— Par Sabrina Solar —
Le Tribunal International du Droit de la Mer a rendu, mardi 21 mai 2024, une décision historique en faveur de plusieurs petits États insulaires. Ces nations, incluant Antigua-et-Barbuda, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Saint-Kitts-et-Nevis, et Sainte-Lucie, ont intenté une action en justice pour renforcer les obligations climatiques des États signataires de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (UNCLOS). Cette décision pourrait avoir des implications significatives pour les litiges climatiques futurs.
Une révision inédite de la pollution marine
La juridiction basée à Hambourg, en Allemagne, a statué que les émissions de gaz à effet de serre (GES) doivent être considérées comme une forme de pollution marine. Ce jugement s’appuie sur la définition de la pollution marine dans la Convention de l’ONU, qui inclut toute « introduction par l’homme, directement ou indirectement, de substances ou d’énergie dans le milieu marin (…) qui entraîne ou est susceptible d’entraîner des effets délétères ». Le tribunal a ainsi clarifié que les émissions de GES relèvent de cette définition, en raison de leurs effets sur le réchauffement climatique et l’acidification des océans.
Obligations des états pollueurs
La Cour a insisté sur l’obligation des États de « prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir, réduire et maîtriser la pollution marine due aux émissions anthropiques de gaz à effet de serre ». Cela inclut la réduction des émissions, la protection et la préservation de l’environnement marin contre les impacts du changement climatique, ainsi que la restauration des écosystèmes détruits. Les juges ont également souligné que ces actions doivent être basées sur les meilleures connaissances scientifiques disponibles et appliquées avec une grande diligence.
Répercussions et réactions
Bien que l’avis du tribunal soit consultatif et non contraignant, il influence la manière dont les tribunaux nationaux et la justice internationale interpréteront le traité. Cette décision est une victoire historique pour les petites nations insulaires, souvent les plus vulnérables aux effets du changement climatique. Le Premier ministre d’Antigua-et-Barbuda, Gaston Browne, a salué cette décision, déclarant que sans une action rapide, le changement climatique pourrait rendre les îles de leurs ancêtres inhabitables.
Les actions en justice climatique en expansion
Cette décision s’inscrit dans un contexte plus large de multiplication des actions en justice contre l’inaction climatique des gouvernements. La Cour internationale de justice (CIJ) examine actuellement une demande du Vanuatu pour clarifier les obligations des États en matière de changement climatique. De plus, en janvier 2023, la Colombie et le Chili ont sollicité un avis de la Cour interaméricaine des droits de l’Homme sur les obligations étatiques en matière de lutte contre l’urgence climatique, au regard du droit international des droits humains.
Un appel à une action renforcée
Les écosystèmes océaniques jouent un rôle crucial en absorbant une grande partie du dioxyde de carbone émis par les activités humaines et en produisant la moitié de l’oxygène que nous respirons. Toutefois, l’augmentation des émissions de GES réchauffe et acidifie les océans, menaçant gravement la vie marine et les écosystèmes. Les températures de surface des océans ont atteint des records mensuels en avril pour le treizième mois consécutif, selon le programme Copernicus de l’UE.
Un jalon important
La décision du Tribunal International du Droit de la Mer constitue un jalon important dans la reconnaissance juridique des effets du changement climatique. Elle pourrait influencer de manière significative les futures obligations des États en matière de protection de l’environnement marin et de lutte contre le réchauffement climatique. Les petits États insulaires, en obtenant ce jugement, montrent leur détermination à combattre pour leur survie face à une crise climatique mondiale.