— Par Jean-Marie Nol, économiste financier —
Notre vie sera très bientôt chamboulée et nous n’en sommes toujours pas conscients !
Toujours plus loin, toujours plus haut. Dans les années 1970/80 on regardait l’an 2000 comme une date mythique, une date de frayeur à laquelle on allait basculer dans une autre dimension, celle du loup Européen qui allait nous dévorer tout cru . Le hic c’est que le loup n’y est pas, mais c’est bel et bien un autre chose d’indéfinissable, tel le numérique qui devrait également nous faire peur. Le futur, c’est déjà demain. Les principales inventions ont eu lieu dans la deuxième partie du siècle dernier. On sait qu’il y aura une formidable accélération d’ici les années 2030. De la photo au livre en passant par Internet, la musique et le cinéma, le numérique apporte un véritable bouleversement dans notre société, avec l’image en fer de lance. Aujourd’hui, 70 % des guadeloupéens et martiniquais sont connectés à Internet et au moins 53 % d’entre eux déclarent qu’ils ne peuvent plus s’en passer, de plus les besoins et les comportements évoluent sans cesse. Et pourtant en Guadeloupe comme en Martinique , un décalage s’est créé entre l’adoption du numérique par les particuliers et un basculement qui se fait attendre pour les entreprises. Une seule certitude : l’économie numérique est aujourd’hui un vecteur de croissance, de productivité et de compétitivité des entreprises et des pays. Son caractère transversal impacte tous les secteurs de l’économie, elle est également à l’origine des nouveaux secteurs innovants et en a rendu d’autres dépendants de celle-ci. Aux Antilles, la révolution numérique va avoir un impact sur tous les secteurs économiques , la croissance et la productivité, sans oublier l’environnement des entreprises, les particuliers, les ménages et leur comportement.Massivement, et mondialement, l’outil Internet engendre de nouvelles pratiques économiques et sociétales. Or syndicats ou lobbys traditionnels de la départementalisation se révèlent désemparés face aux nouvelles pratiques économiques et sociales nées avec Internet. La Guadeloupe tout comme la Martinique ne nous semblent pas prêtes à affronter cette révolution. les élites Guadeloupéennes et Martiniquaises ne soupçonnent pas la lame de fond sociétale qui se forme. Et pourtant tout va vite, de plus en plus vite. On estime que d’ici à 2020, 80 milliards d’objets connectés feront partie de notre quotidien. C’est tout notre environnement domestique qui va être bouleversé par les innovations technologiques.Les innovations technologiques devraient révolutionner notre quotidien.. Voici les principaux changements selon le MIT ( Massachusetts Institute of Technology ) qui nous attendent et qui vont profondément impacter et bouleverser, dans un futur plus ou moins proche, notre monde et nos modes de vie :
» 1. Des implants pour la paralysie : D’ici 10 à 15 ans, ce ne sera plus qu’une douleur lointaine. Il y a des progrès remarquables dans l’utilisation d’implants cérébraux qui transmettent directement « l’intention » de l’usager au cerveau, pour restaurer la liberté de mouvement aux personnes paralysées du fait de lésions de la moelle épinière, mais aussi une qualité de vie. D’autres modes, comme des puces placées dans l’œil, afin de restaurer les souvenirs perdus, pour la maladie d’Alzheimer sont aussi explorés.
2. L’ordinateur quantique : Google, IBM… ces machines sont déjà utilisées et beaucoup d’investissements sont réalisés afin de créer, aux limites de la physique, une puissance de calcul toujours plus inégalable. D’ici 4 ou 5 ans selon le MIT, son utilisation sera généralisée. Au-delà de la science fiction, en pratique, ces ordinateurs pourraient réécrire le cryptage, la science des matériaux, la recherche pharmaceutique et l’intelligence artificielle.
3. La thérapie génique 2.0 : Les chercheurs poursuivent depuis des décennies le rêve de la thérapie génique. L’idée peut paraître folle : utiliser un virus conçu pour fournir des copies saines d’un gène aux patients présentant des versions défectueuses. Jusqu’à récemment, elle avait produit plus de déceptions que de succès, mais aujourd’hui, des énigmes cruciales ont été résolues et les thérapies géniques sont à la limite de la guérison des troubles génétiques dévastateurs.
4. L’atlas de nos cellules : Premier scientifique à décrire les cellules en 1665, Robert Hooke serait émerveillé aujourd’hui par le méga-projet de la biologie : un schéma pour capturer et examiner individuellement des millions de cellules en utilisant les outils les plus puissants de la génomique moderne et de la biologie cellulaire. Selon le MIT, d’ici à 5 ans, nous aurons bientôt un « atlas cellulaire » complet, qui devrait révéler de manière exhaustive, le corps humain et fournir aux scientifiques un nouveau modèle sophistiqué de biologie susceptible d’accélérer la recherche de médicaments.
Un « atlas cellulaire » complet
5. La reconnaissance faciale : Cette technologie peut faire peur, mais elle est déjà utilisée au quotidien dans nombre de services. En Chine, elle se développe rapidement dans l’intérêt de la surveillance, mais aussi de la commodité, pour accéder à des bâtiments par exemple. La reconnaissance du visage peut tout transformer : des pratiques de la police qui traque les criminels, à celles des banques, des magasins et des services de transport. Dès aujourd’hui, elle va continuer à se généraliser massivement affirme le MIT.
6. L’intelligence artificielle : Les ordinateurs sont en train de déterminer comment faire des choses qu’aucun programmeur ne pouvait leur enseigner. Grâce à la multiplication des expériences, les robots sont maintenant capables de battre les humains à des jeux complexes tels que le go ou encore les échecs. C’est le même concept utilisé pour les véhicules autonomes. Aujourd’hui, la difficulté réside dans des situations complexes impliquant l’interaction avec des conducteurs humains. Mais, d’ici 1 ou 2 ans, de gros progrès sont d’ores et déjà envisagés.
Stocker l’énergie sous forme de chaleur, et non en électricité
7. Les camions autonomes : D’ici 5 à 10 ans, le MIT voit également l’avenir des camions « autoconduisan »t. On parle des voitures individuelles mais l’intelligence artificielle semblerait plus facile à développer sur des véhicules roulant surtout sur autoroute. Les coûts de transport en seraient largement réduits. Par exemple, en se coordonnant vis-à-vis du vent pour économiser du carburant. Cette technologie ne remplacerait pas mais aiderait le camionneur à terminer ses trajets plus tôt pendant qu’il accomplirait d’autres tâches ou se reposerait. Otto, filiale d’Uber, commercialise déjà un kit de conduite autonome pour camions, qui pour l’instant reste néanmoins très coûteux.
8. L’énergie solaire : Les panneaux solaires couvrent un nombre croissant de toits, mais même des décennies après leur première mise au point, les dalles de silicium restent volumineuses, coûteuses et inefficaces. Des chercheurs du MIT ont réussi à mettre en place un système basé sur des nanotubes en carbone et des cristaux photoniques. L’idée est de stocker l’énergie sous forme de chaleur, et non en électricité. En transformant la chaleur en faisceaux de lumière ciblés, un nouvel appareil pourrait capturer beaucoup plus de l’énergie solaire, créer une puissance économique et une énergie propre. Ce projet ne devrait pas aboutir avant 5 à 10 ans.
9. Le développement des « Botnets » : La pression implacable pour ajouter de la connectivité aux gadgets de la maison crée des effets secondaires dangereux dont on n’imagine pas les conséquences néfastes. Ce n’est pas nouveau et plusieurs attaques informatiques massives ont déjà utilisé les objets connectés, encore insuffisamment protégés, qui constituent donc des cibles faciles. Des experts estiment que ces attaques du type « botnet » vont se multiplier dans les prochaines années.
10. La caméra 360° : Ces caméras peu coûteuses, créent des images sphériques, ouvrant une nouvelle ère dans la photographie. Avec la réalité virtuelle, l’impression d’immersion s’intensifie. Au delà d’un petit gadget et du divertissement, c’est notamment un nouveau mode de traitement des patients. Avec un réalisme saisissant, elles ouvrent des perspectives infinies dans le domaine des soins médicaux ou encore dans le cadre de l’enseignement et de la formation. »
On le voit, les chercheurs planchent dans tous les domaines : santé, automobile, téléphonie, maison, habillement, sécurité. Après la presse, la publicité, la musique et le cinéma ou la TV, c’est le tour des transports, de la santé, de l’automobile et de l’énergie. Le problème, c’est qu’en Guadeloupe et Martinique l’on n’a pas, pas encore, adapté nos institutions, politiques et sociales à la révolution numérique. Nous estimons que dans ce contexte les salariés ne sont pas prêts pour les transformations induites par le numérique.Or Selon une enquête BVA/Orange, 7 actifs français sur 10 affirment que le numérique a déjà transformé leur métier. Le monde ne nous attend pas et le changement numérique est déjà̀ partout en marche.
Et pourtant une TPE sur dix en Guadeloupe et une sur neuf en Martinique n’a toujours pas de site Internet (ou n’en ressent pas le besoin !). De même, les chefs d’entreprises Antillais sont relativement peu actifs sur les réseaux sociaux. Le basculement de l’économie qui va s’opérer dans l’ère numérique produira des effets chaque jour plus sensibles, tant sur les individus – en qualité de citoyens, de consommateurs, d’utilisateurs, ou même de patients – que sur les organisations privées ou publiques. L’apparition de services innovants, qu’ils soient personnalisés, collaboratifs ou simplement plus pratiques, donnera forcément naissance à un nouveau modèle économique et bouleversera la plupart des secteurs d’activité.
Il faut arrêter de tergiverser et prendre acte que nous ne pouvons plus faire reposer la croissance, le progrès, notre avenir sur les contingences du passé. La révolution robotique et singulièrement numérique qui nous attend va remplacer en Guadeloupe comme en Martinique près de la moitié de la population active par des machines en vingt ans. Un bouleversement potentiellement catastrophique. Lors de nos nombreux articles sur la question, nous n’avons eu de cesse d’insister sur la nécessité de s’adapter au monde en mutation dans lequel nous vivons. Que ce soit au niveau mondial, national, régional et local. Pour nous, la Guadeloupe et la Martinique sont ainsi face à de nombreux défis à relever, pour lesquels elles n’ont malheureusement pas beaucoup d’atouts. Je suis totalement pessimiste pour l’avenir,car le monde a changé d’échelle et ça les Antillais ne l’ont pas encore compris. La jeune génération qui arrive sur le marché du travail n’a encore les moyens adéquats de formation sur place, et les élites qui ont pourtant la lourde tâche, d’inventer le nouveau modèle économique et social demeurent parfaitement immobiles . Faut-il encore leur inculquer le goût du risque et l’ambition .Dès lors, l’école ne peut plus se permettre de faire l’impasse sur le numérique, ce serait renier une de ses fonctions premières qui est de préparer de futurs citoyens à la société qui les attend. Pour répondre à cet enjeu, il est important d’arrêter de considérer le numérique comme un simple outil. Il ne suffit donc plus de mettre l’école au numérique, mais il faut repenser en profondeur l’école avec le numérique. Le défi majeur en matière de formation sera celui des sciences et des mathématiques, avec une approche algorithmique qui va probablement modifier encore davantage la vie de tous les jours. Ensuite, il y a deux dimensions dans lesquelles la Guadeloupe et la Martinique ont également leur part à prendre en matière d’innovations et de créations de richesse car elles possèdent déjà les atouts mais pas encore les savoir-faire. D’abord, il s’agit de l’agriculture et de la culture bleue, celle de l’océan, qui doivent répondre au besoin de nourrir et fournir de l’énergie voire d’abreuver en eau potable . La dernière révolution, celle qui a déjà commencé et qui est la plus importante, va vraiment modifier le quotidien. C’est le numérique. Dans cinq ans, on aura du mal à imaginer comment on pouvait vivre cinq ans plus tôt. Car le numérique ne s’arrête pas simplement à l’ère du smartphone mais cela va bien plus loin, avec des applications dans tous les domaines, notamment la télé-santé. De quoi bouleverser en profondeur notre vie quotidienne. Le monde actuel que nous connaissons est déjà l’ancien monde. On est tétanisé car on essaie de sauver l’ancien monde de la départementalisation parce qu’on a peur du nouveau. Pour citer l’écrivain communiste italien Antonio Gramsci, « il y a crise quand l’ancien monde ne veut pas mourir et que le nouveau monde ne parvient pas à naître ». En effet, le mode de vie inventé à la fin de la guerre 39-45 n’a rien à voir avec ce qui existait depuis des centaines d’années. Mais ce modèle a aujourd’hui ses limites et sa vision est totalement à court terme. Les Antilles sont aujourd’hui confrontée à un vrai défi économique et social. Il va falloir faire ce qu’ont fait nos anciens quand ils ont été confrontés à des périodes difficiles. Il faudra se retrousser les manches. On arrête de pleurer sur le passé, on arrête de se lamenter sur le présent et on envisage l’avenir. Dans le cas contraire, la rapidité des changements numériques va laisser nombre de citoyens, salariés, dirigeants, d’élus, et penseurs sur la touche.
Jean-Marie NOL