— Par Pierre Alex Marie-Anne —
C’est l’impression , particulièrement désagréable ,ressentie à entendre les interventions officielles (celle du représentant de l’Etat en Martinique sur ATV le 9 Décembre dernier n’a pas dérogé à la règle) ayant suivi la présentation des conclusions du rapport, par ailleurs remarquable ,de la commission d’enquête parlementaire sur le chlordécone .
L’urgence absolue est ,ne nous y trompons pas , de rétablir au plus vite un minimum de confiance de nos compatriotes à l’égard de leurs dirigeants tant nationaux que locaux.
Les soubresauts auxquels notre société est désormais confrontée ,et qui risque si on n’y prend garde de faire voler en éclats toute notion de cohésion sociale et de solidarité ethnique, imposent d’agir sans tarder en posant des actes concrets et significatifs; l’Etat doit impérativement envoyer un signal fort montrant qu’il a compris la gravité et l’urgence de la situation.
A l’évidence cela ne pourra se faire en renvoyant les solutions ,comme il résulte des déclarations précédentes , à de lointains horizons : nouvelle études sur le lien cancer-chlordécone dont les résultats ne seront pas disponibles au mieux avant cinq ans, examen de plaintes éventuelles par la justice dont le rythme est tout sauf rapide ,ou encore ,c’est le bouquet ,la co-construction entre l’Etat et les responsables locaux ,(quand on connait la propension à la division de nos élus,cela promet !),d’un ambitieux plan chlordécone 4.
Il n’y a pas à tergiverser , il faut aller à l’essentiel ,l’eau dispensatrice de toute vie mais en l’occurrence de toute mort si sa contamination devait être avérée; il faut donc focaliser sur cet élément vital en levant en priorité le doute pesant sur sa potabilité.
Cela implique une triple action de la part de l’Etat ,principal responsable de la tragédie que nous subissons du fait qu’il a failli à sa mission première de protection sanitaire de la population: En premier lieu ,il doit cesser de barguigner sur la prise en charge par la sécurité sociale des tests individuels destinés à doser la présence éventuelle de la molécule toxique dans le sang de nos concitoyens;il ne doit pas hésiter ,si nécessaire ,à faire violence à l’Assemblée nationale pour qu’elle vote dans les mêmes termes l’amendement déjà adopté par le Sénat.
En second lieu, il doit mobiliser ses services pour lancer une vaste campagne de contrôle de la qualité de l’eau , à l’arrivée au robinet de l’abonné ; celui-ci est en droit d’exiger une eau potable ,exempte de tous pesticides, notamment de chlordécone ,à des taux anormalement élevés mettant en danger sa santé.
Enfin ,il lui appartient d’engager une « opération d’intérêt national » à double détente : en direction des distributeurs d’eau ,mis en demeure d’effectuer le recensement immédiat de l’état général de leur réseau en vue d’une mise en conformité obligatoire dans les plus brefs délais ; d’autre-part vis-à vis des maîtres d’ouvrages des stations de traitement d’eau pour les inciter à généraliser le procédé de filtrage par charbon actif , garantissant l’ épuration effective de la molécule chlordéconée .
IL va sans dire que les pouvoirs publics devront assumer toutes leurs responsabilités en mettant à la disposition des opérateurs concernés les moyens d’accompagnement financier, indispensables à la réalisation de ces objectifs hautement stratégiques ,dont dépend le maintien de la paix sociale dans nos territoire respectifs.
Ces mesures ,sont fondamentales pour renouer avec la confiance ,sans la quelle rien ne sera possible, mais elles ne constituent que le préalable au traitement au fond de ce « scandale sanitaire et environnemental » , reconnu par le Président de la République en personne, qu’il va bien falloir réparer: dépollution des sols et des rivières, prise en charge et suivi médical des victimes directes et indirectes de cette pollution chimique hors du commun, indemnisation des acteurs économiques privés de leurs moyens de subsistance ,objectif « zéro chlordécone »à concrétiser dans l’alimentation et compensation des dégâts considérables causés à l’image de notre destination éminemment touristique , pour ne citer que ses aspects les plus visibles.
Reste entière la question de la recherche des responsabilités individuelles dans cette véritable tragédie, qui ne peut être éludée car elle affectera pour longtemps le destin des habitants de ces terres, bénies par le créateur mais en proie à la cupidité et à l’insondable bêtise humaine , la même qui est sous nos yeux à l’oeuvre dans la destruction de notre planète. Pierre Alex MARIE-ANNE