« Ce qu’il faut dire », texte Léonora Miano, m.e.s. Catherine Vrignaud Cohen

Mardi 1er avril – 19h30 – Tropiques-Atrium

« Ce qu’il faut dire » est une œuvre de Léonora Miano, mise en scène par Catherine Vrignaud Cohen, qui interroge les rapports entre l’Occident et l’Afrique à travers une écriture percutante et sans compromis. La pièce se compose de trois tableaux, chacun explorant des facettes différentes des relations humaines, de l’histoire coloniale et de la quête identitaire. Loin des discours lissés et des prétentions à l’objectivité, le texte se caractérise par sa brutalité et sa poésie, deux registres qui se mêlent pour provoquer une réflexion intime et collective sur les injustices et les héritages du colonialisme.

La première partie, intitulée « La question blanche », s’attaque frontalement aux structures raciales établies par l’Occident, en évoquant la classification des couleurs de peau et l’inversion des rapports de domination dans la repentance occidentale. La seconde, « Le fond des choses », nous plonge dans l’histoire de la colonisation et de l’immigration, en mettant en lumière les paradoxes et les ambiguïtés des rapports entre l’Afrique et l’Europe, à la fois dans le passé et dans les enjeux contemporains. Enfin, « La fin des fins » propose une utopie où l’humanité, débarrassée de ses divisions raciales et culturelles, pourrait enfin se retrouver dans une fraternité véritable, en dépit des blessures du passé.

Le texte de Miano se veut une invitation à une remise en question des hiérarchies héritées et des identités figées. L’écriture, incisive et poétique, interroge la manière dont chacun se définit et se nomme, loin des déterminations imposées par les autres. La question de la réappropriation de soi et du droit à l’autodéfinition est au cœur de la pièce, qui propose une réflexion sur l’importance de se nommer soi-même, plutôt que de se laisser enfermer dans des catégories extérieures.

La mise en scène de Catherine Vrignaud Cohen se fait le relais de cette quête de sens, en mettant en lumière les dynamiques de la parole et du corps. La comédienne Karine Pedurand, dont l’interprétation devient de plus en plus poignante à mesure du spectacle, incarne le texte avec une grande intensité. Sa présence scénique, à la fois fine et pleine d’énergie, porte les mots de Miano de manière poignante, en les rendant palpables et vivants. Elle est accompagnée de Triinu Timmsalu, auteure-compositrice-chanteuse-guitariste, dont la guitare, à la fois subtile et marquée, dialogue avec les paroles et donne une dimension supplémentaire à l’ensemble, en apportant une texture sonore qui soutient et amplifie le propos.

Cette association entre la parole et la musique, entre la comédienne et la musicienne, illustre parfaitement l’esprit de la pièce : un dialogue qui dépasse les rapports de force et invite à une écoute mutuelle et respectueuse. La mise en scène choisit également de déployer cette œuvre dans des lieux divers, tels que des établissements scolaires ou des centres sociaux, afin d’aller à la rencontre des publics les plus variés. En particulier, une version plus courte du spectacle, concentrée sur les premiers et derniers tableaux, permet une diffusion plus large et plus accessible de ce texte engagé.

À travers « Ce qu’il faut dire », Léonora Miano plaide pour un réveil des consciences, un retour sur l’histoire et une remise en question des codes sociaux et raciaux qui continuent d’imprégner notre société. La pièce, en dépit de la douleur et de la violence des sujets qu’elle aborde, porte un message d’espoir : celui d’une possible réconciliation, fondée sur la reconnaissance des spécificités et des différences, dans un esprit de fraternité et de solidarité. En fin de compte, il s’agit de créer de nouveaux rapports, plus égalitaires et plus humains, loin des dominations et des exclusions du passé.

D’après l’ouvrage éponyme de Léonora Miano – Collection « Des écrits pour la parole » de l’Arche
Mise en scène : Catherine Vrignaud Cohen
Collaboration artistique, photographique : Huma Rosentalski
Chorégraphe : Corinne Chachay
Stylisme : Sandra Berrebi
Régisseur son : Christophe Jacques
Assistant création lumière : Fabien Vaudroy
Régie générale : Daniel Ferreira.
Crédit photos : Huma Rosentalski

Avec : Karine Pédurand, comédienne et Triinu Tammsalu, auteure-compositrice-chanteuse-guitariste