— Par Jean-Marie Nol, Economiste financier —
Privilégiés hier avec la départementalisation et condamnés aujourd’hui avec la globalisation de l’économie , les enfants de la classe moyenne en Guadeloupe et Martinique vont bientôt connaître les difficultés des périphéries les plus déshéritées de la société française (pauvreté, exclusion, relégation…). Et cette situation dissimule un cruel déficit d’avenir pour nos pays . Tandis que nous nous inquiétons de ses marges, c’est peut-être en son cœur (la jeunesse ) que la société Antillaise se désagrège.
L’économie réelle se détériore tant en Guadeloupe qu’en Martinique , les principaux indicateurs s’il ne sont pas encore au rouge ne sont plus au vert, et nous nous dirigeons vers une nouvelle récession en 2017 après la présidentielle, il semble y avoir très peu d’inquiétude dans la population en général par rapport ce qui se passe et à la situation actuelle de la France.
Le Président de la République et les médias traditionnels nous assurent que tout est sous contrôle et que la France va mieux …. Mais dans l’ombre, les problèmes menacent.
Une nouvelle crise financière a déjà commencé, et elle va s’intensifier à mesure que nous nous dirigeons vers 2017. ainsi lors du congrès de l’Association des maires de France (AMF) , les maires de Guadeloupe et de Martinique dressent un tableau très sombre des années 2015 et 2016 sur le plan financier : Recul historique des investissements, baisse des dotations et hausse des impôts, impact des normes et des revalorisations salariales De quoi dresser un bilan pessimiste, voire alarmiste, en comparaison des dernières analyses de Bercy mais aussi, et c’est moins habituel, de la dernière note de conjoncture de l’ IEDOM.; L’indicateur du climat des affaires (ICA) diminue en Guadeloupe au premier trimestre 2016 (-7,6 points). Après s’être stabilisé au dernier trimestre 2015, il passe en dessous de sa moyenne de longue période pour la première fois depuis fin 2014, pour s’établir à 97,1 points. Cette évolution s’explique en partie par l’appréciation négative portée par les chefs d’entreprise sur le trimestre écoulé, l’ensemble des soldes d’opinion étant orienté à la baisse. Les anticipations pessimistes des professionnels sur le trimestre à venir contribuent également à la détérioration de l’indicateur. Ainsi à l’exception de l’industrie, tous les secteurs anticipent des difficultés croissantes (+6,5 points par rapport à 2015).
Pour ce qui concerne la Martinique , bien que l’opinion des chefs d’entreprise concernant l’activité,la trésorerie et les délais de paiement sur le trimestre écoulé est favorable , les anticipations pour le trimestre à venir sont défavorables pour la plupart des soldes d’opinion, ce qui compense la bonne appréciation portée sur le trimestre écoulé. Les professionnels sont en revanche plus pessimistes pour le deuxième trimestre 2016. Redoutant une contraction de l’activité, ils prévoient une dégradation de l’ensemble des indicateurs à l’exception, paradoxalement, de celui portant sur les effectifs.
Aujourd’hui, en Guadeloupe et Martinique ce sont les jeunes qui sont pauvres !
Aujourd’hui, seuls 0,1% des 20-25 ans et 15% des 40-45 ans ont les moyens d’acheter un bien en Guadeloupe et Martinique . Les prix y ont augmenté de près de 100% en vingt ans, selon l’indice Notaires-Insee. Pendant ce temps, les propriétaires, et en particulier les baby-boomers et retraités, voient leur patrimoine foncier grandir et gagner en valeur.
Il faut aujourd’hui compter en moyenne dix ans de salaire annuel brut pour acheter un logement de 70 mètres carrés dans nos pays. Un investissement trop coûteux qui a des conséquences sociales. Avec l’envolée des prix depuis 2000, les jeunes ont de plus en plus de mal à acheter un bien, et en matière d’immobilier, l’écart entre générations se creuse. la Martinique est le pays d’outre-mer où se loger coûte le plus cher proportionnellement aux revenus des habitants.
Accès à la propriété : mission impossible en Guadeloupe et Martinique pour les jeunes ménages
En Guadeloupe et Martinique , depuis la fin des années 1980, l’accès à la propriété s’est détérioré pour les plus modestes, mais s’est amélioré pour les plus aisés.Déjà difficile pour les 35 / 45 ans, l’accession à la propriété est une mission presque impossible pour les jeunes ménages .Pour devenir propriétaires, les jeunes devront franchir quelques obstacles . Selon nous , le principal frein à la réalisation de leur projet, dans 70 % des cas, est une mise de fonds initiale insuffisante. Parmi les questions concernant les principales raisons qui retardent leur projet, outre le problème d’insuffisance de leur mise de fonds, on retrouve, dans l’ordre : le prix des habitations, l’insuffisance de revenus ainsi que l’instabilité de leur situation personnelle.
Si en 1973, les jeunes ménages (25 ans-44 ans) les plus modestes étaient 34 % à être propriétaires de leur logement, ils n’étaient plus que 16 % en 2013. Le taux de propriétaires parmi les plus aisés est quant à lui passé de 43 % en 1973 à 66 % en 2013. Le nombre de jeunes ménages qui accèdent à la propriété recule de manière «particulièrement rapide» malgré des conditions de crédit «excellentes», en raison de la «dégradation économique générale» et du moindre nombre de prêts à taux zéro (PTZ) distribués, selon l’Observatoire Crédit Logement CSA. Les taux des crédits immobiliers sont au plus bas à l’heure actuelle : à 2,80% en moyenne en juin, ils ont perdu 28 points de base depuis décembre, et n’étaient jamais descendus «aussi bas, pendant aussi longtemps», depuis la fin des années 40.
Evidemment, l’accès à la propriété dépend du niveau de vie des ménages et de leur capacité d’épargne. Le doublement des prix de l’immobilier entre 1996 et 2015 a aussi freiné l’accès au marché des jeunes ménages.
Dans ce contexte, un jeune ménage devrait économiser pendant plus de 10 ans pour mettre de côté la mise de fonds minimale (apport personnel ) pour accéder à la propriété d’un logement.Il va être de plus en plus difficile de devenir propriétaire pour les jeunes . Selon une étude du syndicat des notaires de Guadeloupe , accéder à la propriété est désormais réservé à une petite partie des Guadeloupéens . Les ménages souhaitant acquérir un bien immobilier doivent dorénavant gagner plus de 5 000 euros net par mois et disposer de 60 000 euros d’apport personnel. Le montant de l’apport personnel dans l’acquisition d’un bien pour un ménage acheteur de son logement s’élevait seulement à 25 000 euros en 2005, précise l’étude qui met donc en exergue le doublement de cet apport en seulement 7 ans. « En 2000, un jeune couple pouvait se payer un petit studio, les mêmes aujourd’hui n’ont plus les moyens d’accéder à la propriété », confirme Maitre Tantin Notaire à Pointe à Pitre .Avec un revenu moyen de 5 000 euros par mois minimum et 60 000 euros d’apport pour pouvoir acheter son logement, peu nombreux sont les Guadeloupéens qui peuvent se présenter devant leur banquier. Résultat, l’âge moyen des acquéreurs est aujourd’hui de 44 ans. Des chiffres qui témoignent de l’impact de la hausse des prix des logements en Guadeloupe . Autre chiffre qui traduit cette élévation de l’âge des acheteurs, 80% des ménages acquéreurs ont, en moyenne, plus de 40 ans , selon les données publiés par Meilleurtaux.Com
Ça signifie que les jeunes se qualifient pour des emprunts hypothécaires moins élevés et ils doivent choisir des maisons moins grandes, ou encore plus éloignées des grands centres comme la conurbation de Fort de France ou allant de Baie – Mahault à Gosier en Guadeloupe.
Pour l’économiste Hakim El Karoui, auteur de La Lutte des âges (éd. Flammarion), « nous vivons encore avec l’idée selon laquelle les seniors, les retraités, sont plus touchés par la pauvreté. Bien sûr, les petites retraites sont encore une réalité. Mais en comparant la situation d’aujourd’hui avec celle d’il y a trente ans, on se rend compte que la pauvreté a changé de camp.
C’est la guerre des âges, la lutte des générations. Aux seniors le patrimoine et les emplois stables, aux jeunes la précarité…Alors que les retraités ont désormais un niveau de vie supérieur à celui des actifs, les jeunes voient l’évolution de leurs revenus stagner, voire reculer par rapport aux générations précédentes. Le taux de chômage des 15-24 ans frôle les 65%, et l’écart de salaire entre jeunes et seniors a doublé en cinquante ans. Les inégalités entre les jeunes et les seniors n’ont jamais été aussi criantes. Alors que les retraités ont désormais un niveau de vie supérieur à celui des actifs, les jeunes voient l’évolution de leurs revenus stagner, voire reculer par rapport aux générations précédentes. Dans les domaines de l’emploi et de l’immobilier, la génération des baby-boomers de la départementalisation a été privilégiée , c’est maintenant virtuellement terminé !
La Guadeloupe de 2016 : Une fabrique à chômeurs et à délinquance ?
La Martinique de 2016 comparé à une machine à fabriquer de la croissance en Outre-Mer , mais pourtant une invitation à l’exil des jeunes !
La Guadeloupe ,c’est l’exception française. L’emploi a repris partout en Europe, sauf en Guadeloupe. Voilà quarante ans que notre pays vit avec un chômage de masse. Voilà quarante ans que toutes les mesures gouvernementales sont inefficaces pour combattre cette souffrance humaine et sociale ! Les jeunes Guadeloupéens, même les plus diplômés, voient les portes se fermer sur le marché du travail. A l’étranger notamment au Canada , ils trouvent un emploi à la hauteur de leurs compétences. L’exil est-il la seule solution ?
Secret ou avoué, calculé ou simplement rêvé, l’objectif de la plupart des guadeloupéens et martiniquais est de voir leurs enfants atteindre une position sociale équivalente, sinon supérieure à la leur. Si évident et commun qu’il paraisse, l’enjeu revêt cependant une signification historique particulière à bien des égards dans les familles . Aujourd’hui peut-être plus encore qu’hier, la peur du déclassement, voire le « spectre » de la délinquance des enfants , doivent hanter les Guadeloupéens et Martiniquais qui sont pour beaucoup encore loin d’être conscients des enjeux actuels de l’insertion dans un monde globalisé .Dans ce contexte , il convient de commencer par la concentration des efforts et des moyens par la région et la CTM , aussi bien sur le plan social qu’éducatif.
Si la plupart des Guadeloupéens et Martiniquais souhaitent aujourd’hui que leurs enfants échappent au chômage , ils doivent s’investir plus pour espérer qu’ils réussissent leurs études et trouvent un emploi qui leur plaira .D’abord, à l’échelle de l’actuelle génération,il faut que le niveau scolaire moyen des jeunes aux Antilles monte et vite , et les jeunes doivent rester à l’école plus longtemps et décrocher beaucoup moins , il en va de l’avenir de cette génération !Ensuite , les parents doivent s’inquiéter de la scolarité de leurs enfants beaucoup plus que par le passé en les motivant au maximun sur la réussite scolaire ? Et se demandez quels sont les métiers d’avenir qui les épargneront du chômage , et pour ce faire en accordant une plus grande importance à l’orientation ?
Enjeu incontournable pour l’avenir de la jeune génération , la prolongation des études s’inscrit dans une dynamique intergénérationnelle : Mais si les diplômes sont de plus en plus nécessaires pour garantir une bonne insertion, ils sont aussi de moins en moins suffisants, ce qui doit conduire les parents et les enseignants de Guadeloupe et Martinique à s’investir dans les stratégies de réussite et d’accès à l’emploi des enfants. Les jeunes Antillais , notamment ceux de la classe moyenne, n’ont pas le choix : ils doivent réussir à l’école et accéder ainsi aux études d’excellence en plus grand nombre , et je dirais même plus aux grandes écoles .
Le coeur de la société Antillaise se désagrège . Même si la notion de « déclassement » des classes moyennes, très en vogue ces dernières années, est âprement débattue parmi les chercheurs, une chose est sûre, cependant : en période de crise et de chômage, le diplôme protège – de plus en plus en réalité.
Les jeunes de Guadeloupe et Martinique ont besoin de perspective et de travail. La Guadeloupe doit absolument relancer son économie en se dotant d’un nouveau modèle économique et social ,et la Martinique produire de la richesse pour casser le désœuvrement d’une partie de la jeunesse qui conduit à la délinquance et préparer l’avenir du pays qui sera bientôt confronté à des enjeux redoutables comme celui du numérique .
Dans un climat social plus que tendu en France depuis quelques jours avec les réactions de mécontentement voire de rejet de la loi El Khomri , nous avons souhaité connaitre les raisons qui font que ce texte est la goutte d’eau qui fait enrager les jeunes. Peut-t-on imaginer que ceux qui manifestent sont les vrais précarisés ? Si la précarité est une réalité, ceux qui font des études supérieures ont de grandes chances de finir par y échapper. Pas les autres…! La génération actuelle de jeunes en Guadeloupe est-elle la génération sacrifiée ? Alors que leurs parents ont connu l’âge d’or, celui des CDI et de l’immobilier pas cher, les jeunes sont confrontés à davantage de précarité. En effet, nombre de jeunes décrochent des CDD ou des petits contrats alors qu’au même âge leurs parents avaient déjà un CDI. En 1975, l’âge du premier emploi stable était d’ailleurs de 20 ans contre 28 ans aujourd’hui. Avec une situation économique qui ne cesse de se dégrader depuis la crise de 2009, notre modèle de société s’essouffle. En France,comme en Guadeloupe , c’est désormais la méritocratie scolaire qui prédomine de plus en plus : ceux qui méritent d’avoir les meilleures places sont ceux qui réussissent à l’école. Il existe toujours une méfiance de la réussite par l’argent : pour nous en Guadeloupe , nous n’avons pas le choix , il faut monter dans l’échelle sociale par le diplôme. C’est et ce sera de plus en plus le critère le plus pur de la réussite personnelle ,et même cet aspect du diplôme comporte des limites , car il y aura de moins en moins d’emplois à forte rémunération pour que les jeunes diplômés puissent être indépendants financièrement en sortant de la fac. Un diplôme de l’université vaut aujourd’hui autant sur le marché du travail que ce que valait autrefois le bac. La pression est encore plus forte pour que les enfants fassent des études, et cette pression rend le parcours universitaire plus compétitif. Notre économie stagnante n’a plus autant de postes à offrir aux jeunes diplômés.
En France, 25% des moins de 26 ans sont au chômage et le taux grimpe à 45% pour les personnes non qualifiées. Alors je vous laisse estimer le taux que cela peut représenter chez les jeunes qui sont d’origine antillaise ….. une sorte de double peine pour les jeunes sans qualification, Certes ,on peut affirmer que l’école en Guadeloupe et en Martinique a homogénéisé la population. Elle a aussi rapproché les filles et les garçons. Elle a donc bien été un facteur d’égalisation. Par contre, ces vingt dernières années, on a l’impression que rien ne bouge plus. La mobilité sociale a été très importante depuis la départementalisation . Au départ vers les années 50 , Il y avait peu de diplômés , puis au fur et mesure il y a eu alors une croissance des emplois qualifiés et même non qualifiés . L’école a du coup joué son rôle d’ascenseur social. Mais depuis, les jeunes sont davantage diplômés,et pourtant ils sont maintenant confrontés à un chômage de masse . Désormais , ils doivent faire face en en Martinique et plus encore en Guadeloupe à des places qui ne sont guère plus nombreuses que ce soit dans l’administration ou le privé . La compétition est donc plus dure car il y a plus de prétendants. Ceci explique pourquoi l’image de l’école ascenseur social semble bien écornée !
La mission de l’école va devoir se redéfinir, de plus en plus, par le développement des « compétences » et de l' »employabilité » et celle des parents est d’être les plus grands modèles d’identification pour l’enfant en transmettant le goût d’apprendre et en permettant la réhabilitation de la valeur travail pour endiguer autant que faire ce peut le phénomène de violence des jeunes .
La Martinique est encore relativement préservée ,mais la Guadeloupe va devoir vivre bon gré mal gré avec la violence accrue des jeunes ,car nous considérons le phénomène irréversible !
Nous sommes, et c’est vrai, déroutés par les manifestations multiples de la violence de nos jeunes et trop souvent nos procédures ne répondent pas.
L’Etat et les élus semblent impuissants à endiguer le phénomène exponentiel de violence en guadeloupe . En réalité , selon nous , non pas qu’ils soient impuissants à régler le problème , ils en sont tout simplement incapables ! Pourquoi ? Tout simplement parce que le ver est dans le fruit !
Ce ne seront ni les gesticulations médiatiques des politiques, ni les pétitions puériles et manifestations stériles de syndicats de policiers demandant plus de moyens ( un faux problème si l’on considère que tous les meurtres et braquages enregistrés ces temps derniers en guadeloupe n’auraient en aucun cas pu être évité avec un surcroît d’effectif policiers ou de gendarmes ) , ni les interventions répétées des élus à l’assemblée nationale, qui régleront le problème de la violence sur le territoire de la guadeloupe . En résumé , malgré le renforcement attendu de plus d’effectif de policiers et gendarmes , les guadeloupéens devront apprendre tant bien que mal à vivre dans une société de plus en plus violente , et personne ne pourra en l’état actuel des choses rien y faire ! On ne peut être plus clair :Notre société se caractérise aujourd’hui par « plus de délinquance et plus de social » . En l’état actuel des choses ,et sans un changement de modèle économique et social , nous considérons le phénomène de violence des jeunes comme irréversible .
Jean-Marie Nol, Economiste financier