Cessez de dénigrer les personnes passées par le BUMIDOM.

Par Yves-Léopold Monthieux


Une personne issue du BUMIDOM et revenue en Martinique vient d’exprimer ses sentiments à la suite de la rediffusion à la télévision ce jour d’un film qui lui est insupportable.
Je dis merci à Madinin’Art de me permettre d’écrire ceci, qui ne peut pas être écrit ou dit dans la presse écrite et audiovisuelle : cessez, Messieurs-dames les journalistes de Martinique-la-première, de diffuser avec une régularité de métronome des films militants et misérabilistes sur le BUMIDOM. Ils ne sont pas de vous et n’ont pour objet, dans le but d’accuser le gouvernement d’alors, que de jeter l’opprobre sur les personnes parties au titre du BUMIDOM. Il n’a jamais – ô grand jamais – été organisé de débat entre des personnes d’avis différents ayant vécu cette histoire. Vous ne connaissez pas l’avis de ceux qui, très majoritairement, ont connu par ce biais une incontestable ascension sociale et dont aucun film ou ouvrage ne parle.
Il est aujourd’hui possible, mais pour combien de temps encore (?), de joindre et d’entendre ceux et celles qui sont revenus en Martinique à la retraite. Leur réticence jusque-là à s’exprimer a toujours été à la mesure des stigmatisations dont ils ont été victimes et qui les conduisent parfois à raser les murs. On peut penser que cette réticence se renforce à chaque rediffusion de vos films. Même les personnes qui ont eu un parcours exceptionnel évitent d’en parler tant est grand l’opprobre jeté sur l’institution. Et pourtant j’en ai rencontré des dizaines dans les dix présentations de mon ouvrage « Les années BUMIDOM en Martinique, le vrai du faux » (Librairie de l’Aéroport). Ils ont tous témoigné, ils ont tous parlé.
L’actualité montre que tous les moyens peuvent servir pour des militants, pas toujours irréprochables, dans la défense de certaines causes. Ils ne craignent pas de commettre des blessures parfois irréparables qui se répercutent sur les descendances et leurs mémoires. Or la cause dans cette circonstance était politique et non le souci du bien-être et du devenir de ces personnes. Lorsqu’un enfant entendait le matraquage d’injures qui se faisait à propos du BUMIDOM, comment vouliez-vous que leurs parents leur en parlent. Nous savons tous que ce sont ceux qui savent écrire qui font l’histoire. Les témoins choisis et apparemment préparés sont écoutés religieusement sans être questionnés sur des incohérences évidentes. On aurait pu demander quel a été son parcours à l’intervenante se plaignant du mauvais accueil reçu à son retour en Martinique. Lorsque M. L. a dit à sa mère qu’il partait pour 6 mois, cela ne pouvait être qu’un doux mensonge destiné à apaiser une mère inquiète et qui n’engage que son auteur. Par ailleurs, on ne compte pas le nombre de filles qui avaient fui les agressions de ceux-là mêmes qui leur ont fait le reproche de quitter leur pays.
Cessez donc de torturer les victimes, non victimes du BUMIDOM mais victimes des stigmatisations dont elles font l’objet et d’encourager, peut-être malgré vous, cet ostracisme et ces vocables qui se sont développés au cours des décennies. Les émigrés des autres îles de la Caraïbe partis en aussi grand nombre en Grande-Bretagne n’ont pas souffert de cet opprobre. Ils ont pu s’organiser à Londres et, ainsi que le disait récemment un internaute, y mettre en place chaque année le plus Grand carnaval Antillais du monde. Ils avaient peut-être la chance de n’avoir pas été des citoyens britanniques comme nous, des citoyens français, et de n’avoir pas été encadrés et sécurisés par un BUMIDOM anglais.
Fort-de-France, le 6 février 2021
Yves-Léopold Monthieux