— Par Térèz Léotin —
Je suis une non blanche, une noire, avec une peau «plutôt bronzée» qui fait que l’on m’assimile plus à une arabe qu’à la noire que je suis réellement. Je suis née le premier novembre d’une certaine année, en territoire colonisé, et ma carte d’identité affirme que je suis française. Mon prénom c‘est Toussine, j’ai eu droit à la féminisation créole du mot Toussaint du calendrier. Cependant, heureusement que je ne suis pas née en chemin, car j’aurais hérité du prénom Chimène, comme on aimait à le faire, dans mon pays, non pas parce que ma mère eut été une fervente admiratrice du Cid de Corneille, (même si ce fut le cas), mais bien parce que tout bonnement la parturiente avait accouché en chemin. On poussait alors l’originalité jusqu’à ne pas respecter le calendrier comme parole d’évangile. Cependant si je m’appelais Chimène je l’accepterais volontiers. Une de mes bonnes amies est allée naître le 14 juillet. Sa mère se gardant de se fier « au saint » du calendrier, qui se prénommait « Fête Nat » choisit de ne pas l’affubler de ce « prénom bizarre » et de lui fabriquer le doux prénom de Galbertine, dé-respectant ainsi la loi napoléonienne, n’en déplaise à un certain Zemmour.
Mademoiselle Annonciade, une autre dame de ma connaissance n’eut pas la même chance. Elle trimballa par vents, par maux et moqueries, durant toute sa vie, la marque de sa naissance : le jour de l’annonciation.
Je ne parlerai pas des autres prénoms de ces gens de mon enfance, Xercès, Théramène, Alcius, Achille, Sidnéesse, Athénaïse, Asthénise, Démarius, Arthémise, Turbile, Rochemond, Démosthène, Cinna, Donaïse, etc.
Si le prénom, comme on le prétend est une marque de l’origine, ces personnes n’avaient rien à voir ni avec la Grèce, ni non plus avec l’Italie dont certains n’avaient sans aucun doute jamais entendu parler.
À l’époque, l’on attribuait traditionnellement à l’enfant le prénom de l’un de ses grands-parents. De nos jours, ç’en est autrement et nous entendons volontiers des prénoms comme Igor, Nathalie, (d’origine russe), Vladimir (slave), Dimitri (grec), qui sont donnés aux nouveaux nés. Qui ne sont pas pour autant, avec ces prénoms, porteurs de leur propre origine géographique.
Ne vous en déplaise monsieur Zemmour, pourquoi n’acceptez-vous pas d’entendre aussi en France, pays multiculturel, des Leïla, prénom d’origine arabe préislamique, des Assia, Karim, Nahel, Noham, aussi d’origine arabe ? Pourquoi ne peut-on s’appeler > Tidiane, Kindja, > Maïmouna, Hapsatou, d’origine africaine ? Pourquoi ces origines vous dérangent-elles ?