— Par Sophie Torlotin —
Le 7 janvier 2015, les frères Saïd et Chérif Kouachi, faisaient irruption au siège parisien du journal satirique Charlie Hebdo et tuaient Cabu, Charb, Honoré, Tignous et Wolinski. Assassinés avec eux, la psychiatre Elsa Cayat, l’économiste Bernard Maris, le correcteur du journal Mustapha Ourrad, le journaliste Michel Renaud, le policier Franck Brinsolaro, garde du corps de Charb, et l’agent de maintenance Frédéric Boisseau. Une fois sortis, les terroristes tuaient le policier Ahmed Merabet, avant d’être abattus, deux jours plus tard. Juste avant la tuerie qui allait en faire un symbole de la liberté d’expression, Charlie Hebdo était au bord du dépôt de bilan. L’attentat a provoqué un soulèvement populaire et une vague d’abonnements qui a plus que renfloué les finances de l’hebdomadaire.
En se vendant à plus de sept millions d’exemplaires, le numéro qui a suivi le 7 janvier a pulvérisé tous les records de la presse française. Si les plus de 260 000 abonnements souscrits après les attentats n’ont pour la plupart pas été renouvelés, le journal se vend bien davantage qu’avant 2015: 50 000 exemplaires en kiosques et plus de 50 000 par abonnement chaque semaine, contre 30 000 auparavant, selon sa direction.
Mais après l’émotion, les ventes ont retrouvé un étiage plus classique comme le reconnaît le rédacteur en chef, Gérard Biard : « On est arrivés en 2015 à 150 000 abonnés. Aujourd’hui on en est à 50 000. Mais c’était évident que les ventes et les abonnements ne resteraient pas au niveau exceptionnel atteint après le 7 janvier ! Ça permet au journal d’avoir un rythme de croisière, de vivre dans de bonnes conditions. »
Charlie Hebdo dispose désormais d’un trésor de guerre d’une dizaine de millions d’euros qui doit lui permettre de lancer de nouveaux projets: il traduit une partie de ses articles en anglais sur son site internet et a lancé une version allemande en kiosque en novembre. « On a tenté cette aventure en Allemagne parce qu’il y avait un intérêt particulier des Allemands pour Charlie Hebdo, explique Gérard Biard. C’est le pays où l’on vendait le plus à l’export. On a essayé de faire une version allemande et donc aujourd’hui on en est au cinquième numéro, donc on attend un peu avant de savoir si les gens l’achètent au-delà du premier geste de curiosité. On attend d’abord de voir ce que cela donne en Allemagne avant de conquérir le monde ! ».
Une nouvelle équipe
Voilà pour l’aspect financier. Humainement, les relations au sein de Charlie Hebdo ont été plus mouvementées. Depuis l’attentat, plusieurs piliers de Charlie Hebdo sont partis : les dessinateurs Luz et Catherine Meurisse, l’urgentiste Patrick Pelloux ou la journaliste Zineb el Rhazoui. Certains pour raisons personnelles, et comment leur en vouloir quand on a ainsi échappé à la mort. D’autres ont exprimé des désaccords avec la ligne de Charlie et réclamé un nouveau statut pour le journal qui appartient à Riss et au directeur financier Eric Portheault.
Mais de nouveaux dessinateurs ont rejoint l’équipe ou en sont devenus des piliers comme les dessinateurs Juin, Félix et Foolz. Foolz qui signe la couverture de Charlie Hebdo cette semaine. Le numéro spécial 1276 titre avec ironie: « 2017, enfin le bout du tunnel », un personnage regardant dans le canon d’un fusil tenu par un islamiste.
Un vétéran de la presse satirique, de Hara Kiri, l’Echo des Savanes et Siné Hebdo a également accepté de rejoindre Charlie Hebdo en 2015, Philippe Vuillemin. Le dessinateur de 58 ans, connu pour ses dessins au trait gras, sa « ligne crade » par opposition à la ligne claire de Hergé, affirme n’avoir eu aucune hésitation avant de rejoindre Charlie, ni aucune crainte : « Je suis assez insouciant, je n’ai peur de rien, je n’ai pas peur de la mort, lâche-t-il dans un soupir. Avant de dessiner un prophète je vais réfléchir un petit peu ! Des fois il y a un terrain miné, faut faire gaffe où on met les pieds. Même le fait qu’il y ait des flics partout, c’est vrai que c’est dommage de bosser dans ces conditions-là, mais le journal se fait quand même »…
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