Un taux de violences contre les femmes deux fois plus élevé que dans l’Hexagone
Les réactions de l’Union des Femmes de Martinique et de Culture Égalité lors de la création de la Commission territoriale de lutte contre les violences conjugales
« Il manque l’argent, le nerf de la guerre »
Rita Bonheur, présidente de l’Union des Femmes
« Cette commission est un outil au service de la politique territoriale en matière de lutte contre les violences conjugales. En Martinique, le taux de violences contre les femmes est deux fois plus important que dans l’Hexagone. C’est bien plus que les accidents de la route et près de 1000 plaintes par an sont déposées. On le voit, dès que l’on fait une conférence, une formation, il y a toujours des femmes qui viennent nous voir après, pour savoir comment faire. C’est pourquoi la parole doit vraiment se libérer. Malheureusement, il manque encore beaucoup de choses : une volonté politique commune malgré la richesse des acteurs de terrain, très lucides mais qu’il faut mettre en cohérence. Ce qu’il manque aussi, il faut être clair, c’est l’argent, le nerf de la guerre. Quand on a des demandes de formation, on ne peut pas y répondre, faute de moyens. On n’a pas suffisamment de personnels et d’argent. Il faut que des sommes importantes soient réellement débloquées. À l’UFM, nous avons fait de nombreuses propositions, y compris d’évolution législative, au niveau national avec la Fédération nationale Solidarité Femmes, dont nous faisons partie. »
« Il faut amener les femmes victimes à déconstruire le système patriarcal »
George Arnauld, présidente de l’association féministe Culture Égalité
«Concernant l’aspect national, la tenue de ce Grenelle des violences conjugales est un véritable échec à notre sens. Il n’est pas à la hauteur de ce que nous attendions. Des annonces ont été faites mais aucun engagement financier n’a été engagé, or il faut des moyens pour agir. En local, l’intervention du procureur (hier matin en préfecture ndlr) illustre, là aussi, l’inefficacité de la politique menée en Martinique où l’on dénombre en moyenne près de trois plaintes déposées chaque jour, avec un taux de victimisation de 3,5/1000 contre 1,73/1000 en France. Ce taux est deux fois supérieur chez nous et ne varie pas. Les dispositifs existant comme le téléphone grand danger restent marginaux. Il faut s’attaquer également à la domination toujours prégnante du modèle patriarcal dans la société. Il faut le déconstruire dans les représentations, chez les femmes victimes comme ceux qui les accompagnent. Cela commence par l’éducation. Il est, par exemple, purement scandaleux que la chargée de mission à l’égalité filles/garçons ne puisse intervenir que 4 heures par semaine dans les établissements scolaires de l’île. Comment voulez-vous que l’on propose ainsi une réelle politique éducative de prévention des violences faites aux femmes ? Il faut qu’elle intervienne à temps plein, a minima. La question du logement d’urgence reste également une réelle problématique avec des dispositifs qui ne sont pas entièrement dédiés aux femmes victimes de violence, mais à d’autres publics en difficulté. À Culture Égalité, il nous est arrivé de recueillir et d’héberger des femmes en urgence, faute de solution, le week-end et les jours fériés. »
Propos recueillis par Fance-Antilles Martinique