Les 14, 15 & 16 juillet à 19h 30 à Tropiques-Atrium. Séances supplémentaires le 15 juillet à 16h (& le 16/07/23 à 16h30)
Gregory Maqoma revisite le Boléro de Ravel.
Figure de proue de la danse sud-africaine, Gregory Maqoma est de retour avec une pièce chorale qui réussit la symbiose de la voix et du corps. Et revisite avec neuf danseurs et quatre chanteurs l’un des chefs-d’œuvre du répertoire classique occidental.
La force vitale du chorégraphe lui permet d’aborder des thèmes douloureux sans pathos, mais avec une vigueur et une sensibilité incomparables. Les interprètes donnent corps à l’écriture poétique de Zakes Mda, passant de l’immobilité majestueuse à une énergie collective jusqu’à faire surgir des profondeurs le Boléro de Ravel. Compagnon de route de Sidi Larbi Cherkaoui, Akram Khan, Dada Masilo ou encore William Kentridge, Gregory Maqoma embrase la scène par son travail mélodique de la danse et sa vision opératique du groupe. Ici, avec les voix des chanteurs d’isicathamiya (chant a cappella provenant des Zoulous d’Afrique du Sud), il signe une épopée exaltante en forme de message d’espoir pour combattre la peur de la mort inhérente à l’humain.
D’abord un sanglot, qui bientôt se transforme en cri puis en mélopée. Ainsi commence, dans l’obscurité, la pièce du Sud-africain Gregory Maqoma donnée du 14 au 16 juin en ouverture du festival de Marseille. Soudain résonne la ligne percussive des premières mesures du Boléro, sur lequel se superposent des chants polyphoniques composés par Nhlanhla Mahlangu et interprétés a capella, en langues zoulou, xhosa et sotho, par quatre musiciens.
Vêtus de grises tenues androgynes, neuf danseurs hommes et femmes commencent à se mouvoir à l’unisson, frappant des pieds le sol et balançant les bras de part et d’autres du buste au son de la musique. Autour d’eux, des croix blanches installent un paysage désolé qui fait écho aux paroles hantées par la mort des mélodies.
Pour cette création, Maqoma s’est en effet inspiré des livres Cion et Ways of dying de l’écrivain Zakes Mda, épopées tragiques sur les esclaves en fuite. Il a transposé sur scène le personnage du Pleureur, réceptacle de toutes les douleurs contemporaines – conflits meurtriers, esclavage moderne, exil, immigration, Etats qui oppressent, corrompent ou tuent. Autant de drames que va suggérer successivement la scénographie de Cion : Le Requiem du Boléro de Ravel, titre complet du spectacle. Dès les premières minutes, le chorégraphe superpose ainsi avec brio les couches de son millefeuille culturel : la musicalité des voix, expression première de la musique, une danse forte et incarnée qui puise son énergie au pantsula des ghettos noirs de Johannesburg, un texte brûlant pour dire les souffrances humaines, et liant le tout, ce chef-d’œuvre intemporel et universel qu’est le Boléro de Ravel.
Remarquons au passage combien il faut d’audace pour se mesurer à une partition qui depuis, un siècle a inspiré tant de chorégraphes. Et ajoutons immédiatement que Maqoma fait bien mieux que simplement réussir ce rite de passage. Sans doute parce que ce n’est pas pour lui un défi, mais juste une source d’inspiration parmi d’autres, il réussit à rendre à ce tube archi célèbre sa force renversante. Plus qu’une chorégraphie, sa pièce est de fait un opéra dansé où la transe ravélienne transposée en isicathamiya – le chant traditionnel zoulou – par le choeur Phuphuma Love Minus qui travaille aussi avec Robyn Orlin, accompagne et guide la révolte des corps.
Révolte, oui, car en dépit de la tonalité sombre de l’ensemble, les neuf interprètes portent aux cotés des quatre musiciens un message de lutte et d’espoir. Le frappé de pieds de la danse traditionnelle, motif récurrent de leur gestuelle, est aussi le signe de leur résistance à toutes les oppressions. Et l’hommage vibrant rendu, par ceux qui sont encore debout, à leurs frères tombés au champ d’honneur des crimes de l’humanité.
Isabelle Calabre
Vu le 16 juin 2019 au Théâtre de la Criée à Marseille.
Source : DanserCanalHistorique
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Gregory Maqoma
Interprète d’exception, pédagogue et auteur d’une danse vibrante et élégante, Gregory Maqoma est considéré comme l’un des artistes les plus talentueux de la nouvelle génération sud-africaine.
Né à Soweto à Johannesburg en 1973, son intérêt grandissant pour la danse à la fin des années 1980 est un moyen de s’évader dans un contexte politique de plus en plus tendu. Il intègre en 1990 le Moving into Dance, dont il deviendra Directeur artistique associé en 2002. Au cours de ses études à l’école bruxelloise PARTS dirigée par Anne Teresa de Keersmaeker, il fonde en 1999 sa compagnie, Vuyani Dance Theatre. Gregory Maqoma collabore avec des chorégraphes de renom tels Akram Khan, Vincent Mantsoe, Faustin Linyekula, Dada Masilo, Shanell Winlock ou encore Sidi Larbi Cherkaoui.
Ses chorégraphies reçoivent plusieurs prix prestigieux, parmi lesquels FNB Vita Choreographer of the Year en 1999, 2001 et 2002 pour les pièces Rhythm 1.2.3, Rhythm Blues et Southern Comfort. Il reçoit le prix Standard Bank Young Artist Award for Dance en 2002, et compte parmi les finalistes pour le Chrysler Choreography Award en 2002 et pour le Rolex Mentorship Programme en 2003. Il reçoit en 2012 le Tunkie Award for Leadership in Dance, remis chaque année à un Sud-africain pour avoir contribué au niveau et à la visibilité de la danse en Afrique du Sud. En 2017, Maqoma est nommé Chevalier de L’Ordre des Arts et des Lettres par le gouvernement français.
Billet à 40 euros en vente à compter de ce jour 10h. sur data caraibes.com à Tropiques Atrium et au guichet du grand Carbet