— Par Selim Lander —
Dans le panorama des cinémas du mode auquel nous convie régulièrement Steve Zebina, retour en ce mois de mai vers la Russie. Il est toujours surprenant de constater combien les cinémas nationaux gardent leur spécificité malgré la mondialisation culturelle. Le cinéma démontre en effet qu’il ne suffit pas d’avoir un Mac Do au coin de sa rue et des séries américaines au programme de la télé pour perdre totalement son âme. Cette résilience des identités nationales (ethniques, religieuses, …) est-elle un bien, un mal ? Un bien, sans doute, puisque la diversité est une richesse et un mal sans davantage de doute puisque les nations, ethnies, religions ne sont que trop portées à se faire la guerre.
Le cinéma russe contemporain affectionne les personnages déprimés qui cherchent à soigner leur chagrin dans les boissons fortes et les décors mélancoliques. Un homme au cerveau embrumé par l’alcool (vodka) qui erre dans la brume, voilà un personnage typique des films russes. Pour le cinéma sud-coréen, ce serait plutôt un homme au cerveau embrumé par l’alcool (de riz) qui déblatère dans une gargote. De fait Oleg, l’un des deux personnages principaux d’Arythmie, est un alcoolique compulsif, au grand dam de sa charmante épouse, Katya. Ils sont tous les deux de jeunes médecins urgentistes, lui dans un véhicule, copie conforme de nos propres fourgons des pompiers, elle à l’hôpital. La première scène – ils se sont tous les deux rendus à la campagne pour fêter l’anniversaire du père de la jeune femme – fait mal en raison du comportement d’Oleg qui ne cesse de boire et de se goinfrer tout au long d’un repas qui devrait être empreint de solennité. On a mal pour tous les convives obligés comme nous d’assister à cette scène dégradante et d’abord pour l’innocente Katya qui doit supporter la honte d’être affublée d’un tel mari. Aussi vit-on comme un soulagement quand elle lui envoie un texto lui annonçant leur divorce. Mais les choses ne seront pas aussi simples et l’on passera tout le film à se demander si elle sera ou non capable de se séparer de lui.
En dehors de ce suspense – dans lequel chacun prendra parti soit pour l’une qui devrait ficher l’autre dehors, soit pour l’un qui a bien raison de s’accrocher – le film vaut pour toutes les scènes d’intervention en urgence chez des particuliers passablement « pittoresques » (à se demander s’ils sont vraiment représentatifs du peuple russe), scènes dans lesquelles Oleg se révèle capable de sobriété et d’un diagnostic précis (deux bons points pour lui). Son infirmier, un colosse, est un élément apaisant pour les malades comme pour les spectateurs.
Le film est tourné dans une ville moyenne de Russie, sans charme particulier, avec les embouteillages de rigueur dans ce pays, lesquels, bien sûr, ne facilitent pas la tâche des urgentistes.
Arythmie de Boris Khlebnikov. Deuxième projection le 12 mai à 19h30 à Madiana.