Cinéma japonais 12-18 « A Scene at the Sea » de Takeshi Kitano

Chef d’œuvre !

— Par Selim Lander —

Bis repetita placent. Comment se casser le nez deux fois de suite ? Par exemple en se présentant à la caisse des cinémas Madiana pour voir Invasion de Kyoshi Kurosawa. Mais peu importe, pour une fois, puisque ce fut l’occasion de revoir A Scene at the Sea, ce film de Kitano qui est un enchantement de bout en bout.

Ne surtout pas se fier au résumé dans le programme de l’Atrium, qui ne laisse rien entrevoir de la merveille qu’est ce film. Mais si je vous dis maintenant que A Scene at the Sea est centré sur deux sourds muets, qu’il est composé principalement de plans fixes, toujours les mêmes, présentant les mêmes personnages dans des poses identiques, que ces séquences répétitives sont tournées dans un Japon de banlieues grisâtres, que la mer elle-même est grisâtre comme le sable de la plage des surfeurs, vous me direz sans doute que je ne suis pas plus engageant que le programme. Vous n’auriez pas tort. Le fait est que par la magie du cinéma Kitano tire de tout cela un film lumineux.

Ils sont deux, pas un vrai couple de fiancés comme le dit le programme, deux enfants, l’un déjà un peu monté en graine et l’autre pas mais tous les deux encore dans l’innocence de l’enfance. Il est beau et bien bâti, sportif qui apprend tout seul à surfer dans un coin où les vagues, pourtant, ne sont guère propices. Elle, toute menue, a de grands yeux ouverts sur le monde. Lui aussi mais il se dépense davantage, pas dans son boulot d’éboueur mais dans le surf, sa passion découverte par hasard, juste parce qu’il a trouvé une planche cassée au cours d’une tournée de ramassage.

Le film a beau être centré sur ce (faux) couple, il renferme d’autres personnages, des personnages à part entière même s’ils ne font pas grand-chose de plus que les deux protagonistes. La plupart d’entre eux sont assis sur la plage (de sable grisâtre) en attendant que se lève le vent (et les vagues).

A ce point, le critique ne peut que déclarer forfait et invoquer un miracle. Force est d’admettre qu’il y a des réalisateurs bénis des dieux, capables, parfois, de produire un chef d’œuvre à partir de rien, ou presque. Comment s’y prennent-ils ? Nous ne pouvons qu’invoquer l’intervention d’une puissance surnaturelle, tant ce genre d’entreprises est entouré d’écueils : facilité, complaisance, maniérisme, prétention, nombrilisme, suffisance, naïveté, ignorance et j’en passe.

A ce stade, donc, le critique est contraint de rendre les armes. Ce film est un petit chef d’œuvre sans qu’on sache pourquoi. On peut certes invoquer la musique, la bienveillance avec laquelle tous les personnages sont considérés, la pudeur des sentiments et des gestes, cela ne suffit pas à fournir une explication satisfaisante.

Courrez voir A Scene at the Sea, faites-vous votre propre opinion. Peut-être saurez-vous, vous, ce qui fait de ce « petit » film un chef d’œuvre.

 

Nouvelle représentation prévue lundi 17 à 19h30… à moins que, cette fois, Invasion