— Par Dominique Celma —
Au sujet du « Scandale du chlordécone » , nous avions besoin que soient apportés au débat, afin d’être éclairés, d’autres éléments de réflexion que ceux avancés par les associations et parties civiles. Il était temps que la justice s’exprime en donnant des réponses précises aux interrogations légitimes, à l’émoi, à la colère, exprimés ces dernières semaines et, afin d’éviter les actions inconsidérées qui ne peuvent plus être qualifiées d’actions militantes. L’interview du Procureur de la République donne des éléments précis sur la chronologie des faits mais aussi nous rappelle que nous sommes dans un état de droit. Le droit prime sur nos révoltes et frustrations.
Il serait nécessaire que l’information véhiculée par cette interview soit très largement lue et même l’objet d’étude par les jeunes au cours de leur formation. La primauté du droit, la vrai connaissance des faits historiques et leur chronologie, sont de plus en plus absentes dans nos prises de position. Il faudrait qu’on y revienne. Nous ordonnons notre société, l’histoire, le monde à partir de notre ressenti : la colère ou ce qui nous flatte devient le moteur de notre action. Là est le socle du populisme, nous avons vu ses effets dans le passé. Voulons nous remettre ca ?
Les actions pour porter le problème du chlordécone au devant de l’actualité sont malheureusement entachés par ce néo-militantisme. Etre de plus en plus nombreux à s’engager dans un combat dont on a pas une connaissance précise et participer à des actions d’intimidation, c’est glisser vers la déstabilisation de notre société. Ce dossier chlordécone ne nous fait il pas encore basculer, sans que la majorité d’entre nous s’en rende compte, vers une ère d’affrontement ?
Revenons sur la chronologie des faits.
Une première période de 1981 à 1993.
Le produit étant homologué est utilisé normalement jusqu’à ce que l’expérience vécue par des professionnels de l’agriculture, de la santé et des observateurs, révèlent sa nocivité . Sur le plan national l’usage en est interdit. Peut-on mettre en cause et condamner qui que ce soit pour avoir permis et utilisé le chlordécone durant cette période ? Avec l’expérience, chacun a assumé son devoir puisqu’on a abouti à cette interdiction.
Interrogeons nous sur ce qui s’est passé à partir du moment où le produit est interdit. Pour ceux qui se saisissent de cette affaire en faisant grand bruit en 2006 , seul l’Etat Français ( qui est le nôtre ) est responsable.
Il est questions de dérogations. Il faudrait savoir pourquoi elles ont été accordées et leur durée ?
Pour comprendre, il devient nécessaire de restituer les actions judicaires entreprises à partir de 2006 dans une chronologie plus anciennes. Ceci nous donnera une idée précise de ce qu’a été la situation en Martinique antérieurement à ce qui est devenu un scandale, nos sensibilités sur la question du chlordécone dès l’origine, nos opinions, nos choix et de ce fait notre part de responsabilité.
Objet de multiples discussions, puisqu’il y a eu interdiction du produit, il faudrait ressortir les documents d’actualités de la presse écrite, radio et audiovisuelle qui ont paru à l’époque et qui ont traité du sujet. Des discussions ont eu lieu au sein des chambres syndicales et aussi chez les professionnels de la santé. Une opposition, si elle s’est manifestée, a dû laisser son témoignage dans l’actualité.
Il ne faut pas oublier non plus qu’à partir de 1981, les gouvernements qui se succèdent, répondent à notre volonté d’être maître de notre destin. Nous ne voulons plus être soumis aux dictats qui viennent de Paris. On nous le reconnait : nous avons la possibilité de les étudier, de les amender, de les rejeter s’ils ne tiennent pas compte de nos spécificités. Au nom de nos spécificités nous sommes écoutés…
Que révèlent les archives de la presse écrite ou audiovisuelle sur cette période ? Qu’elles ont été les prises de position au niveau local ? Qu’en était-il de l’opposition à l’usage de ce produit toxique ?
L’heure devrait être au bilan positif de cette action conduite depuis 2006 en se défaisant des passions et frustrations. L’action des associations est indéniablement à l’origine des mesures prises par le où les gouvernements qui se sont succédés pour faire face aux problèmes présents et que nous laisse dans l’avenir ce produit toxique.
N’est il est pas plus utile et constructif de reconnaître que cette bataille a été gagnée au lieu de se cantonner dans une situation d’affrontement avec l’Etat Français dont nous faisons partie intégrante ?
La prescription ne peut être remise en cause même si une nouvelle loi venait à en changer les délais.
Maintenant que l’Etat a mis à notre disposition des moyens pour évaluer l’état de pollution de nos sols entre autres actions, la priorité ne devrait elle pas être à l’action de reconstruction et à la recherche de la stabilité au sein de notre société martiniquaise ???
Où veulent en venir ces leaders qui semblent, sur cette affaire comme sur d’autres fronts, vouloir en découdre et pas seulement avec l’Etat Français ? Comme beaucoup de mouvements légitimes ou non, leur stratégie finira par payer à la surprise de tous…
Dominique CELMA