— Par Max Dorléans ( GRS)
Dans sa recherche de 60 milliards d’économies dont 14 sur la Sécu, Barnier va très certainement trouver, avec le récent rapport de la Cour des Comptes (CC) qui étrille la CGSSM (caisse générale de Sécurité sociale de Martinique), matière en Martinique, à sa politique d’économies et d’austérité.
Si nous souscrivons à un certain nombre de conclusions de la CC, notamment toutes celles condamnant certaines pratiques de gaspillage de l’argent public, et celles appelant à une meilleure gestion du service public, nous ne devons pas perdre de vue qu’aujourd’hui, bien des rapports de la CC servent de cheval de Troie à l’entreprise – en cours depuis des décennies – de liquidation de la Sécurité sociale.
En effet, si un certain nombre d’économies peuvent ramener quelques euros dans les caisses et le budget de la Sécu, attention de ne se cristalliser que sur les critiques de la CC, en omettant de regarder un peu plus loin. Et ainsi ne voir que la paille dans notre œil, et non pas la poutre devant notre visage.
Car l’enjeu fondamental est loin d’être celui qui nous est ici présenté. Il est bien ailleurs. Dans la destruction, par le patronat et toutes les droites, des macronistes au RN en passant par les LR, de cette institution de solidarité collective, et sa substitution par une protection sociale privatisée. Et dans cette direction, tout peut être bon à prendre, les quelques recommandations de la CC notamment.
Dès lors, refuser de comprendre ce qui se joue au-delà des « incriminations » de la CC, c’est non seulement passer à côté de l’essentiel, à savoir la destruction méthodique de la Sécurité sociale, mais c’est également accepter de ne rester qu’à la surface des choses, et participer aux vociférations concernant certains dysfonctionnements pointés par la Cour des Comptes sans en connaitre les véritables causes.
Alors, oui il faut dénoncer et condamner un certain nombre de pratiques. Mais bien plus que celles-ci – notamment celles qui sont des ponctions inacceptables de l’argent public – n’y a-t-il pas à fustiger avec plus de force, la tutelle de l’Etat sur le budget de la Sécu, qui est très largement l’argent des salarié/es, et qui sert de moins en moins les intérêts de ces derniers.
Car il y a belle lurette que tout a été fait par le patronat et l’Etat, pour casser cette institution porteuse de droits et progrès sociaux pour l’immense majorité de la population ; que les pouvoirs des salariés sur leur propre argent (la Sécu, c’est avant tout l’argent des salarié/es) ont été affaiblis, puis sont devenus inexistants ; que l’Etat, dans cet esprit, a permis a permis au patronat de rentrer dans les conseils d’administration (CA) de la Sécu (avec à l’époque la complicité de certains syndicats), jusqu’à y avoir la mainmise sur les grandes orientations et choix politiques ; que plus tard, l’élection des membres des CA a été remise en question, repoussant encore ainsi les quelques prérogatives qu’avaient les administrateurs salariés ; que les ressources de la Sécu ont été régulièrement amputées en raison du chômage (pas de salaires, pas de cotisations), des exonérations de cotisations dites patronales, des différentes dépenses mises à sa charge, mais ne relevant pas de la protection sociale…Que la démocratie et la transparence qui devraient être son mode de fonctionnement, ont laissé place à l’opacité, avec pour résultat, décennies après décennies, diminution des droits des salarié/es et autres assuré/es sociaux, en matière de santé et de protection sociale. Et l’on pourrait continuer à l’infini les exemples de la destruction programmée de la Sécu et de la santé au profit du privé, avec le poids grandissant des cliniques et autres complémentaires santé, assurances et mutuelles…
Alors sûrement qu’il faut condamner toutes sortes de pratiques contraires à l’intérêt général. Mais comment ne pas voir que c’est à avoir évincer les salarié/es du contrôle de leur institution, et à laisser s’installer, ici comme ailleurs, la non transparence, l’opacité, l’accommodement, l’entre-soi…que l’on produit les petits avantages, les petits arrangements, les passe-droits, et plus largement la corruption, la flagornerie…Toutes choses dont on parle peu lorsqu’elles concernent les patrons et dirigeants politiques qui, eux, détournent, y compris légalement (optimisation fiscale), l’argent public.
Pour que demain ne soit pas pire qu’aujourd’hui, c’est dès maintenant que nous devons nous battre pour d’abord imposer un financement du système de santé conforme à nos besoins, et ensuite nous réapproprier la Sécu, car elle est à nous, du fait nos cotisations sociales !
Max Dorléans (GRS)