La Havane – Cinq ans après la mort de son « Lider maximo » Fidel Castro, le régime cubain se heurte à la révolte des « petits-enfants de la révolution » et d’une population en manque d’horizon lassée par la persistance des difficultés économiques.
Les images des millions de Cubains « reconnaissants » qui ont accompagné sur un parcours de 900 kilomètres sur l’île, entre La Havane à Santiago, les cendres du « Comandante » mort le 25 novembre 2016 à l’âge de 90 ans, sont désormais lointaines.
Malade, Fidel avait laissé les commandes à son frère Raul en 2006 après 47 ans de pouvoir. Ce dernier, après avoir engagé un processus d’ouverture économique, a ensuite cédé en 2018 les rênes de la présidence à Miguel Diaz-Canel, puis en 2021 le contrôle du Parti communiste cubain (PCC).
Mais jamais la révolution cubaine (1953-1959) n’a retrouvé de second souffle. Les « fils de la révolution« , qui avoisinent les 70 ans, sont à la retraite et les dirigeants « historiques » n’apparaissent plus que dans la rubrique nécrologique du journal Granma, l’organe officiel de communication du PCC.
Miguel Diaz-Canel est confronté au soulèvement d’une jeunesse, désormais dotée de la puissance des réseaux sociaux avec l’arrivée de l’internet mobile, qui réclame plus de liberté d’expression.
Car une nouvelle génération a fait irruption sur la scène politique après la mort de Fidel. Ce sont les « petits-enfants de la révolution« , âgés de 30 à 40 ans, qui représentent 13,5% des 11,2 millions d’habitants.
Ils réclament une représentation politique face au parti unique au pouvoir, la possibilité de s’accomplir individuellement, et n’adhèrent plus aux romantiques appels à la résistance face à l’impérialisme américain qui avaient ému leurs parents.
La nouvelle « variable » dans « ce contexte complexe a été la contestation sociale« , estime l’économiste cubain Pavel Vidal de l’université Javeriana de Colombie.
De nombreux « petits-enfants » se sont réunis dans le mouvement San Isidro, qui a conduit au rassemblement sans précédent devant le ministère de la Culture en novembre 2020.
Puis sont venues les manifestations de masse historiques du 11 juillet dernier, suivie d’une nouvelle tentative de rassemblement que les autorités sont parvenues à étouffer il y a 10 jours.
« Ma génération est assez proche de nos grands-parents pour comprendre leur histoire, mais assez éloignée historiquement pour ne pas être ancrée dans l’histoire et pouvoir penser à l’avenir« , dit à l’AFP Raul Prado, un photographe de 35 ans.
Utilisant la force de l’internet mobile qui n’a débarqué sur l’île qu’en 2018, la jeunesse cubaine voit le fossé la séparant de l’archaïque appareil idéologique officiel qui ressasse des slogans éculés.
« Ne trouvant pas d’espace politique dans notre pays et n’envisageant pas d’avenir possible, ils deviendront bientôt la génération des migrants« , prédit Raul Prado.
– « Pas les mêmes idées » –
Les difficiles conditions de vie sur l’île des Caraïbes ont accentué le sentiment de colère. « Ces cinq années ont été très compliquées pour l’économie« , déclare M. Vidal, rappelant la chute de 11% du PIB en 2020, la plus importante depuis 1993, et l’inflation galopante qui a entraîné pénuries de nourriture et de médicaments.
A cela s’ajoute « l’escalade des sanctions sous l’administration de (Donald) Trump qui se poursuit sous (Joe) Biden, l’impact de la crise infinie de l’économie vénézuélienne et la pandémie« , note l’universitaire.
Le gouvernement a tenté de réagir avec une réforme monétaire en janvier entraînant une hausse significative des revenus. Le salaire minimum est passé de 400 à 2.100 pesos cubains (de 17 à 87 dollars) mais la réforme a conduit à une augmentation incontrôlée des prix.
En 10 mois, l’inflation était de 60% sur le marché formel, mais sur le marché informel, elle a grimpé à 6.900%, selon les données officielles.
Le retour du tourisme, une fois la pandémie maîtrisée, est attendu avec grande impatience. L’augmentation du prix du nickel, une des exportations les plus importantes de Cuba, et la capacité de l’industrie pharmaceutique capable de produire et d’exporter des vaccins et des médicaments, sont les bouées de sauvetages espérées pour maintenir le pays à flots.
Mais pour Pavel Vidal, une embellie économique ne suffira pas tant que le gouvernement ne reconnaîtra pas qu' »une partie importante de la population ne partage pas les mêmes idées que le parti communiste« .
Source : AFP / L’Express