Par Selim Lander. Almanya de Yasemin Sandereli
Un nouveau film sur l’immigration turque après Une seconde femme présenté en janvier. Il s’agit à nouveau d’une famille rassemblée autour de son patriarche, jusqu’à ce que la mort de ce dernier entraîne un certain nombre de bouleversements dans les relations entre les membres restants de la famille. Le cadre cependant n’est plus tout à fait le même, puisque nous ne sommes plus à Vienne mais quelque part en Allemagne. Le genre surtout est différent : Une seconde femme était une tragédie dont on ne sortait pas tout à fait indemne ; Almanya (Allemagne en turc) est une comédie où tout finit par s’arranger. Comme dans Les Bêtes du Sud sauvage, également projeté en janvier, les protagonistes d’Almanya sont vus le plus souvent à travers les yeux d’un enfant de six ans, ici un petit garçon prénommé Cenk, le benjamin de la famille, ce qui contribue évidemment à notre empathie.
Il n’y a rien de remarquable dans ce film en dehors de son point de vue résolument optimiste quant à la situation des immigrés turcs en Allemagne. On se souvient peut-être de l’enquête du journaliste Günter Wallraff qui s’était fait passé pour un Turc afin d’observer in situ la condition des immigrés. Le récit qu’il en a tiré révèle une réalité bien différente de celle du film (1). Pauvreté, racisme, les immigrés turcs ont dû batailler dur pour se faire une place au soleil de l’Allemagne. Tout cela est entièrement gommé dans Almanya. Comment le pater familias, paysan pauvre d’Anatolie a-t-il pu atteindre la prospérité qu’il démontre à la fin de sa vie, quelles épreuves a-t-il traversées ? Tel n’est absolument pas le propos d’un film qui s’emploie au contraire à présenter l’immigration sous le jour le plus positif possible. Y a-t-il une intention politique derrière Almanya ? Le réalisateur entend-il réconcilier l’Allemagne avec ses Turcs (et réciproquement) ? On peut d’autant plus le penser que Angela Merkel (ou plutôt sa silhouette) est convoquée in fine dans une cérémonie à la gloire des immigrés.
Le 15 et le 19 février 2013 à 18h30
Starbuck de Ken Scott
Aucun rapport, en dehors de son titre (au s final près), entre ce film et une chaîne de cafés bien connue, même s’il nous transporte en Amérique du Nord, plus précisément au Québec. Film francophone donc, néanmoins sous-titré chaque fois que le pittoresque langage de nos cousins canadiens s’éloigne trop de notre propre idiome. Starbuck a rencontré un grand succès et cela tient probablement autant au thème qu’à la manière foutraque dont c’est filmé, à l’instar d’ailleurs du personnage principal, un certain David Wosniack, qui fait office de chauffeur-livreur dans la boucherie de son père, un immigré polonais (décidément, on n’en sort pas !)
Le thème est celui de la PMA (2) – parfaitement d’actualité, donc, à l’heure où nous débattons sur le mariage « gay ». Des couples stériles ont eu recours à une banque de sperme. Notre héros, David, est l’un des « contributeurs » de cette banque. Et non un « donneur », puisqu’il se fait rémunérer – sa constante impécuniosité est d’ailleurs l’un des ressorts de l’intrigue. Son sperme a été utilisé maintes et maintes fois, si bien qu’il a « contribué » à la naissance de plus de cinq cents enfants. Lorsque ces derniers se regroupent et entament une procédure pour retrouver le père biologique, cela crée bien entendu chez ce dernier une certaine commotion. Un ami avocat (superbe personnage) l’aidera à se sortir de ce mauvais pas, sauf que… (la suite au cinéma).
Starbuck déborde de bons sentiments. C’est encore une comédie, sans les ambiguïtés du film précédent. Et s’il traîne un peu sur la fin, il reste de bout en bout éminemment sympathique.
Les 15, 16 et 19 février à 20h30
(1) Günter Wallraff, Tête de Turc, La Découverte, 1986. Florence Aubenas, plus récemment, a adopté la même démarche pour pénétrer le milieu des travailleurs précaires à Caen ; son reportage a été publié – Le Quai de Ouistreham, éd. de l’Olivier, 2010.
(2) La PMA, procréation médicalement assistée, qu’on ne confondra évidemment pas avec la GPA, gestation pour autrui.