— Le n° 337 de « Révolution Socialiste », journal du G.R.S. —
50 ans après la tuerie du 14 février 74, à l’occasion de la plus grande commémoration jamais faite de cette tragédie, la présence de l’actuel Préfet de Martinique, ne pouvait ne pas faire problème.
Les organisateurs de la manifestation du samedi 17 à Chalvet (CAP nord, les municipalités de Basse-Pointe, Marigot, Lorrain, Gros-Morne), savaient forcément que cette initiative forte et de belle tenue, menée sur plusieurs jours, riche de témoignages précieux et émouvants, d’inaugurations de lieux publics (un demi–siècle après, il est vrai, de celle de la rue Ilmany à l’Ajoupa-Bouillon), de moments artistiques de qualité, d’interventions concordantes des élus parties prenantes, de débats libres, risquait d’être entachée par la participation officielle (avec discours !) du représentant de l’État, responsable de cette répression sanglante, à balles réelles, tirées depuis les airs, de ce qui était, non pas une insurrection armée, mais une grève d’ouvrier·e·s agricoles réclamant le smic, c’est–à–dire l’application de la loi !
Ledit Préfet venait–il demander pardon « au nom de la France »? Non ! Venait–il annoncer qu’enfin, le « secret défense » serait levé sur tous les documents de la police, de l’armée, des administrations, sur cette barbarie ? Venait–il promettre des réparations aux victimes, et annoncer des poursuites bien tardives contre les auteurs identifiables de ces crimes ? Non ! Il venait juste se démarquer par des allusions verbales feutrées, des criminels de l’époque, en rappelant le caractère légal des manifestations, de la grève, des revendications ouvrières.
Confronté à la demande des élus sur certains des points évoqués plus haut, il se contenta de déclarer que ces questions seraient étudiées en d’autres lieux. Ces vagues promesses n’engageront pour le moment, que celles et ceux qui voudront y croire. Le mouvement ouvrier, lui, sait parfaitement que chacune de ces réclamations élémentaires, suppose pour être satisfaite, la mobilisation la plus vigilante sur la durée.
Il est clair que les manifestations du cinquantenaire créent elles–mêmes de nouvelles conditions. De nombreux mensonges officiels éhontés sont balayés par des témoignages qui ne craignent plus rien. Devant l’État et son représentant, la froide préméditation de la tuerie, l’assassinat d’Ilmany Sérier dit Rénor, la torture, l’assassinat et la tentative de déguisement du meurtre de Georges Marie-Louise, sont clairement affirmés par tous les témoins ayant déjà parlé. Aucune thèse contraire n’osant plus s’exprimer.
La mémoire des victimes disparues, les souffrances endurées par les survivants, l’honneur du mouvement ouvrier, la dignité martiniquaise, exigent que la vérité complète soit établie et reconnue avec les réparations afférentes.
Les élu-e-s présent-e-s ont affirmé, la main sur le cœur, leur volonté de travailler ensemble « pour le bien de la population ». Le programme minimum qui se dégage de ce cinquantenaire est une première occasion de tester ce discours.
Au mouvement ouvrier, et au peuple en général, de veiller au passage à l’acte sur ce point précis.
Affaire Pinto : Début d’une mobilisation de masse
Une étape est en train d’être franchie dans ce qu’on appelle l’affaire Pinto. Depuis 26 ans, ce Martiniquais se bat contre une spoliation portant sur l’héritage de son arrière grand–père, Félix Grat. Aujourd’hui, au mépris de décisions de justice lui donnant raison, des promoteurs ont réussi à construire sur les terres concernées, des villas achetées ou construites par des personnes qui plaident la bonne foi, en dépit des contestations régulières d’Hervé Pinto.
Les oppositions alléguées entre héritiers, ne changent rien au fait brut et indiscutable de la spoliation. Après des années de combat consacrées d’abord aux démarches judiciaires, et aux efforts tenaces pour expliquer et dissiper les doutes résultant de la propagande des adversaires, un regroupement d’une trentaine de mouvements de nature diverse, a pris l’initiative d’une mobilisation qui a rassemblé ce dimanche 18 octobre, des centaines de personnes autour d’Hervé Pinto et de plusieurs autres victimes de spoliations en cours de contestation.
Cette mobilisation mettra–t–elle fin au harcèlement, aux intimidations, aux manœuvres répressives de toutes sortes, contre les soutiens de Pinto ? La question est posée, mais une chose est certaine : les militantes et militants parmi lesquels des camarades du GRS, de RESPÉ, de la CDMT, affirment leur volonté de ne pas laisser se perpétrer ces injustices, et les menées répressives qui vont avec.
L’État, la Préfecture, la « justice », sont face à leurs responsabilités.
Que la population s’en mêle réellement, et l’injustice tremblera.