Chlorpyrifos : les dangers ignorés d’un pesticide toxique

Associé notamment à des déficits de QI chez l’enfant, l’insecticide est toujours autorisé malgré des études scientifiques accablantes. Son processus de renouvellement dans l’UE arrive à son terme.

C’est une famille de pesticides qui vole en moyenne 2,5 points de quotient intellectuel (QI) à chaque enfant européen. Son principal représentant, comme beaucoup de produits chimiques, porte un nom compliqué qui lui garantit le confort d’un certain anonymat. Pourtant, il contamine notre vie quotidienne. D’abord pulvérisé sur les cultures pour éliminer pucerons ou chenilles, le chlorpyrifos poursuit son existence sous la forme de traces dans les oranges, les pommes, la laitue, l’urine des enfants et le cordon ombilical des femmes enceintes.

Au fil d’un demi-siècle de pulvérisation, les données scientifiques se sont accumulées sur les effets nocifs de cet insecticide. Censé remplacer le DDT et ses effets délétères en 1965, le produit de la firme américaine Dow endommage en fait le cerveau des enfants de manière irréversible.

Les éléments scientifiques sont désormais si accablants que, d’après les informations du Monde, la Commission européenne s’apprête à proposer son retrait du marché. Or, notre enquête démontre que les autorités ont mis près de vingt ans avant d’évaluer les données du fabricant. Des données qui, de plus, étaient erronées.

Huit pays européens n’autorisent pas, ou plus, le chlorpyrifos pour un usage agricole. Depuis 2016, la France ne permet plus qu’une exception pour les épinards. Mais l’exposition à l’insecticide ne s’arrête pas aux frontières : elle perdure par le biais des produits importés.
« Neurotoxique et perturbateur endocrinien »

« On peut se demander pourquoi il n’a pas déjà été interdit, déplore Barbara Demeneix, professeur de biologie au laboratoire Evolution des régulations endocriniennes (CNRS-Muséum national d’histoire naturelle) à Paris. Le chlorpyrifos est toxique pour le système nerveux central, c’est-à-dire neurotoxique, et c’est un perturbateur endocrinien qui agit notamment sur la signalisation thyroïdienne. Il peut donc interférer avec le développement du cerveau. »

Mises au point comme gaz innervants pendant la seconde guerre mondiale, les organophosphorés, dont fait partie le chlorpyrifos, ont ensuite été adaptés pour tuer les insectes à des doses plus économiques. Pour ce faire, ce dernier inhibe les circuits d’une enzyme qui dégrade un neurotransmetteur essentiel au bon fonctionnement du système nerveux central, l’acétylcholine. Or, de nombreux animaux sont également équipés de ce circuit. Parmi eux : les êtres humains.

A cela s’ajoute que l’insecticide est un perturbateur endocrinien qui interagit avec l’axe thyroïdien, comme l’a récemment démontré une équipe française. Or, les hormones thyroïdiennes jouent un rôle essentiel dans le développement du cerveau pendant la grossesse. Un déficit de ces hormones chez les mères peut entraîner des retards mentaux chez leurs enfants.

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