— Par Philippe Pierre-Charles pour le Lyannaj pou dépolyé Matinik —
La position prise ouvertement par le Parquet en faveur du non-lieu dans l’affaire du crime nommé chlordécone fait tomber le masque derrière lequel le pouvoir politique n’a cessé de se cacher : la « séparation des pouvoirs ». Suivant ce grand principe, la justice, indépendante, décide seule, sans interférence du politique. Fort bien. Il se trouve néanmoins que le Parquet, appelé aussi ministère public, est le représentant attitré de l’État, qui affirme parler au nom de la société mais dépend directement du ministre de la Justice. Dans le dossier d’aujourd’hui, le Parquet plaide ouvertement, en fin de compte, pour l’impunité sous couvert de non-lieu. La boucle est bouclée. La justice ne peut condamner pénalement l’État. L’État demande à la justice d’absoudre les divers responsables civils de l’empoisonnement. Confronté à notre interpellation directe en préfecture sur la position exacte de l’État face aux responsables non étatiques du crime, le précédent préfet avait répondu par une pirouette sur « la responsabilité morale (sic !) des concernés.
On connaît donc les coupables. On qualifie de ‘‘ morale ’’ leur responsabilité ! Préalablement à la prise de position du Parquet, les juges chargés du dossier ont refusé d’entendre ouvriers agricoles et exploitants reconnaissant courageusement avoir, sur demande et sur ordre, répandu le produit toxique après l’interdiction connue de son utilisation.
Ce scandaleux refus ne peut se comprendre que comme une tentative grossière de justifier » l’argument « de la prescription des actes répréhensibles. De ce jeu de couvertures réciproques se dégage un fort sentiment de mépris à l’égard des peuples empoisonnés de Martinique et Guadeloupe.
Au moment où l’incroyable ‘‘ absence de coupables ’’, à l’exception bien sûr des pilotes décédés, dans l’affaire du crash du Venezuela, revient au-devant de la scène, ce mépris fait système. L’indignation de la population ne sera pas muette. La passivité de la population ne serait pas seulement un blanc-seing donné pour un enterrement définitif de l’affaire. Ce serait aussi un désaveu des milliers de manifestant-e-s du 27 février 2021 puis du 29 mai 2022, une gifle pour toutes celles et tous ceux qui se battent depuis si longtemps pour la justice et les réparations, une attitude incompréhensible pour les témoins qui ont récemment encore pris le risque d’aller à l’encontre de la parole officielle, et une offense pour les victimes d’hier, d’aujourd’hui et de demain. L’appel au rassemblement du 10 décembre est une action de salubrité publique et de dignité qui ne doit laisser personne dans une passive indifférence.