Changer le nom du Lycée Schoelcher de Fort-de-France

Vive le Lycée Cyrille Bissette

— Par Sylvère Farraudière (*)

Le Lycée Schoelcher, qui est en chantier, rouvrirait ses portes aux élèves, à la rentrée de 2022. Mais, quel sera le nom de réouverture de l’établissement, compte tenu de l’importance du lycée historique de la Martinique et de la mise en cause spectaculaire par la jeunesse, de la surreprésentation de Victor Schoelcher dans l’espace public ? Cette réflexion peut-elle éluder l’action propre de l’élite compradore ? Etant entendu que cette action propre ne doit pas constituer l’angle mort, le non-dit de notre histoire.

Il y a deux raisons majeures de renommer le Lycée Schoelcher

1.    Victor Schoelcher est victime du schoelchérisme et des schœlcheristes.

Le schoelchérisme est cette idéologie par laquelle l’élite veut imposer à la population le culte déifiant qu’elle voue, elle-même, à Victor Schoelcher (1804-1893). Il a été contesté de la manière la plus nette, d’abord, par la relativisation du rôle joué par Victor Schoelcher dans la libération des nègres esclavagisés. Ceux-ci ont lutté jusqu’au dernier jour pour leur liberté, qui, de ce fait, ne leur a pas été octroyée par Victor Schoelcher, à partir d’un décret. Pour autant la mise à bas des statues publiques à l’effigie de Victor Schoelcher à Fort-de-France et à Schoelcher, le 22 mai 2020 ne signifie pas que la jeunesse martiniquaise rejette l’œuvre de ce grand homme, qui n’a cessé de lutter pour la dignité humaine et son élévation intellectuelle :

 « Combattez le préjugé de couleur en toute occasion où vous le verriez paraître. C’est la grande plaie des Antilles françaises ; montrez … tout le mal qu’il fait dans le présent, et tous les dangers dont il est gros pour l’avenir ; aussi longtemps qu’il subsistera, point de paix ni de bien-être pour la société coloniale (…) c’est l’hydre aux cent têtes (…) Pour mieux le combattre, continuez à demander des écoles, encore des écoles, toujours des écoles au nom de l’intérêt de tous, des grands comme des petits, des riches comme des pauvres. L’école est le berceau de l’égalité, mère de la concorde ; il ne doit pas y avoir un coin de l’île où l’enfant qui l’habite ne trouve pas à sa portée l’instruction gratuite, laïque et obligatoire [1]. »

La mise en lumière du lycée en 2022, est l’occasion donnée aux schoelchéristes de montrer la conformité de leurs œuvres d’adeptes avec ces exhortations de Victor Schoelcher. Ils ne le peuvent pas, car, ils ont fait tout le contraire. Le développement de l’enseignement primaire en général, et singulièrement des écoles rurales, a été freiné pendant un siècle sous leur gestion.

Ils se sont contenté d’enrichir le réseau d’écoles primaires congréganiste, laissé par les Frères de Ploërmel en 1881, et les Sœurs de Saint-Joseph de Cluny en 1884, en multipliant sur place le nombre des classes de bourg et en adjoignant progressivement des cours complémentaires mixtes aux écoles de garçons. Le schéma classique de deux écoles centrales dans chaque bourg (une de garçons, l’autre de filles) a perduré, sauf pour les villes capitales (Saint-Pierre, avant sa destruction, puis Fort-de-France) et Saint-Esprit (à partir de 1935), où l’on comptait trois écoles et plus.

L’essentiel des écoles primaires se trouve donc dans les bourgs et la capitale, alors que la population rurale est largement majoritaire jusqu’à la mise en œuvre du BUMIDOM à partir des années 1960. Les moyens publics nécessaires pour la scolarisation de ses enfants, sont inexistants, dans la plupart des hameaux. La situation la plus favorable dans ce domaine, s’est produite en 1945. Cette année-là, les deux tiers des 180 quartiers éligibles à une école de hameau en sont dépourvus. De plus, on évalue à près d’un sur trois les enfants d’âge scolaire du milieu rural, non scolarisés ou mal scolarisés du fait des longues distances à parcourir pour aller à l’école.

En plus de leur rareté, les écoles rurales dans ces régions, sont dépourvues des avantages caractéristiques du primaire, à savoir, la possibilité d’obtenir le certificat d’études primaires (CEP) avant 14 ans, de suivre les cours supérieurs et, surtout, les enseignements primaires supérieurs (EPS). Ces EPS pouvaient être spécialisées en écoles pratiques d’agriculture et d’industrie et permettre la formation professionnelle des jeunes ruraux. Le plus souvent, les familles ont dû financer elles-mêmes des écoles privées appelées lékolchatt ou lékoltablett, même si quelques-unes de ces écoles privées ont été subventionnées par le conseil général sous le nom de salle d’asile.

En 1936, le traitement accordé à une directrice de salle d’asile, qui accueille des enfants d’âge scolaire des mornes est 11 fois inférieur à celui d’une institutrice provisoire dans les écoles primaires des bourgs, et 13 fois inférieur à l’allocation servie à un étudiant boursier de la colonie en France !

Si donc l’école primaire (celle du peuple) a été publique et gratuite dans les bourgs et la ville capitale, de même que dans certains hameaux, elle a été inexistante ou privée et payante, dans les campagnes, en général. C’est là, la marque la plus nette du développement séparé qui fut imposé aux fractions urbaine et rurale de la population en Martinique. Cette ségrégation, qui a duré plus d’un siècle, est la négation des idéaux démocratiques que les hommes politiques mulâtres et leurs alliés au pouvoir s’enorgueillissaient de promouvoir dans la colonie, au nom de la République.

2.    Le Lycée Schoelcher a participé à l’exclusion de la majorité de la population.

Le lycée historique de la Martinique a été créé sous le nom de collège colonial de la Martinique par un arrêté local du 6 décembre 1880. Il est devenu lycée de la Martinique, le 2 mai 1881. Il a traversé le 20e siècle sous le nom de Lycée Victor Schoelcher, qu’il obtient par un décret du 1er avril 1903. C’est sous ce nom qu’il a été l’outil de ségrégation.

« Pourquoi donc avez-vous peur de l’instruction primaire, vous autres qui vous dites démocrates, radicaux ? N’avez-vous pas l’école communale ? Allez-y donc ! Ou si vous voulez de l’instruction secondaire, payez-la. Assez de bourses comme cela, Messieurs, je ne veux plus en donner. »

Celui qui parle ainsi est Albert Godissard, président du conseil général de la Martinique. Il s’adresse à ses collègues, conseillers généraux, tous issus de la bourgeoisie mulâtre ou blanche qui domine l’assemblée coloniale depuis 1871. Nous sommes en 1886. Il y a une différence fondamentale entre les deux ordres d’enseignement public dont parle le président. L’ordre du primaire (écoles et écoles primaires supérieures) a une organisation communale alors que l’ordre du secondaire (lycée pour les garçons, Pensionnat colonial pour les filles) dépend du créateur, ici, la colonie de la Martinique dirigée par le conseil général. Ces deux ordres d’enseignement sont étanches. On est dans l’un ; ou l’on est dans l’autre. L’enseignement public donné est gratuit dans l’ordre du primaire et payant dans le secondaire. La fréquentation du Petit lycée et du Petit pensionnat, au même titre que l’enseignement secondaire, est assujettie au paiement d’une rétribution scolaire, dont le montant est fixé par le gouverneur, sur délibération du conseil général. Mais, la bourgeoisie, en premier lieu, ses représentants, conseillers généraux, réclame de la colonie, que celle-ci paye la scolarité de ses enfants au Lycée Schoelcher et au Pensionnat colonial. Ce sont, pour elle, des établissements de proximité, soit à Saint-Pierre, avant 1902, soit à Fort-de-France, après. Aider les riches, suppose que la puissance publique, ici, le Conseil général de la Martinique, ait eu servi au moins le minimum de leurs droits aux pauvres. Ces derniers étaient formés, à ce moment-là, par la masse noire des descendants des derniers esclavagisés nègres, des Indiens et des Africains immigrés entre 1853 et 1884. Cette masse noire vivait dans les mornes, les hameaux, les bourgs et sur les habitations. Elle était la plus nombreuse, mais croulait sous le joug des maîtres-colons-blancs dans un servage aussi inhumain que l’esclavage.

La colère du président Albert Godissard traduit parfaitement l’ampleur du déni de démocratie commis par la bourgeoisie mulâtre, contre ce peuple, à qui elle impose l’enseignement primaire communale, rare dans l’espace et vide de contenus, qu’elle rejette pour ses propres enfants. Pendant ce temps, sans aucune contrainte, la bourgeoisie crée pour ses propres enfants un circuit scolaire quasiment privé, allant de la maternelle à la licence d’enseignement, gratuit dès sa création, en s’appuyant sur le Lycée Schoelcher, le Pensionnat colonial et le jeu des bourses d’études, des remises et autres avantages financiers dont elle avait la totale maîtrise.

Les locaux définitifs du lycée Schœlcher sont livrés pour permettre son ouverture en janvier 1937, l’internat, en octobre 1938. Quant au pensionnat, devenu, entre temps, lycée de jeunes filles, il ne trouve ses bâtiments neufs à Bellevue, dans la banlieue de Fort-de-France, qu’à partir de 1961. Le petit lycée et le petit pensionnat destinés à recevoir les enfants relevant de la division primaire, des classes enfantines et maternelles du lycée et du pensionnat subirent les aléas de l’installation matérielle des deux établissements principaux, en ce qui concerne leurs locaux, mais en constituèrent, toujours, des éléments fortement structurées, pédagogiquement. Garçon, on entrait au lycée Schoelcher en maternelle (14e) et on en sortait en terminale avec le baccalauréat, sans changer d’établissement. Des bourses de licence permettaient la poursuite d’études supérieures en métropole. Le petit lycée, a presque toujours été dans les bâtiments du lycée Schoelcher, alors que le petit pensionnat formait l’école Emilie Fordant, mitoyenne du pensionnat colonial. Dans l’un et l’autre cas, ils sont censés servir d’école d’application pour les élèves-instituteurs des cours normaux.

Le 5 décembre 1946, Victor Sablé, député de la Martinique, propose aux conseillers généraux d’étendre la gratuité, aux classes enfantines du lycée, au motif que l’enseignement secondaire est devenu gratuit, du fait de l’ordonnance du 3 mars 1945, alors même que cette ordonnance supprimait les classes enfantines et élémentaires des lycées, en France. La gratuité de l’enseignement secondaire, établie par la loi de finance du 16 avril 1930, supprimée sous le gouvernement de Vichy par la loi Carcopino du 15 août 1941, est rétablie, en réalité, par l’ordonnance du 28 janvier 1945.

Les classes primaires, enfantines et maternelles, privilèges de la bourgeoisie foyalaise ne disparaîtront du lycée Schœlcher, qu’à la rentrée de l’année scolaire 1962-1963. En revanche, les deux lycées ne perdent leurs classes de 1er cycle de la 6e à la 3e que très progressivement (de 1969 à 1977 pour le lycée Schœlcher, de 1963 à 1976 pour le lycée de Jeunes filles).

Ce système, qui a consisté à subventionner les riches, en laissant les pauvres à leur sort, a permis de former et perfectionner une élite intellectuelle, qui domina la société des Antilles françaises pendant tout le 20e siècle. Ce choix de l’élite mulâtre d’imposer le développement séparé, l’Apartheid tranquille, à cette masse populaire affaissée sous le poids de l’analphabétisme, de la misère économique, de l’exclusion sociale, du préjugé racial, de l’idéologie mulâtre, du schoelchérisme et de l’isolement politique, donne ses fruits aujourd’hui. Ils sont amers.

Notre jeunesse nous interpelle à leur sujet. On ne peut pas laisser cet appel de la jeunesse sans réponse.

Il y a deux raisons essentielles pour remplacer Victor Schoelcher par Cyrille Bissette.

1.    Rendre justice à Cyrille Bissette.

Le réveil se produit en ce début du 21e siècle, à cause des progrès dans la démocratisation de l’instruction, qui touche désormais une grande partie des anciens exclus. Il est brutal.

Les générations actuelles enfoncent des murs pour tendre la main aux décideurs. Elles n’acceptent plus la soumission de leurs aînés et le manifestent de différentes façons dont la remise en cause de la représentation mémorielle. La destruction des statues dont celles de Victor Schoelcher ne peut pas être un épisode sans lendemain. Les jeunes, de mieux en mieux formés, de plus en plus talentueux, demandent, entre autres revendications, la libération de la conscience historique du peuple et un récit crédible et partagé de leur passé. Dans cette perspective, le changement du nom du lycée historique est l’occasion de se montrer sincèrement solidaire de leurs attentes, de marquer l’importance du poids de ce lycée dans la société martiniquaise, de souligner la radicalité du changement opéré dans la vision nouvelle de notre société et constituer un pas décisif vers la vérité et la justice, gages de l’unité. Il doit aussi donner le signal d’un basculement dans l’utilisation des moyens alloués à l’instruction du peuple et des jeunes. Et là, la stature de Cyrille Bissette apparaît comme la réponse idéale.

Mais, qui connaît Cyrille Bissette, puisque son nom n’apparaît nulle part pour désigner une commune, une université, un lycée, un collège, une école, une rue, une place publique, une salle de mairie ? Les seuls à connaître très bien Cyrille Bissette sont les schoelchéristes, puisqu’ils savent que Cyrille Bissette (1795-1858) est l’un des premiers, des plus ardents et des plus sincères militants de l’abolition de l’esclavage. Ils savent que si Schoelcher a rejoint cette cause et a eu des actes qui sont comparables et contemporains dans ce domaine à ceux de Cyrille Bissette, ces deux grands hommes se sont opposés violemment parce que leurs références intimes sont très différentes. Face au fils de grands négociants alsaciens, philanthrope, dilettante, se dresse un mulâtre martiniquais dont le combat exemplaire pour réclamer les droits des gens de couleur libres, le fit condamner aux galères après être marqué dans sa chair au fer rouge, selon la pratique cruelle réservée aux esclaves. Les schoelchéristes perpétuent le souvenir des divergences politiques qui ont opposé leur demi-dieu, Schoelcher, à ce contradicteur politique ; mais ils savent surtout, que la plus importante des divergences qu’ils entretiennent avec Cyrille Bissette, porte sur la place des mulâtres par rapport aux nègres et aux colons blancs dans la société martiniquaise. Les nègres n’existent que de façon transitoire pour les schoelchéristes. Ceux-ci mulâtrisent la population en lui imposant l’idéologie mulâtre, dont le trait dominant est le mythe du passage obligé par l’étape du métissage ethnique sur la route du progrès humain. L’idée de races biologiquement pures étant écartée, ils imposent le postulat selon lequel l’avenir de l’humanité est au métissage ethnique. Ce qui fait du sang-mêlé, le meilleur de l’homme, ici et maintenant, ce dont il doit tirer profit, même dans la transgression. En clair, l’avance acquise par son groupe d’appartenance, tant dans le domaine économique que culturel ou relationnel, voire de la respectabilité sociale, est définitive (« bèf douvan bouwè dlo prop », en français : « premiers arrivés, premiers servis », que l’on peut entendre aussi : « premiers arrivés, premiers et seuls définitivement servis ». Dans cette logique, l’état de noir est transitoire. C’est un brouillon d’être humain, qu’il faut améliorer par le métissage. Quant au nègre, il a disparu en même temps que l’esclavage, qui n’aurait été que l’épisode africaine de la société. Tout autre est la vision de Cyrille Bissette, qui, dans un souci d’ordre et de réconciliation, mena contre Victor Schoelcher, la campagne victorieuse des législatives de juin 1849, avec le béké Auguste François Pécoul. Les deux gagnants siégèrent ensemble comme députés de la Martinique jusqu’au coup d’état du 2 décembre 1851. Les schoelchéristes, qui arrivent au pouvoir en 1871 font disparaître Bissette de l’espace public, pour y installer l’omniprésence de Victor Schoelcher. Ils ne lui pardonnent pas d’avoir battu Schœlcher en 1849. Ils rejettent sa vision politique, qui est fondée sur une vie publique ouverte et démocratique, parce qu’elle inclut la participation des anciens maîtres colons blancs, sans filtre. La vox populi se contente de répéter que les dirigeants sont quand même obligés de collaborer avec ces mêmes békés, mais qu’ils le font entre grands-gens, dans le secret des loges maçonniques et autres obédiences occultes.

2.    Mettre notre histoire au cœur de notre récit partagé.

Cyrille Bissette qui a subi le supplice du marquage au fer rouge (14 janvier 1824), pour avoir défendu ses droits ; Cyrille Bissette, mulâtre qui a tendu la main aux anciens maîtres, ses bourreaux, est sans discussion possible le symbole de la cohabitation tumultueuse entre les groupes humains qui ont donné l’essentiel de son caractère à la Martinique.

Cette nouvelle dénomination du lycée historique de la Martinique est signifiante de la volonté commune d’aller désormais vers une Martinique unie et ouverte, mais qui n’oublie pas ; parce qu’elle reconnaît que l’esclavage colonial qui a perduré en Martinique jusqu’en 1848 est le fait fondateur de la société martiniquaise et qu’à ce titre, il fait l’objet du devoir de mémoire de toute la communauté. Par cet acte, se construit le pont générationnel si nécessaire entre les privilégiés et les exclus de notre société ; celle-ci pourrait trouver-là, pour elle-même, les moyens de son propre déblocage.

Martiniquais apôtre de la liberté, Cyrille BISSETTE est le symbole de l’unité du peuple tout entier. Le sortir de l’oubli, le mettre dans la lumière est un pas décisif pour libérer la conscience historique des Martiniquais jeunes et adultes.

Avec Cyrille BISSETTE, osons faire un pas vers nous-mêmes.

Vive le Lycée Cyrille BISSETTE !

Pour mieux connaître Cyrille Bissette, lire Cyrille Bissette, Un martyr de la Liberté. Stella Pame. Edittions Deormeaux, 1999.

Pour plus d’information sur l’histoire de l’école et du Lycée Schoelcher en Martinique, se rapporter aux ouvrages :

L’école aux Antilles françaises. Le rendez-vous manqué de la démocratie.  Sylvère Farraudière. L’harmattan, 2008.

Histoire de l’école en Martinique. Échec scolaire ou archaïsmes coloniaux. Sylvère Farraudière. L’Harmattan. 2021.

[1] Schœlcher (V), Lettre d’adhésion au journal Le Progrès (Guadeloupe), adressée à M. G. Sarlat, le 21 août 1880, Polémique coloniale, t. I, p.313.

 

(*)Sylvère FARRAUDIERE

Inspecteur d’académie, Directeur des services départementaux de l’Education nationale de Martinique de 1988 à 1994.