—Par Roland Sabra —
C’est d’une rencontre avec Edouard Glissant qu’est né « L’Or noir ». Arthur H. était venu lui lire du Césaire ! Peu de temps après sur la scène de l’Odéon il lit des vertiges de l’Anthologie poétique du Tout-monde et la nécessité d’un spectacle consacré aux écrivains et poètes créoles s’impose dans toute son évidence. Il y ajoute des extraits de « L’ivrogne dans la brousse » du nigérian Amos Tutuola, roman publié en 1952 et traduit en français par Raymond Queneau l’année suivante. La part du lion du lion de la soirée est consacrée au maître tutélaire Aimé Césaire. L’entame se fait avec Corps perdu, de « Cadastre » mais viennent aussi des extraits du Cahier et d’autres des « Armes miraculeuses ». Édouard Glissant est lu à deux endroits. Une première fois après Césaire avec un passage de La Cohée du Lamentin et une seconde fois de nouveau après Césaire avec Marie-Galante mais comme point de clôture du spectacle. Encadrés par ces deux piliers on entend des textes de Dany Laferrière, René Depestre, Gilbert Gratiant, James Noël.
L’amour d’Arthur H. pour la Caraïbe lui est chevillé au corps depuis l’âge de quinze ans quand, adolescent, il fugue, lors d’un voyage en compagnie de son père Jacques Higelin et de Coluche. Il refuse de rentrer en France et va s’engager sur le chemin qui mène à l’age adulte. C’est ce passage initiatique, entre rhum, femmes antillaises et champignons hallucinogènes qu’il revisite trente cinq ans plus tard avec humilité et respect en prenant soin de toujours s’effacer derrière les textes que sa voix et son corps chantent et dansent dans de longues caresses sensuelles. La musique des mots est accompagnée par les créations de Nicolas Repac qui entre guitare, senza, guimbarde et flûte harmonique, célèbre, l’amour, le sexe, la sensualité, les racines réelles et imaginaires, la fièvre et les douceurs, la force de la vie qui toujours persiste, dans les images que le récitant donne à voir et à entendre comme s’il s’agissait d’une première fois.
Arthur H. et Nicolas Repac, deux blancs qui célèbrent l’or noir ? L’universalisme programmatique de l’Atrium n’a rien d’abstrait. Il se manifeste concrètement depuis quelques mois dans des propositions, qui du « Papalagui » à « The Island » en passant par « Un dimanche au cachot » ou « Hand stories » par exemple, invitent au dialogue et à l’échange. Il ne peut y avoir que des esprits étriqués et chagrins pour le déplorer, et s’il y en a ici comme ailleurs, c’est devant notre porte qu’il faut d’abord balayer. Ces compte-petits de la jouissance, plus aptes à pétitionner qu’à enrichir leur identité au contact de l’altérité, sont invités à se bouger faute de disparaître dans les oubliettes de l’ennui. Le temps de l’eau fraîche est venu pour ces quelques pisses-vinaigres. Les nommer? A quoi bon? Ils se reconnaîtront!
R.S.
Fort-de-France, le 16/05/2015