Hervé Le Tellier, lauréat du Goncourt 2020, est président de l’OuLiPo, un atelier de littérature expérimentale dont l’objectif est de jouer avec les contraintes linguistiques et d’en inventer de nouvelles.
Lauréat du Goncourt 2020 pour L’Anomalie, Hervé Le Tellier a permis de mettre en lumière l’OuLiPo, un atelier de littérature expérimentale à l’illustre passé, dont il est le président. L’objectif de ce rendez-vous : s’amuser avec les contraintes linguistiques et littéraires pour proposer des textes amusants et innovants. Les papous dans la tête, l’émission culte de France Culture où l’on s’amusait à manier le langage sous la contrainte d’une règle, s’inspirait par ailleurs largement de ses principes fondateurs. Cinq choses à savoir sur ce groupe littéraire peu commun.
Il existe depuis 1960
A l’automne 1960, un petit groupe de « poètes scientifiques » se rassemble autour du poète Raymond Queneau et de son ami le mathématicien François Le Lionnais, sous le nom d' »OUvroir de LIttérature POtentielle » (OuLiPo), littéralement atelier pour fabriquer de la littérature.
Dès l’origine, le groupe rassemble des amis et critiques de Raymond Queneau. On y trouve soit des scientifiques passionnés de littérature, soit des écrivains.
Il lie la création littéraire aux mathématiques
Le projet : répertorier toutes les potentialités du langage explorées par la littérature et inventer de nouvelles structures, règles et formes en imposant des défis mathématiques à la langue.
Raymond Queneau définit d’ailleurs l’OuLiPo par ce qu’il n’est pas : ni « un mouvement littéraire« , ni « un séminaire scientifique« , ni, enfin, « de la littérature aléatoire« . Les Oulipiens sont des hommes et des femmes unis par l’amitié et par une même pratique des contraintes d’écriture, inspirées des mathématiques, de la versification et du jeu. Loin de bloquer l’imagination, ces contraintes la stimulent et favorisent le jaillissement d’une nouvelle littérature.
La « Bibliothèque oulipienne » consigne toutes ses recherches
Palindromes géants, haïkus de métro, tables de multiplication (Tables de nain) de Paul Fournel ou encore portrait en creux d’Etienne Lécroart : ces recherches sont publiées collectivement ou individuellement. Elles sont recensées dans plus de 220 fascicules de la « Bibliothèque oulipienne ».
Ses membres se réunissent dans la discrétion
L’OuLiPo, rapidement rattaché au Collège de Pataphysique, voulait même à l’origine rester une société secrète. Ses membres se retrouvent une fois par mois et travaillent dans la bonne humeur et dans une grande discrétion.
Marcel Duchamp rejoint le groupe en 1962. En 1966, Raymond Queneau demande au poète-mathématicien Jacques Roubaud de le rejoindre. Puis c’est au tour notamment de George Perec (1967), Marcel Bénabou et Luc Etienne (1970), Italo Calvino (1973), référence assumée de Le Tellier dans L’Anomalie, qui a rejoint les rangs en 1992. Le dernier entrant en date est l’écrivain espagnol Pablo Martin Sanchez, en 2014.
Il est à l’origine d’ouvrages emblématiques
« Si je n’étais pas membre de l’Oulipo, j’aurais écrit un roman très différent« , a affirmé Le Tellier le 30 novembre, premier écrivain du groupe à recevoir le prix Goncourt. La production des Oulipiens navigue entre sophistication et blague potache. Raymond Queneau, qui avait déjà écrit de 99 façons différentes la même histoire en 1947, publie en 1961 Cent mille milliards de poèmes, dans lequel chacune des strophes de dix sonnets se combine aux autres.
On trouve également La disparition (1969) de Georges Perec, un roman de plus de 300 pages sans qu’une seule fois apparaisse la lettre « e », la plus utilisée en français, et son complément, Les revenentes (1972) où le « e » est la seule voyelle présente.
Dans son roman protéiforme La Vie mode d’emploi (1978), qui se déroule dans un immeuble, Perec se fixe enfin comme contrainte de déplacer le lecteur dans l’immeuble en suivant les mouvements du cavalier sur un jeu d’échecs. Le « cheval » doit explorer les 100 cases de ce damier, sans jamais repasser par la même.
Source : France Info avec Agences