— Par Muriel Steinmetz —
Une nouvelle maquette, surgissement de l’exofiction, et malgré tout, pas mal d’ouvertures sur le monde tel qu’il va mal.
En cette rentrée, le rendez-vous des livres change de visage avec une nouvelle maquette. Désormais, la fiction et l’essai cohabitent dans un même espace. Ces changements coïncident avec une rentrée littéraire foisonnante même s’il y a moins de titres que l’année passée (589 titres, contre 607 en 2014). La baisse est particulièrement notable pour les premiers romans, 68 contre 75 l’an dernier et 90 dans les années fastes. Prudence ? Frilosité ? Pour la fiction francophone, se côtoient valeurs sûres et découvertes.
On peut discerner quelques tendances. La première, qu’on appelle aujourd’hui l’exofiction, définit le roman en brouillant (ou du moins en remaniant) la frontière entre fiction et biographie, voire en utilisant des personnages plus ou moins célèbres ou en s’inspirant de récits historiques d’époques diverses. Laurent Binet, par exemple, s’empare de la figure de Barthes, Yasmina Khadra de celle de Kadhafi, Bernard Chambaz de Poutine, Simon Liberati d’Eva Ionesco… D’autres vont même jusqu’au roman « sans fiction ». Cela fera l’objet d’une étude approfondie la semaine prochaine. Certains auteurs font le pont entre cette « exofiction » et la fiction familiale classique (c’est, par exemple, le cas de Christophe Boltanski, grand reporter à l’Obs, pour son premier roman). Réalité et fiction s’enlacent donc plus que jamais. Finalement, connaît-on encore le plaisir d’écrire des fables nées de l’imagination au-delà du sujet replié sur lui-même et son histoire familiale ? À noter une bonne résistance du roman psychologique conventionnel et du roman de pure fiction.
Le cru 2015 marquépar l’exil…
Autre signe, paradoxal : le roman ouvert sur l’extérieur lorsqu’il investit le malaise social et s’efforce à la lucidité sur un monde de plus en plus opaque. La forme peut être très classique (Hédi Kaddour) ou les approches différentes (Astrid Manfredi, Mathieu Riboulet, Jeanne Sautière, Laure Limongi). Et cela, même si quelques thèmes très en vogue ces dernières années sont peu présents, comme le travail. Certains se projettent dans l’uchronie tandis que d’autres…