— Par Christine Gonzalez & Beatrice Siadou-Martin. –
En France, on jette environ 29 kg d’aliments par personne à la poubelle chaque année. Mais la lutte contre le gaspillage alimentaire ne concerne pas que le consommateur. Des applications permettent d’aider à lutter contre ce gâchis à tous les niveaux, du distributeur au client.
Quelques chiffres suffisent à comprendre l’ampleur de la problématique : dans le monde, un tiers des aliments destinés à la consommation humaine sont gaspillés ; en France, le consommateur est responsable d’un tiers du gâchis alimentaire et jette chaque année 29 kg d’aliments à la poubelle.
Au-delà de ce constat chiffré, il est important de garder à l’esprit deux éléments essentiels : d’une part, un milliard de personnes souffrent de la faim ou de la malnutrition, et d’autre part, l’alimentation représente entre 20 et 50 % de notre empreinte environnementale.
Le problème ainsi énoncé, le gaspillage alimentaire représente un scandale moral, une aberration, un contresens économique et social. Pourtant, c’est bien en reprenant ces mêmes arguments (d’un côté, le constat d’une pauvreté visible au quotidien et de l’autre, l’existence de denrées alimentaires non-consommées et jetées) que Coluche proposait le lancement des Restos du Cœur il y a plus de trente ans.
Même si l’aversion envers le gaspillage alimentaire est largement exprimée par les consommateurs, leurs comportements n’en sont pas pour autant cohérents. La dimension environnementale a relancé depuis quelques années cette problématique qui se trouve de nos jours amplement débattue dans la presse.
Une volonté politique
Cette omniprésence médiatique renforce et se renforce par une volonté politique largement affichée. Le deuxième Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire, signé le 24 avril 2017, a fixé comme objectif de réduire le gaspillage de moitié d’ici l’horizon 2025. Cela peut paraître ambitieux quand on prend conscience qu’il s’agit de changer des comportements ancrés depuis des années, presque des automatismes. Le gaspillage alimentaire repose en effet sur des actes et non-actes, comme le montrent les travaux de l’enseignant-chercheur Guillaume Le Borgne.
Les pouvoirs publics ont ainsi démultiplié les campagnes d’information et de sensibilisation : création de la journée nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire en 2013, des « Contes de l’antigaspi » qui mettent en scène des héros enfantins, du site internet « Ça suffit le gâchis », etc.
La loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, dite loi Garot, précise le rôle des différents acteurs économiques en indiquant que cette lutte « implique de responsabiliser et de mobiliser les producteurs, les transformateurs et les distributeurs de denrées alimentaires, les consommateurs et les associations ». Elle met en place des actions de lutte contre le gaspillage alimentaire, notamment sa prévention et « l’utilisation des invendus propres à la consommation humaine, par le don ou la transformation ».
« La lutte contre le gaspillage alimentaire comprend la sensibilisation et la formation de tous les acteurs, la mobilisation des acteurs au niveau local et une communication régulière auprès des consommateurs, en particulier dans le cadre des programmes locaux de prévention des déchets. »
Cette loi responsabilise plus particulièrement les distributeurs qui « ne peuvent délibérément rendre leurs invendus alimentaires encore consommables impropres à la consommation ou à toute autre forme de valorisation », dont le don aux associations caritatives.
À la suite des États généraux de l’alimentation, cette obligation de don des denrées consommables et non-consommées aux associations caritatives devrait désormais s’étendre à la restauration collective (entreprises, hôpitaux, écoles, etc.), ainsi qu’à l’industrie agroalimentaire dans son ensemble.
Une mobilisation à tous les stades de la filière
Cyniquement, on pourrait penser que l’augmentation de la consommation ou du gaspillage alimentaire est profitable aux acteurs de la filière agroalimentaire. Pourtant, signe d’une mutation des temps, et bien au-delà du simple évitement des sanctions prévues par la loi, des acteurs de tous les stades de la filière se mobilisent et imaginent des initiatives pour répondre à cette problématique.
La lutte contre le gaspillage alimentaire leur permet d’« intégrer à long terme les buts de l’entreprise et de la société », c’est-à-dire de répondre aux nouveaux besoins et préoccupations exprimés par les parties prenantes et à l’évolution « des normes et des systèmes de valeurs » en cours dans la société française. Elle répond surtout à une pression des acteurs politiques et sociétaux. En cela, elle semble être un nouveau critère de la responsabilité sociale de l’entreprise.
Différentes actions sont mises en place au niveau de la chaîne de production visant à éviter le gaspillage au moment du stockage, du transport et de la mise en rayon. La lutte contre le gaspillage résulte aussi d’une manipulation des outils du marketing comme le produit, le prix, la communication ou la distribution.
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La version originale de cet article a été publiée dans The Conversation.
Christine GONZALEZ, professeure des universités en sciences économiques et de gestion, Le Mans Université et Béatrice SIADOU-MARTIN, professeure des universités en sciences de gestion, Université de Lorraine