— Par Michèle Bigot —
Omniprésence de la question animale sur la scène littéraire : essais, romans, traités philosophiques, poésie…… Elisabeth de Fontenay a ouvert le débat en France depuis longtemps, vite suivie dans sa réflexion par le mouvement associatif. Le spectacle vivant n’est pas en reste. On sait que le dernier festival d’Avignon avait pour centre la problématique du genre : dans les deux cas, c’est la même question des frontières et de l’identité. Où passe la frontière entre l’humanité et le règne animal, où passe-t-elle entre le féminin et la masculin, la bipolarité a-t-elle lieu d’être ou bien faut-il désormais penser davantage en termes de continuum que de polarité ? Le théâtre s’empare à son tour de cette question brûlante. De façon plus spécifique, parce que plus théâtrale, c’est sous la forme de la métamorphose que la scène envisage la question. Depuis Ovide, La métamorphose témoigne de façon exemplaire de la perméabilité des frontières entre espèces ou entre genres. Et c’est souvent le désir qui préside à ces transferts.
On voit donc surgir sur scène deux centaures : Camille-Gaïa et Manolo-Indra, créatures à la fois fantastiques et réalistes, unies dans une chorégraphie aussi étudiée que poétique. Sur le plateau le miracle se réalise : « un plus un égale un ». Par un patient travail de dressage, homme et cavalier se confondent. La chorégraphie et la scénographie soulignent cette fusion. Deux chevaux à la robe noire luisante (un Frison et un Andalou) montés par deux cavalier(e)s tout de noir vêtus président à la magie de la danse. L’écran vidéo en fond de plateau sert de support aux images de l’enfance dans un jeu d’aller retour entre scène et écran. L’ambiance lumineuse et la création sonore et musicale complètent la dimension onirique de l’ensemble. Le texte de Fabrice Melquiot dépasse aussi les frontières du récit pour se déployer dans une évocation libre de l’univers d’enfance, mettant en mots sa force de d’amour et de liberté. Plus qu’un spectacle pour enfants, il s’agit d’un spectacle sur l’enfance et les adultes en sortent non moins émerveillés que les plus jeunes, preuve qu’il n’est pas d’âge pour rêver et que les utopies continuent à porter l’espoir des hommes.
Centaures, quand nous étions enfants, Fabrice Melquiot, Camille & Manolo,
Théâtre du Gymnase, Marseille, 31/10>3/11 2018