Depuis un siècle, certains pensent que Corneille aurait écrit les pièces de Molière. Une étude scientifique de leurs tics de langage tord le cou à cette idée.
C’est une polémique qui date de 100 ans : Corneille aurait-il écrit les pièces de Molière ? Invraisemblable, tranche une étude scientifique qui confirme la paternité des œuvres du plus célèbre des dramaturges français.
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Deux chercheurs du CNRS et de l’École nationale des chartes se sont basés sur l’analyse statistique réalisée par un algorithme de linguistique des habitudes d’écriture et des « tics de langage » pour prouver que Molière est bien l’auteur du Malade Imaginaire, de L’Avare et d’autres pièces mythiques.
En 1919, le romancier français Pierre Louÿs dit avoir dévoilé une supercherie littéraire : Molière n’aurait été que le prête-nom de Pierre Corneille, une polémique qui rappelle celle selon laquelle derrière le pseudonyme de Shakespeare se cachait un ou plusieurs auteurs qui n’étaient pas le célèbre dramaturge anglais.
Un résultat sans appel, selon les chercheurs
Ceux qui avancent cette théorie, relancée au début des années 2000, estiment que les styles des deux dramaturges se ressemblent trop et se demandent « comment un comédien, présumé sans grande éducation littéraire, à la fois valet de chambre du roi et directeur de troupe de théâtre, aurait pu écrire tant de chefs-d’oeuvre », selon l’étude publiée mercredi dans la revue américaine Science Advances.
« Sur toutes les caractéristiques qu’on étudie, Corneille n’est jamais près de Molière. Le résultat est sans appel », affirme à l’AFP Florian Cafiero, ingénieur de recherche au CNRS qui a travaillé avec Jean-Baptiste Camps, maître de conférences à l’École des Chartes.
« Le théâtre du 17e siècle est très codifié, il y a la règle des unités, une versification très codifiée, des manières de faire rythmer, il y a des sources d’inspiration qui sont les mêmes. Tout va vite se ressembler », dit-il. Mais « Molière fait partie de ceux qui s’isolent le mieux. Il s’identifie extrêmement bien. Il n’y a vraiment pas de doute », ajoute le chercheur.
Etude des préfixes et des suffixes
L’étude, qui se concentre principalement sur des comédies, s’est basée au départ sur un corpus de 70 pièces incluant les auteurs de l’époque, avant de le restreindre à 37 pièces de Corneille, de son frère Thomas Corneille, de Molière, de Rotrou et de Scarron.
Les chercheurs se sont basés sur la méthode de « linguistique computative » qui consiste à analyser statistiquement plusieurs caractéristiques, dont les préfixes, suffixes et même des mots-outils (« et », « de », « si »).
« Ces parties inconscientes de la linguistique signent beaucoup qui on est », selon Florian Cafiero. Il précise que cette technique d’analyse a été développée depuis les années 2000 et est utilisée notamment par la police, par exemple pour identifier un dénonciateur, mais aussi pour étudier la littérature médiévale ou pour lutter contre le plagiat.
Sourcce : franceinfo Culture avec agences – Rédaction Culture – France Télévisions
Photo : « Le Malade imaginaire » de Molière par la troupe Morboria Teatro au festival de théâtre d’Olite en Navarre, Espagne (1er août 2019) (VILLAR LOPEZ / EFE / NEWSCOM / MAXPPP)