En commémoration des grandes marches républicaines de janvier 2015, l’Institut du monde arabe accueille Combo, street artist engagé.
En janvier dernier déjà, Combo avait donné rendez-vous aux Parisiens devant l’IMA afin de diffuser des centaines d’affiches portant le mot « Coexist » et prônant la paix et la tolérance entre les religions. Cette campagne s’inspirait de celle de l’artiste polonais Piotr Mlodozeniec, lancée en 2001 à Jérusalem. A la clé, une même volonté de résistance populaire et pacifique au joug de l’extrémisme religieux.
L’exposition présentée à l’IMA poursuit ce dialogue. En confrontant les images ou en les détournant, Combo interroge le spectateur sur des idées reçues qui mettent en péril le « vivre ensemble » et enveniment le débat sur la laïcité.
Peinture, dessin, photographie et installation constituent la matière de cette manifestation qui se déroulera également hors les murs : dans la rue, ainsi que dans l’atelier de l’artiste qui sera pour la première fois ouvert au public.
Linda N’Guyen, commissaire de l’exposition
Combo : ou l’art de détourner les icônes dans la rue
— Par Sabrina Silamo Publié le 07/01/2016 sur Télérama —
Il est l’auteur des affiches “CoeXisT”, sur lesquelles cohabitent un croissant, une étoile et une croix… Ce qui lui a valu d’être agressé peu après les attentats contre “Charlie Hebdo” et d’être exposé aujourd’hui à l’Institut du monde arabe. Ce fils d’un chrétien et d’une musulmane s’engage contre toutes formes de censure.
Trois lettres, un slogan, une agression… En janvier 2015, aux alentours de la porte Dorée, Combo, alias Combo Culture Kidnapper, colle une affiche comportant un croissant musulman en guise de C, une étoile de David pour le X et une croix chrétienne pour le T. Un message, qui symbolise les trois religions monothéistes et provoque la colère de quatre jeunes gens. Pourtant ce « CoeXisT », qui lui vaut huit jours d’incapacité totale de travail, Combo ne l’a pas créé. Popularisé notamment par U2 lors du Vertigo Tour, une décennie plus tôt, il est l’oeuvre d’un artiste polonais, Piotr Mlodozeniec, qui l’a conçu en référence au conflit israélo-palestinien. Combo, street artist engagé, pratique donc le recyclage militant à partir de lettres, mais aussi de bandes dessinées, de jeux vidéo, de peintures, de pochoirs ou de photographies. Autant de médiums qu’il a appris à maîtriser dans la très sélecte Villa Arson. C’est dans cette école d’art qui domine la baie des Anges qu’il a étudié, à plus de mille kilomètres d’Amiens, la ville de Picardie où il est né, en 1987, d’une mère marocaine musulmane et d’un père libanais chrétien.
De la pub au street art
Devenu directeur artistique, Combo prête son talent à une agence de pub parisienne. Mais en 2012, il décide de manier des slogans non plus pour enrichir McDo, Peugeot ou Canal+, mais pour lutter contre le racisme, l’injustice et toutes les formes de violences. Il descend dans la rue placarder des affiches d’hommes politiques aux masques de Rapetou, des poignées de mains historiques entre Pinocchio et des héritiers de la Révolution culturelle armés de sac Vuitton ou de téléphones mobiles… Car le terrain d’expression de Combo ne se limite pas à la capitale. Pour célébrer le premier anniversaire de l’accident de Fukushima, il s’introduit dans la zone interdite de Tchernobyl. Dans ce décor de film catastrophe, il colle les publicités des multinationales en faveur de l’industrie nucléaire (Areva, Tepco ou Suez) qu’il accompagne d’une affiche présentant la famille Simpson, tout sourire, sur fond de centrale. Quelques mois plus tard, il inonde les rues de Hongkong des pages Google censurées par le Parti communiste chinois : celles consacrées au Tibet, aux manifestations de la place Tian’anmen, à l’arrestation d’Ai Weiwei… Jusqu’en 2014, où il débarque à Beyrouth pour faire le « jih-art », autrement dit déjouer la propagande de Daech en détournant des images.
Graffiti, illustration, rap… Grems ne s’arrête jamais de travailler
Confronter les images pour combattre les idées reçues : telle est l’ambition de Combo, qui investit à partir du 7 janvier l’Institut du monde arabe, cette « maison reconnue pour son soutien à la diversité des cultures et des croyances », comme le précise Linda N’guyen, commissaire de l’exposition. Il y présente une cinquantaine d’oeuvres, conçues à partir de l’actualité, autour de la thématique du vivre-ensemble. Des oeuvres à l’image des affiches qui interpellent en anglais le passant parisien : « Savez-vous que les musulmans finissent leurs prières par amen, comme les juifs et les chrétiens ? » Simple mais efficace.