histoire des idées, mène un jeu de dupes, où l’on remet la carte dans le jeu, après l’avoir tirée ! Cependant, le temps passant, les échéances s’imposant, le peuple unanime, en ce mercredi des cendres, par Vaval interposé, bientôt réduit en cendres du passé, de la mort, de l’avenir, va se dresser, face à la gouvernance, en partie consumée, pour demander des comptes, et racheter le temps ! Cela suppose évidemment le recours à un contexte d’évolution, comme après le Songe d’Athalie. Comment réparer, des années de gouvernance vécues, l’irréparable outrage de l’inaction politique ? Comment mettre en oeuvre l’analyse, largement exprimée, des besoins collectifs du peuple martiniquais ? Quels délais pour la résolution des problèmes identifiés ? Projection particulière, enfin, sur l’âge avancé des présidents, de certains conseillers importants, qu’il importe de régler, nonobstant la cumulation cyclique du thermostat, à brûleur idéologique désormais éteint, du fait de l’alliance, s’agissant du poids des ans, où la tentation reste grande d’imposer de vieux rêves, tel un certain « Songe du 15 Décembre 2015 », dans une récriture soudaine de nouvelles situations historiques, où le peuple martiniquais dit enfin, dès ce mercredi des cendres : « A quoi bon chercher encore à séduire vainement par vos idées surannées, et votre quatrième âge, qui dispensent déjà, ici-bas, en Martinique, le désespoir des jeunes sans travail, et la mort des vieux sans sépulture.
ROLAND TELL